MIAMI - « C’est un carnaval », m’a dit un grand marchand new yorkais. La transhumance des milieux de l’art contemporain les a en effet menés début décembre jusqu’à Miami où déferlaient des masses venues de partout, survoltées à l’idée de participer à l’événement, d’y voir couler les dollars, de dépenser sans compter, d’aller de fête en fête, avec pour alibi une prise de température de l’art d’aujourd’hui. Comme pour un repas trop riche, l’excès de nourriture confinait à l’indigestion : trop de foires, trop d’expositions pour être vues en quatre jours, des collections privées surchargées d’oeuvres, des prix demandés souvent trop élevés pour ne pas confiner au marché de dupes et des chambres d’hôtel trop chères (le sujet principal dans la presse locale).
Une savante hiérarchie
Au coeur de l’événement, Art Basel Miami Beach, 250 galeries dans un hall immense, où l’on retrouvait des valeurs sûres (Warhol champion toutes catégories présent dans une galerie sur dix), des valeurs en création et parfois en expansion pendant la semaine de la foire (le jeu consiste à faire parler d’un nom nouveau et le chuchoter pour l’installer dans le marché), quelques oeuvres modernes aussi, en nombre plus restreint et parfois déjà vues dans des foires précédentes. Beaucoup de belles marchandises malgré tout, même si le conservateur de musée (à moins de montrer du doigt à ses riches trustees les oeuvres qu’ils doivent acheter et qu’ils lui donneront peut-être dans la foulée) se sent quelque peu dépassé par cette flambée des prix où le moindre collectionneur de Floride se trouve doté d’un pouvoir d’achat plus important que n’importe quel musée européen. D’ailleurs, selon une savante hiérarchie, le matin de l’inauguration est réservé aux plus grosses fortunes privées ; les musées ou les collectionneurs plus pointus n’ayant ce droit d’accès que plus tard.
Des oeuvres qui résistent
Le paradoxe des foires, c’est que malgré (ou à cause de) ce trop plein, ces redites de stand en stand, cette surabondance d’oeuvres moyennes, il s’y détectera presque toujours des moments de magie (la Crucifixion d’Ensor chez Freeman-Nelson (New York, Paris) proposée à 475 000 dollars (360 861 euros), le quart du prix d’un petit Mao de Warhol dans une galerie voisine). Ou l’on retiendra tel ou tel artiste dont l’oeuvre aura réussi à se détacher du désordre ambiant, comme Marepe chez Luisa Strina (São Paulo), Jean-Luc Verna chez Air de Paris (Paris) ou Zilvinas Kempinas chez Spencer Brownstone (New York). J’avoue ne pas avoir, loin s’en faut, parcouru la totalité des treize foires off, m’étant contenté de Design, NADA, Pulse et PhotoMiami. Il y avait sans doute à prendre dans chacune d’elles, mais surtout à y laisser. Pour autant, les marchands français dispersés au hasard de ces « petites » foires se montraient enthousiastes des résultats obtenus. Il faut saluer à cet égard la réussite d’Emmanuel Perrotin dont la magnifique galerie (belle exposition de Xavier Veilhan) accueillait pour un soir la communauté artistique. Mais, bien cachée dans le Design District (où la Fondation américaine du Centre Pompidou présentait un choix des collections Design du Musée national d’art moderne), une vraie exposition critique sur la jeune scène russe due à deux jeunes curatrices de Moscou m’a enfin récompensé de tous ces efforts. « Modus R » présentait des oeuvres dérangeantes et justes sous le slogan « Quand une génération d’artistes a grandi en se détachant des préceptes d’une certaine idéologie, le politique et le formel peuvent être séparés ». Ailleurs, une cacophonie de marches militaires émergeait du « bunker » des artistes cubains Allora & Calzadilla. Il y a encore des oeuvres qui « résistent ».
- Nombre de visiteurs : 40 000 - Prochaine édition : du 6 au 9 décembre 2007
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Le rendez-vous de tous les excès
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°250 du 5 janvier 2007, avec le titre suivant : Le rendez-vous de tous les excès