Monochrome

Le mois du blanc

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 19 juin 2013 - 769 mots

Avec une quarantaine d’œuvres historiques des artistes de l’avant-garde italienne, la galerie Tornabuoni
retrace l’histoire du monochrome blanc en Italie de la fin des années 1950 à nos jours.

PARIS -  L’exposition est intitulée « Bianco Italia ». Une façon d’annoncer qu’elle n’évoquera, volontairement, que le monochrome blanc italien. Est-ce à dire qu’il est plus blanc qu’ailleurs ? Non, le propos est tout simplement de rappeler qu’il y a une historicité du thème et que le monochrome blanc est à l’Italie ce que le monochrome bleu est à Klein. « Nous voulions montrer que le monochrome est une invention qui a une date précise et un lieu précis : une invention milanaise, datée de 1958 avec des racines profondément italiennes », indique Michele Tornabuoni, le directeur de la galerie.
C’est d’ailleurs bien par l’histoire, avec des œuvres fondatrices, que l’exposition démarre. Dès la première salle de la galerie, au rez-de-chaussée, un défilé haut gamme qui débute avec deux Concetto spaziale, deux toiles de Fontana, l’une avec cinq fentes verticales et l’autre avec six horizontales. Elles entourent une étonnante peinture avec craquelures d’Alberto Burri. On enchaîne ensuite avec une toile Achrome à carreaux et kaolin (1958-59) de Piero Manzoni, un tableau d’Agostino Bonalumi, un Volume (1959) de Dadamaino, la seule femme de la bande qui pratique, elle, de grandes découpes dans la toile pour faire apparaître le mur derrière et transformer le tableau en sculpture. Nous sommes ainsi à la toute fin des années 1950, à l’époque où Klein réalise ses monochromes et où il les expose à Milan chez Guido Le Noci. Milan donc, où Fontana (qui achète d’ailleurs un tableau de Klein lors de cette exposition) a son atelier, situé tout près de la galerie Azimuth fondée précisément par Piero Manzoni et Enrico Castellani, également très bien représentés ici.

Les origines du monochrome blanc
Autour de ce groupe Azimuth gravitent –  outre les précités Bonalumi et Dadamaino – des artistes sensiblement du même âge mais moins connus, comme Paolo Scheggi, Turi Simeti, Vincenzo Agnetti. Autrement dit une ruche constituée par une génération émergente qui fait du blanc une réflexion, non pas tant sur la couleur elle-même, mais surtout sur une construction possible à partir du monochrome. Historique et muséale cette première salle montre parfaitement l’acte de naissance du blanc et la manière dont il devient le thème central de l’avant-garde italienne à ce moment-là. C’est aussi la salle où l’on peut voir le fameux et rare Emme l Elle Elle E (1970) d’Alighiero e Boetti, son premier tableau réalisé avec la technique de la broderie (en blanc évidemment), fait par sa femme en Europe et donc pas encore à Kaboul par des femmes afghanes comme il le fera ensuite, avec ce premier comme point de départ.
Tout aussi riche, la suite de l’exposition montre comment ce thème du blanc se perpétue dans l’art italien, et notamment, à partir de la fin des années 1960, avec le mouvement de l’Arte povera. L’occasion de découvrir une fleur brodée sur fond blanc de Jannis Kounellis ou, typique des œuvres de Pier Paolo Calzolari, une installation pensée pour fabriquer du givre, de la glace. Une manière de dire que le blanc peut fondre, qu’il est éphémère et, traduit dans la langue de l’Arte povera, qu’il est aussi un matériau. De ce même Calzolari, la pièce intitulée Tiara IV, réalisée en hommage à Lucio Fontana et composée, entre autres, d’un système qui met deux œufs blancs imperceptiblement en mouvement, de façon magnétique, est l’un des moments forts du sous-sol de la galerie.
Enfin, pour montrer que le thème est toujours d’actualité, la commissaire de l’exposition Dominique Stella a tenu à montrer des artistes beaucoup plus jeunes, Patrizio Travagli (né en 1972) et Francesca Pasquali (née en 1980) dont les œuvres témoignent de belle manière de l’intérêt qu’une nouvelle génération porte au thème et de son désir de le maintenir vivant.
On l’aura compris, avec des œuvres exemplaires d’artistes qui pour la plupart ont leur renommée, les prix atteignent des cimes légitimes. Soit pour les plus bas, 18 000 euros pour un relief de Francesca Pasquali et pour les plus hauts entre 5 et 6 millions d’euros pour Lucio Fontana. Mais soulignons-le à nouveau, à l’image d’un bandage très significatif de Salvatore Scarpitta (1919-2007), daté de 1959 et ayant appartenu à la collection de Léo Castelli, la majorité des œuvres sont de qualité muséale.

BIANCO ITALIA

Jusqu’au 20 juillet, Galerie Tornabuoni, 16 avenue Matignon, 75008 Paris, tél. 01 53 53 51 51, www.tornabuoniart.fr, du lundi au samedi de 10h à 18h30

BIANCO ITALIA

Nombre d’œuvres : 38 exposées

Prix : entre 18 000 € et 6 millions €

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°394 du 21 juin 2013, avec le titre suivant : Le mois du blanc

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