L’affaire du Jardin à Auvers – l’un des derniers tableaux de Van Gogh, classé monument historique, devenu l’enjeu d’une longue et exemplaire procédure en indemnisation menée par ses anciens propriétaires contre l’État – passera en cassation le 23 janvier. Le jugement, qui devrait être rendu quelques semaines plus tard, pèsera lourd sur l’attitude des autorités françaises face à la circulation des biens culturels.
PARIS - C’est à la fois l’ampleur des sommes en jeu et le principe même de l’indemnisation qui inquiètent vivement l’État : l’affaire du Jardin à Auvers, plus communément connue comme l’affaire Walter, d’après le nom des anciens propriétaires du tableau, fera certainement jurisprudence.
Le jugement de la Cour de cassation pèsera, notamment, sur le sort des tableaux et objets d’art auxquels un certificat de libre circulation est refusé, et pour lesquels, au bout des trois ans de réflexion stipulés par la loi, les autorités décideront de l’acquisition ou du classement, c’est-à-dire l’interdiction définitive de sortie du territoire.
Entre le prix proposé pour un objet restant en France et celui qu’il aurait pu espérer sur le marché international, il peut exister une différence considérable, que des propriétaires seront en droit de réclamer sous forme d’indemnisation si Jacques Walter obtient gain de cause ce mois-ci.
Classé monument historique par un décret du 28 juillet 1989, le Jardin à Auvers (1890, huile sur toile, 64 x 80 cm) a été adjugé 55 millions de francs à l’industriel Jean-Marc Vernes par Monsieur Jean-Claude Binoche, le 6 décembre 1992 à Drouot. Dès la décision de classement, Jacques Walter, représenté par son fils Jean-Jacques Walter, a engagé une action juridique pour obtenir une indemnisation auprès de l’État.
De 422 à 145 millions de francs d’indemnités
Les Walter ont toujours soutenu que ce classement de l’un des tout derniers tableaux peints par Van Gogh à Auvers-sur-Oise, quelques jours avant son suicide, était totalement abusif, puisqu’il s’agissait d’une œuvre d’un artiste étranger, réimportée en France par un résident suisse, Jean-Jacques Walter, qui, de surcroît, conservait son bien à Monte-Carlo. Mais le Conseil d’État a rejeté, le 31 juillet 1992, leur recours contre la décision de classement.
Après un jugement du tribunal d’instance de Paris, en mai 1993, qui décidait du principe de l’indemnisation mais non pas de son montant, l’État a été condamné le 22 mars 1994, par le tribunal du 1er arrondissement de Paris, à payer 422 millions de francs à Jacques Walter. Cette somme représentait la différence, majorée d’intérêts, entre 55 millions de francs, soit le prix du Van Gogh sur le seul marché français, et sa valeur s’il avait été vendu sur le marché international. En appel, le 6 juillet 1994, cette somme a été ramenée à 145 millions de francs, le tribunal se fondant sur une nouvelle expertise et rejetant le paiement des intérêts.
Si l’État obtient gain de cause devant la Cour de cassation, les Walter comptent poursuivre leur bataille juridique au niveau européen. Par une décision du 30 août 1994, la Commission européenne des droits de l’homme a conclu que le propriétaire du Jardin à Auvers avait subi un préjudice financier important et que la réparation de ce préjudice est prévue en droit français. Mais la Commission a jugé bon de ne pas poursuivre tant qu’une action était en cours en France.
Le Jardin à Auvers est actuellement exposé au Musée d’art moderne de la Ville de Paris dans le cadre de l’exposition Passions Privées, art moderne et contemporain dans les collections particulières en France (lire Le Magazine des Arts, dossier du JdA n° 20, décembre). C’est sans doute la dernière des quatre toiles consacrées par Van Gogh au jardin de Daubigny à Auvers-sur-Oise. Il se distingue dans la production de l’artiste par une utilisation systématique de techniques d’inspiration pointilliste.
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Le Jardin à Auvers passe en cassation
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°21 du 1 janvier 1996, avec le titre suivant : Le Jardin à Auvers passe en cassation