La crise du marché de l’art frappe-t-elle en province comme ailleurs ? À Lyon, si de nombreuses galeries d’art contemporain sont en difficulté, le commerce des post-impressionnistes lyonnais et des tableaux anciens ne s’est pas effondré et connaît même un certain regain.
LYON - Le commerce de l’art contemporain est assurément périlleux à Lyon, comme en témoigne la fermeture des galeries TH, Favre, Triolle, Guinle entre autres. Certains ont choisi de partir (Philippe Nelson s’est installé à Paris), d’autres ont opté pour un fonctionnement para-marchand, en privilégiant leur passion sur la rentabilité, quelques-uns enfin se sont donné les moyens de leur politique en recherchant des capitaux.
Sortir du système marchand
Pour Françoise Moulin (dans la presqu’île), comme pour Claude Vannoni (quartier St-Georges) et Catherine Derrioz (Le Réverbère II, sur les pentes de la Croix-Rousse), la solution passe par l’apport d’un salaire extérieur. Si Françoise Moulin, qui expose Jobs Tilman en septembre, espère "tenir plus longtemps", Claude Vannoni y voit le moyen "de montrer des artistes inconnus" comme MTK. C’est aussi l’occasion "d’établir un compagnonnage avec des artistes" pour Catherine Derrioz qui expose Arielle Bonzon en ce moment.
L’engagement personnel prend parfois des formes plus extrêmes encore, proches du mécénat. La galerie Contre-Exemple (pentes de la Croix-Rousse, Gennaro de Pasquale jusqu’à fin septembre) n’a pas réalisé une seule vente depuis son ouverture en février 1994 ; Domi Nostrae a installé une galerie dans un appartement (dans le IIIème), où il montre Hans Rath jusqu’à la mi-octobre.
Ces expédients divers permettront-ils de franchir le cap de la rentabilité ? Rien de moins sûr, car les faiblesses de ces galeries sont structurelles. Travaillant avec des artistes jeunes, qui dégagent de faibles marges mais supposent des investissements à long terme, elles n’ont pas les moyens financiers de leur politique. N’étant pas non plus rassemblées dans un quartier de la ville pour créer un pôle d’attraction, elles ne parviennent pas à mettre en marche le cercle vertueux de la reconnaissance et de la viabilité.
Trouver des partenaires
Passionné lui aussi mais sachant compter, Patrick Martin (qui donne dorénavant son nom à sa galerie du quartier St-Georges, autrefois baptisée Galerie L’Œil écoute), a bien analysé ces contraintes. Pour y faire face, il a associé des industriels et des professions libérales au capital de sa galerie, et mène une habile politique commerciale : location de tableaux, participation à des salons (Découvertes) et collaboration avec des institutions de l’agglomération (Villefranche, St-Priest). Une "démarche tous azimuts" qui porte ses fruits : passé d’un espace de 200 à 600 m2, il montre régulièrement des artistes comme Giorda, Noua, Ughetto, quelques stars (Pat Andréa, Garouste), et fait actuellement travailler ensemble Albérola et Le Gac sur le thème de l’Afrique.
Le salut viendrait-il des entreprises ? Les galeries Athisma (Quartier St-Jean) et Vernay-Carron (Villeurbanne) semblent le penser. La première, qui soutient des jeunes artistes comme Guillaume Treppoz en ce moment, collabore avec un hôtel de luxe : elle utilise les chambres pour prolonger son espace d’exposition, et offre en retour un "changement régulier de décor". Même collaboration rapprochée entre la Galerie George Vernay-Carron et l’agence de publicité du même nom : l’une apporte un carnet d’adresse de décideurs, l’autre une image de marque. Un système mis à profit pour proposer des expériences (une carte blanche à Christian Bernard cet été) et des pièces parfois peu vendables (Verjux, Varini et Bart en septembre).
Des peintres lyonnais toujours recherchés
Si le commerce de l’art contemporain organise sa survie, celui des artistes traditionnels est en progression régulière et constante. Les galeries ouvertes à la faveur du boom des années 1990 ont certes disparu, mais celles qui disposaient d’une réputation établie ont retrouvé une activité normale.
Ainsi, les marchands d’art ancien évoquent-ils "la crise" sur un ton plus convenu que convaincu. En effet, les "ventes de la peinture des XVIIe et XVIIIe n’ont pas chuté" reconnaît Gilbert Molle (rue Auguste Comte), et le marché des Lyonnais du XIXe (Ravier, Vernet, Caran) s’est maintenu. Une stabilité qui repose sur "des peintures qui plaisent aux Lyonnais" et des "clients fidèles" explique Jean Charvériat (dans le VIème). Jean Clerc, qui vend des estampes et des dessins (Galerie Caracalla, quartier St-Jean), estime même que son commerce s’est développé "parce que les parisiens se sont aperçu que je suis moins cher que la capitale".
Même optimisme tempéré à la Galerie St-Hubert (peintres figuratifs) comme chez les marchands de l’école lyonnaise post-impressionniste (Truphémus, Cottavoz, Gambus, Fusaro) en vente dans les galeries Alain Georges, St-Georges, St-Vincent. Michèle Boulet (St-Vincent) avoue : "Le problème n’est pas tant de trouver un acheteur mais une toile de Truphémus". À plus de 100 000 francs la toile, le marché reste porteur.
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Le marché entre crise et reprise
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°6 du 1 septembre 1994, avec le titre suivant : Le marché entre crise et reprise