PARIS
Des œuvres peu connues d’artistes établis voisinent avec nombre de découvertes. Plusieurs travaux explorent les lisières du dessin avec la sculpture ou la gravure pour des prix qui restent accessibles.
Paris. La 12e édition de ce rendez-vous désormais incontournable pour les amateurs de dessins contemporains s’annonce pleine de (re-)découvertes. « 90 % des œuvres sont nouvelles, produites pour le Salon ou bien inédites », se réjouit Christine Phal, la présidente et fondatrice de Drawing Now. Au nombre des accrochages à ne pas manquer, une série de dessins de Marc Devade, un artiste ayant appartenu à la mouvance Supports-Surfaces. « Une série exceptionnelle ! », se félicite Loïc Garrier de la galerie Ceysson & Bénétière (Paris, Luxembourg, Saint-Étienne, New York) qui ressort des dessins qui dormaient dans la famille de l’artiste mort prématurément (à l’âge de 40 ans). Des œuvres épurées au crayon sur papier de moyen format, affichées entre 12 000 et 18 000 euros. La galerie stéphanoise présentera également des dessins de Pierre Buraglio des années 1970 et 1980. Parmi ceux-ci refait surface un tapuscrit de ses cours donnés à l’école d’art de Valence recouvert de papiers verts déchirés de 1976 (4 500 €). Un geste dans lequel l’artiste reconnaît Nicolas de Staël ou André Lanskoy. Le galeriste explique par ailleurs que « Drawing Now est l’occasion de montrer un aspect peu connu de l’œuvre d’artistes établis. Par exemple, les dessins de Claude Viallat présentés sur le stand ne sont pas des étapes préparatoires mais des œuvres et projets à part entière ». Dans ses acryliques sur carton de 2017 retenues pour le Salon, si l’on retrouve bon an mal an le motif de haricot de Viallat, celui-ci sert à expérimenter toutes les possibilités du matériau (entre 5 000 et 7 000 €).
Catherine Issert (Saint-Paul-de-Vence) a réservé une partie de son stand au Tchèque Vladimir Škoda (né en 1942) qui a bénéficié d’une exposition au centre d’art de l’hôtel de Caumont à Aix-en-Provence à l’automne dernier. Connu pour son travail du métal et la récurrence du motif de la sphère, cet artiste atteste de la liberté que lui confère le dessin par une inventivité que le métal poli dissimule. Feutres, crayons de couleur et acrylique font pétarader et sortir de leurs gonds ses formes géométriques (entre 2 000 et 2 800 €). Comme nombre de ses consœurs, la galeriste a rapporté une œuvre majeure pour « Master Now », un parcours de « maîtres du dessin » qui jalonne le salon. Elle a jeté son dévolu sur un dessin de Jean-Charles Blais de 1984, une craie grasse sur papier proposée pour environ 8 000 euros.
Le public intéressé par les grandes signatures pourra également admirer un dessin de Joan Miró, Personnage, 27/02/1979, accroché sur le stand de la Galerie Lelong & Co. Les bourses bien garnies pourront envisager de l’emporter contre 125 000 euros. La galerie de la rue de Téhéran présente également un carnet inédit d’Etel Adnan datant de 1989. L’éternel mont Tamalpaïs y apparaît sur une feuille particulièrement mouvementée sous les coups de crayon et d’aquarelle de l’artiste libanaise. Des feuilles de petit format d’un montant de 14 000 euros. Du même carnet pourra être acquis un cactus à l’encre sur papier, plus calme mais néanmoins piquant (9 000 €).
Filomena Soares (Lisbonne), une des galeristes les plus importantes du Portugal, sera présente pour la première fois cette année. Elle amène des rives du Tage une valeur sûre, Helena Almeida, connue du public parisien après sa rétrospective au Jeu de paume en 2016. Toutefois, au lieu des photographies de ses performances, désormais courantes sur le marché, la galerie lisboète présente des dessins préparatoires. À la différence de nombreuses œuvres du Salon, ce sont bien ici des « études » dans l’acception de l’artiste, et non des œuvres. Il s’agit là pour elle d’un journal personnel, des étapes préparatoires dont elle décide ensuite le développement performatif. Pour autant, comme l’explique Angie Vandycke de la galerie, cet aspect de son travail a commencé à susciter de l’intérêt et la Tate Modern (Londres) y consacre actuellement un accrochage. De plus les prix sont beaucoup plus abordables. Là où les photographies tournent autour de 50 000 à 80 000 euros, les dessins présentés oscillent entre 5 000 et 8 000 euros, soit dix fois moins. Du côté des artistes plus jeunes, la galerie de Lisbonne présentera également des dessins de Didier Faustino, un familier du public français.
Concernant les artistes émergents, Anne Barrault (Paris), qui participe à Drawing Now par intermittence et envisage ce salon en fonction de projets particuliers liés au dessin, fait un focus sur Tiziana La Melia. On avait pu découvrir le travail de peinture et d’installation de cette artiste palermitaine qui vit au Canada lors de son solo showà la galerie au printemps dernier. Son œuvre graphique aigre-douce bénéficie là d’un coup de projecteur. Les prix de ses crayons de couleur sur papiers arrachés du bloc de dessins oscillent entre 1 000 et 1 400 euros pour des petits formats.
Alain Gutharc (Paris) profite pour sa part du salon pour présenter plusieurs artistes avec lesquels il n’est pas nécessairement lié sur le long terme. Il expose ainsi un grand dessin de None Futbol Club (affiché à 3 500 €), un duo qu’il avait invité une première fois dans le cadre de l’exposition « After Photography » sous le commissariat de Pascale Krief. Un mur est également consacré aux dessins de Florentine & Alexandre Lamarche-Ovize présentés sur des lés de sérigraphies (dessins entre 2 000 et 4 000 €). Catinca Tabacaru (New York, Harare [Zimbabwe]) est une nouvelle recrue de cette édition. La jeune galeriste, qui a participé aux salons parisiens AKAA en 2016 et 2017, propose un solo show de Xavier Robles de Medina, artiste que l’on avait déjà pu découvrir dans ce cadre. Catinca Tabacaru s’intéresse depuis plusieurs années à celui dont elle loue les qualités de dessinateur hors pair. Ce dernier a réalisé nombre de dessins liés à l’histoire de son pays. Pour Drawing Now, ce sont les limites du dessin que l’artiste explore. Il présente un travail de moulage (graphite et plâtre, 4 000 €) qu’il interprète sur papier (5 000 €) en jouant sur les spécificités et la mise en regard des différents médiums.
Dans un même esprit d’aventure par-delà les frontières du dessin, les parisiens Escougnou-Cetraro ont opté pour le projet du duo Pia Rondé & Fabien Saleil. Ces artistes qui développent une pratique interrogeant le dessin à la lisière de la sculpture et de la gravure exposent deux corpus. D’une part des dessins exécutés sur verre à l’aide de peinture et d’argenture de miroir (un projet qui poursuit une présentation faite à Drawing Lab l’automne dernier, environ 3 000 € pièce). D’autre part des dessins réalisés à l’eau-forte et aquatinte sur zinc, étain et acier, une technique empruntée à la gravure mais dont les plaques ici ne sont pas utilisées à cet effet. Par leurs déformations et accumulations, elles prennent elles-mêmes une dimension sculpturale. Des exemplaires uniques pour environ 2 000 euros. Un travail qui permet de sortir d’une stricte définition des arts graphiques tout en conservant la gamme de prix modestes des œuvres sur papier.
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Les bonnes feuilles du salon
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°497 du 16 mars 2018, avec le titre suivant : Les bonnes feuilles du salon