Fiscalité

Le statut fiscal de l’amateur d’art

Par Frédéric Bouglé · L'ŒIL

Le 1 février 2004 - 1218 mots

Si le collectionneur est souvent considéré comme un être original, le statut fiscal de son patrimoine artistique connaît également de nombreuses spécificités. Les objets d’art, de collection et d’antiquité connaissent en effet une fiscalité particulière et souvent avantageuse.

Lors de l’entrée d’un objet d’art dans le patrimoine d’un amateur d’art, ce dernier n’est assujetti à aucune fiscalité particulière. C’est le professionnel qui est intervenu dans l’opération (galerie, maison de vente, courtier…) qui aura acquitté la TVA de 19,6 % sur la marge qu’il a réalisée. Cependant, si l’œuvre est acquise en dehors de l’Union européenne, il devra, s’il désire importer son bien en France, payer à l’administration fiscale une TVA à l’importation de 5,5 % du prix d’acquisition.

Une fois le bien intégré dans son patrimoine, le collectionneur se satisfera de détenir des biens ne subissant aucune fiscalité de la propriété. En effet, en vertu de l’article 885 I du CGI, les objets d’antiquité, d’art ou de collection font partie des rares biens à ne pas être compris dans les bases d’imposition de l’ISF. Cette disposition a une double conséquence : d’une part les sommes consacrées aux objets d’art sont intégralement exonérées d’ISF, d’autre part ces biens ne sont pas mentionnés dans la déclaration d’ISF. Les œuvres d’art (œuvres réalisées par la main de l’artiste ou sous son contrôle) ainsi que les objets de collection (timbres, livres, botanique, zoologie, archéologie, etc.) sont intégralement exonérés et ceci quelle que soit leur date de création. En revanche, les objets d’antiquité doivent avoir plus de cent ans pour ne pas être assujettis à l’ISF. S’ils ont moins de cent ans ils sont alors considérés comme meubles meublants taxés à l’ISF soit sur la base de la valeur d’un inventaire, soit sur la base d’un forfait de 5 % du reste du patrimoine taxable.

En cas de revente ou d’exportation hors Union européenne, le collectionneur connaît, là encore, un régime fiscal pour le moins avantageux. S’il ne détient pas de preuve d’achat ou de transmission avec la date d’achat, la mention de son nom, les caractéristiques du bien et le prix d’acquisition, il devra acquitter une taxe forfaitaire de 5 % du prix de revente qui sera payée par la maison de vente ou la galerie pour son compte.

Dans le cas contraire, il pourra choisir le régime général de taxation des plus-values des œuvres d’art. Pour calculer le montant de son impôt, le collectionneur devra établir la plus-value réalisée par la différence entre le prix de vente et son prix d’acquisition réactualisé. Cette plus-value subira ensuite un abattement de 5 % par année de possession au-delà de la première et un abattement forfaitaire de 915 euros. L’impôt dû par le collectionneur sera alors le montant obtenu affecté de son taux marginal d’imposition. Logiquement, un bien détenu plus de vingt et un ans ou revendu moins cher que son prix d’achat ne fait l’objet d’aucune fiscalité. Le collectionneur garde cependant la possibilité d’opter pour la taxe forfaitaire si l’impôt qu’il doit avec le régime général est supérieur à la somme qui est due en vertu de la taxe de 5 %. Le collectionneur qui revend un objet d’art est exonéré de toute fiscalité si son bien est vendu moins de 3 050 euros ou s’il est vendu à une bibliothèque ou un musée d’État. Le non-résident qui cède un bien en France est également exonéré s’il prouve sa qualité de non-résident et le fait qu’il a réalisé son achat légalement en France.

Le collectionneur détenant un patrimoine artistique ou historique intéressant pour l’État français peut également utiliser une ou plusieurs pièces de sa collection pour acquitter certains impôts dont il serait redevable. Depuis la loi de décembre 1968 dite loi Malraux, l’État accepte le paiement de l’ISF, des droits de donation partage ou de succession par le biais d’une dation d’objets d’art ou de biens historiques. Au moment du dépôt de la déclaration d’impôt (six mois après un décès pour une succession, avant le 15 juin pour l’ISF et un mois après une donation), le collectionneur remet à la recette des impôts un dossier proposant un de ses biens en paiement des droits qu’il doit acquitter. Après un long parcours, le dossier parvient à la Commission d’agrément pour la conservation du patrimoine artistique national qui établit un double avis : l’œuvre est-elle intéressante pour le patrimoine ? et si oui quelle est la valeur libératoire retenue ? Cet avis est ensuite transmis au ministère de l’Économie et des Finances qui donne la décision finale d’acceptation ou de refus. Malgré tout, cette proposition est suspensive du paiement des droits et aucun intérêt de retard ne sera à payer en cas de refus du collectionneur sur les conditions de l’État. Il convient de préciser que si la valeur du bien retenu est inférieure à l’impôt à acquitter, le collectionneur devra verser une soulte, dans le cas inverse, l’État considérera que le collectionneur a réalisé une libéralité à son profit. De nombreux biens ont été intégrés dans les collections publiques par ce mode d’acquisition : L’Astronome de Vermeer (aujourd’hui au Louvre), L’Origine du monde de Courbet (à présent au musée d’Orsay), les successions Picasso, Chagall, Matisse ; pour les biens historiques, le lit de mort de Napoléon, des Archives du Hourmelin, commune de Planguénoual, une collection de 80 000 insectes du monde, des ordinateurs Bull de la seconde génération 1955 et 1958, etc.

Il reste que le collectionneur n’est malheureusement pas immortel et qu’au moment de sa succession l’évaluation de son patrimoine artistique connaît également de nombreuses particularités. Si les œuvres sont vendues aux enchères par les héritiers du collectionneur dans les deux ans à compter de son décès, c’est le prix de vente qui sera retenu comme base dans la succession. Ce système alourdit la fiscalité de la succession mais présente l’avantage d’annuler toute fiscalité de la revente car la valeur d’intégration dans le patrimoine des héritiers est égale au prix de revente. En l’absence de vente, c’est la valeur d’assurance qui sera retenue comme valeur de succession sachant que les héritiers et les compagnies d’assurance doivent informer l’administration fiscale del’existence d’un tel contrat. À défaut d’assurance, l’administration fiscale retiendra la valeur mentionnée dans un inventaire respectant les règles de l’article 943 de l’ancien code de procédure civile. Si un contrat d’assurance et un inventaire coexistent ce sera la plus forte valeur qui sera retenue. À défaut de vente dans les deux ans, d’inventaire et de contrat d’assurance, c’est la valeur mentionnée dans l’inventaire estimatif des héritiers qui sera retenue. L’arrêt Tenoudji du 17 octobre 1995 précise que les œuvres d’art servant à l’ornementation et la décoration des appartements peuvent être qualifiées meubles meublants, et se voir ainsi appliquer la règle du forfait de 5 % du reste de l’actif successoral. Il reste cependant qu’en principe l’administration peut tenter de rapporter la preuve que ces œuvres d’art ont une valeur supérieure à ce forfait. Les œuvres d’art de collection dans des pièces particulières ou en coffre ne peuvent, quant à elles, se voir appliquer cette règle et sont prises en compte pour leur valeur estimative.

La fiscalité de l’amateur d’art est pour le moins avantageuse. Il convient cependant de bien étudier chaque situation car il est souvent possible, au cas par cas, d’optimiser la fiscalité pour une transmission ou une revente au meilleur coût.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°555 du 1 février 2004, avec le titre suivant : Le statut fiscal de l’amateur d’art

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