NEW YORK / ETATS-UNIS
NEW YORK (ETATS-UNIS) [09.11.15] - Malgré un important volume de ventes, les premiers volets de la dispersion de la collection de l’ex-PDG de Sotheby’s n’ont pas atteint l’estimation basse, handicapés par des œuvres connues du marché et empoisonnés par l’escalade des garanties.
Annoncée comme la nouvelle « vente du siècle », bénéficiant d’une estimation colossale de 500 millions de dollars (près de 465 millions d’euros), poussée par un marketing tous azimuts, la vente de la collection Alfred Taubman, ancien propriétaire et président de Sotheby’s, n’a finalement pas tenu ses promesses. Du moins est-ce le cas pour ses deux premiers volets, qui ont atteint 420 millions de dollars (1) contre des estimations basses de 405 millions de dollars. En retirant le montant des frais, le résultat se situe donc en dessous de l’estimation basse.
La pression était à son maximum pour ce coup d’envoi de la saison new-yorkaise, notamment pour le P.-D.G. Tad Smith, qui connaissait là la plus grosse vente depuis sa prise de fonction en mars 2015. Jamais les enjeux financiers n’avaient été tels pour une collection (acquise pour la grande majorité des œuvres chez Sotheby’s), dont la maison espère qu’elle batte le record de la vente « Yves Saint Laurent-Pierre Bergé ». Mais la vacation la plus attendue, réunissant les œuvres les plus importantes, a déçu, récoltant 377 millions de dollars (345,8 millions d’euros), un chiffre en dessous de l’estimation, avec pourtant près de 90 % des lots vendus. Les succès de la vente sont allés à l’une des dernières toiles de Modigliani, le Portrait de Paulette Jourdain (1919) : estimé entre 25 et 35 millions de dollars, ce grand format a été cédé pour 42,8 millions de dollars. Même scénario pour Delaware crossing (1961) de Frank Stella, vendu 13,7 millions de dollars, ce qui signe un nouveau record pour l’artiste minimaliste.
Cependant plusieurs œuvres n’ont pas atteint leur estimation basse, comme la Femme assise sur une chaise (1938), de Picasso, estimée entre 25 et 35 millions de dollars et emportée pour 20 millions de dollars ou des Danseuses en blanc (1978) de Degas. « Près de 40 % des lots ont été vendus sur une seule enchère », a noté Thomas Seydoux, devenu courtier après plus de quinze ans passés au service de Christie’s. Sept invendus ont été recensés, parmi lesquels un autre Degas et un Jasper Johns (estimés entre 15 et 20 millions de dollars).
Un marché non dupe
Le lendemain, la vente d’art moderne et contemporain a fait mieux : elle a permis de rapporter 42,7 millions de dollars (39,8 millions d’euros), un chiffre dans la fourchette haute de son estimation. « Les œuvres étaient bien mieux estimées. Par ailleurs, sur ces tranches de prix, les marchands pouvaient enchérir, et il ne faut pas sous-estimer leur poids », commente Thomas Seydoux.
Que conclure de l’ensemble de ces résultats ? Il confirme que seules les œuvres de première qualité et fraîches sur le marché peuvent atteindre des prix exceptionnels. « Le volume d’affaires de ces deux jours a été important, le marché n’a pas décroché. Mais il a tout simplement démontré qu’il n’était pas dupe et qu’on ne pouvait pas lui imposer des estimations trop poussées », indique Thomas Seydoux. Et si Sotheby’s s’est retrouvé à devoir porter les estimations de ses œuvres phares au-delà du raisonnable, c’est en raison de la garantie trop importante qu’elle a assurée sur l’intégralité de la collection (du jamais-vu), dans l’optique de remporter le contrat avec les vendeurs. Difficile en effet de laisser échapper la collection de son ancien P.-D.G. « Le rôle des garanties est d’assurer un minimum, pas un maximum. Obtenir une vente par le biais d’une garantie élevée puis essayer de limiter la casse en baissant les prix de réserve au dernier moment, ce n’est pas comme cela que marchent les enchères », déplore Thomas Seydoux, selon lequel « les maisons de ventes seront plus prudentes à l’avenir ». Il est vraisemblable que Sotheby’s atteigne le montant de cette garantie à l’issue de l’ensemble des ventes ; c’est d’ailleurs ce qu’a tenu à souligner Tad Smith à l’issue de la deuxième vente.
Quoi qu’il en soit, le successeur de Bill Ruprecht, qui devait être celui grâce à qui Sotheby’s retrouverait une bonne rentabilité, a fait une mauvaise affaire avec la collection Taubman : il est en effet fort probable que la maison perde de l’argent dans l’opération. Thomas Seydoux le confirme : « Entre les 500 millions d’euros immobilisés, les frais de marketing monstrueux et l’ensemble des équipes focalisées sur le dossier pendant plusieurs mois, la rentabilité est catastrophique. » Même si la collection marquait un nouveau record, Sotheby’s, qui espérait inscrire le nom de son ancien président dans les annales des collections de légende, aura manqué son coup. Pour Thomas Seydoux, « Taubman était un homme d’affaires ; un œil, non. Il a acheté pendant quatre décennies, mais il n’y a pas la qualité d’une collection Bergé-Saint Laurent ou Ganz. » Et de rappeler : « Notre métier est basé sur la qualité et la beauté des œuvres, tout le reste vient après. »
Les deux autres sessions, consacrées à l’art américain et l’art ancien, auront lieu respectivement mi-novembre et en janvier.
(1) Les estimations sont communiquées hors frais tandis que les adjudications sont indiquées frais compris.
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La première partie de la vente Taubman rate son estimation basse
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Abonnez-vous dès 1 €SOTHEBY’S COLLECTION D’A. ALFRED TAUBMAN
« CHEFS-D’ŒUVRE », LE 4 NOVEMBRE
Résultat : 377 M$ (345,8 M€)
Estimation : 374,8-526,5 M$
Taux de vente : 89,6 % (69 lots sur 77)
« ART MODERNE ET CONTEMPORAIN », LE 5 NOVEMBRE
Résultat : 42,7 M$ (39,8 M€)
Estimation : 30,2-43,4 M$
Taux de vente : 93,3 % (113 lots sur 123)
Légende Photo :
Frank Stella, Delaware crossing, Alkyd sur toile, 195,6 x 195,6 cm, 1961 - Estimation 8/12 M$ - Adjugé 13,69 M$ - Vente du 4 novembre 2015 - Sotheby's New York © Sotheby's
Alexander Calder (1898-1976), White discs on the pyramid, 90,1 x 99,1 x 53,4 cm, 1965 - Estimation 1,5/2 M$ - Adjugé 970 000 $ - Vente du 5 novembre 2015 - Sotheby's New York © Sotheby's