Le Salon du dessin reste à la page

Paris. Les instigateurs du Salon du dessin en 1991 ont de quoi être fiers. Cette réussite française ne se dément pas, la place de numéro un en matière de salon de spécialité lui revient incontestablement. Sa 32e édition présente, au palais Brongniart, une sélection rigoureuse de marchands français et étrangers de dessins anciens, modernes et contemporains, qui montrent des œuvres de qualité, une des grandes forces du salon. « Cette sélection propose un échantillon varié du dessin et non pas une seule vision », souligne Louis de Bayser, aux commandes de la manifestation depuis maintenant dix ans. On y trouve en effet des marchands de dessins symbolistes, d’autres tournés vers le cubisme, d’autres encore vers le dessin italien ancien… « Chaque exposant a son goût propre et propose une vision assez singulière du dessin. C’est important parce que cela permet de changer d’ambiance d’un stand à l’autre et d’éviter ainsi une certaine répétition qui pourrait nuire au salon », ajoute le président.

Les marchands savent qu’il est primordial de surprendre les collectionneurs et conservateurs de musée avec des feuilles qui paraissent inhabituelles par rapport à ce qu’on attend d’un artiste ou d’une époque. D’ailleurs, l’une des clés du succès de ce salon repose sur l’exposition de dessins inédits. Les conservateurs de musées, tant français qu’européens et américains (à New York : le Metropolitan Museum of Art, le J. P. Getty Museum, la Morgan Library…), et les collectionneurs se déplacent pour ça. « Cette fraîcheur des dessins sur le marché est un des grands atouts du Salon », confirme Louis de Bayser.

Pour cette édition 2024, 39 exposants (dont 17 galeries étrangères issues de 8 pays différents) ont été sélectionnés – un chiffre stable d’année en année. Des galeries comme Rosenberg & Co. (New York) ou Jean-Luc Baroni – qui a pris sa retraite – ne sont pas revenues. De même Emmanuel et Laurie Marty de Cambiaire (Paris), qui étaient il y a peu à New York après une participation à la semaine du dessin, invités par Gerald Peters Gallery. À la place, quatre nouveaux marchands intègrent la manifestation : la galerie romaine Paolo Antonacci ; le londonien Emanuel von Baeyer ; François Delestre Fine Arts, qui a ouvert une antenne à Paris en plus d’un espace à Londres, actif depuis 1982 ; et la Galerie 1900-2000 (Paris). À cela s’ajoutent plusieurs retours, à l’exemple du londonien Stephen Ongpin.

Si les différentes techniques auxquelles ont eu recours les artistes au cours des siècles sont nombreuses – lavis, crayon, sanguine, pastel, plume, craie ou encore pierre noire –, le spectre des sujets est également large. Le visiteur recherchant les feuilles très anciennes peut se rendre sur le stand de Bob Haboldt (Paris), qui montre Un Berger agenouillé en prière [voir ill.], vers 1603, de Jacques de Gheyn II, ou sur celui de Maurizio Nobile (Paris), qui expose La Chute des damnés et l’hydre à sept têtes, de Federico Zuccari (1539-1609). Aux amateurs de dessins plus récents, la galerie new-yorkaise Zeit Contemporary Art propose une gouache sur papier de Sol LeWitt, Grille irrégulière (1999, [voir ill.]), ou chez Louis & Sack (Paris) où la Coréenne Lee Hyun joung présente des œuvres réalisées en exclusivité pour le salon ; tandis que pour sa 11e participation à la manifestation, la galerie suisse Ditesheim & Maffei (Neuchâtel) consacre une partie de son stand à l’artiste anglais né en 1955 Simon Edmondson.

Les grands noms sont aussi présents, à travers une Étude de licteur au crayon noir et sanguine signée Ingres, à la Galerie de Bayser (700 000 €), ou La Promenade de la belle Anglaise (1924), de Miró, à la Galerie 1900-2000 (prix entre 1 et 1,5 M€). Pour les amateurs de portraits, le bruxellois Patrick Lancz expose une étude au graphite pour Passé ou Un profil oriental (1908), de Ferdinand Khnopff (entre 45 000 et 55 000 €), quand François Delestre dévoile un Portrait de Meyer De Haan ou Mélancolie (vers 1889), de Gauguin, à l’encre de Chine et crayon (autour de 120 000 €). Des paysages sont à découvrir, comme chez Terrades (Paris), avec La Dent de Valère et le Rhône depuis les environs de Saint-Maurice, 1807, d’Élisabeth Vigée-Le Brun ; mais aussi des représentations d’animaux, à l’instar d’Un perroquet parmi les plantes exotiques (1946), une gouache de Carl Fahringer chez Martin Moeller & Cie (Hambourg), ou de ce mignon Koala dormant (2012) de Victor Koulbak à la Galerie Berès (Paris, 15 000 €).

Le Salon du dessin ne serait pas le Salon du dessin sans la multitude d’événements culturels qui se déroulent en marge, au premier rang desquels figurent les Ren contres internationales, des journées d’étude dont le thème cette année est consacré aux artistes voyageurs et au dessin de voyage. C’est aussi la 24e année consécutive que la manifestation organise la Semaine du dessin, comprenant des visites privées inédites de cabinets d’arts graphiques dans une vingtaine de musées ou institutions partenaires parmi lesquels le Musée d’Orsay, le Musée national d’art moderne-Centre Pompidou ou le Musée des arts décoratifs. Enfin, deux invitées d’honneur ont été conviées cette année : la Fondation Dubuffet – qui fête ses 50 ans – a apporté 55 œuvres sur papier réalisées entre 1935 et 1985 par l’artiste, tandis que la fondation allemande Tavolozza, créée en 2001 par la collectionneuse Katrin Bellinger, dévoile quelques-unes de ses belles feuilles. Sans oublier la remise du Prix de dessin contemporain de la Fondation Daniel et Florence Guerlain, le jeudi 21 mars.