SAINT-CYPRIEN
La ville veut se défaire des objets d’art acquis massivement par l’ancien maire entre 2003 et 2008. Des élus s’y opposent par voie judiciaire. Retour sur une histoire tragique.
Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales). La ville de Saint-Cyprien n’arrive décidément pas à tourner la page. Son nom est associé à une vaste affaire de corruption et de malversation qui remonte a une dizaine d’années. Son ancien maire, Jacques Bouille, avait dépensé sans compter l’argent de la commune pour acquérir des œuvres d’art, entretenant une confusion entre sa collection personnelle et celle de la municipalité. Sa fin tragique – il s’est suicidé en prison – et le procès qui a suivi, en 2015, puis en appel en 2016 avec à la clé des peines de prison ferme, a terni l’image de la ville. L’affaire n’est toutefois pas terminée puisque deux prévenus se sont pourvus en cassation.
Fortement endettée et parce que le lieu n’est pas adapté à la sauvegarde d’une telle collection, constituée d’art moderne et contemporain, de tapis et de tapisseries, mais aussi d’arts lointains, la commune a décidé de vendre une partie des œuvres de son musée, dont les réserves sont surchargées. Elle en a le droit puisque qu’il a le statut de fondation et n’est donc pas soumis au principe d’inaliénabilité. Réuni le 8 juillet 2016, le conseil municipal a voté en faveur d’un déclassement et en a demandé l’autorisation à la Commission scientifique nationale des collections qui s’est finalement prononcée défavorablement. Qu’importe – son avis n’étant que consultatif (contrairement à l’avis conforme pour les Musées de France) – le 26 octobre dernier, le conseil a voté à la majorité le déclassement en vue de la cession de 613 œuvres. « Les sommes récoltées seront affectées à la valorisation du patrimoine cypriannais », a indiqué Stéphanie Misme, la directrice des collections. Les vacations étaient prévues pour les 13, 16 et 18 décembre à Drouot.
Coup de théâtre à cinq jours de la première vente : le maire actuel, Thierry Del Poso, annonce qu’il décide « d’ajourner la vente aux enchères de la série d’œuvres d’art [acquises par Jacques Bouille] qui ont coûté à la commune 10 millions d’euros en cinq ans (de 2003 à 2008) ». L’OVV Millon, chargé des ventes, accuse le coup après ce 3e report en huit mois. Un tel revirement de situation est le fait de quatre membres de l’opposition qui ont déposé un recours en référé devant le tribunal administratif à l’encontre de la délibération du 26 octobre. « Nous ne nous opposons pas au principe de la vente, mais au fait que les estimations (600 000 à 900 000 €) ne correspondent qu’à 30 % du prix d’achat. Entre 2006 et 2008, 2,5 millions d’euros ont été dépensés ! », lance Pierre Rossignol, conseiller minoritaire. « Les membres de l’opposition étaient présents quand les experts sont venus en juillet 2016 et ont expliqué que les prix avaient baissé en dix ans - d’autant plus que les œuvres ont été surpayées », rapporte Stéphanie Misme. Pour Pierre Rossignol, la procédure n’a pas été respectée : « Ce sont des biens publics. Il y avait l’obligation d’une publication et d’une mise en concurrence des experts ».
Cette contestation de dernière minute, « pour perpétuer la mauvaise image de l’ancienne municipalité », selon Stéphanie Misme, laisse tout le monde pantois.
On attend les conclusions de la procédure en référé devant le tribunal le 11 décembre dernier.
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Le malheureux destin des trésors de Saint-Cyprien
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°491 du 15 décembre 2017, avec le titre suivant : Le malheureux destin des trésors de Saint-Cyprien