En dix jours, en novembre dernier, plus d’un milliard de dollars d’œuvres a été échangé dans les ventes de Christie’s, Sotheby’s et Phillips.
En février 2010, Christie’s enregistrait le total le plus important – 152,6 millions de livres sterling [près de 178 millions d’euros] – jamais obtenu dans une vente publique britannique. Toujours en février, l’Homme qui marche d’Alberto Giacometti a franchi la barre des 100 millions de dollars, record vite dépassé en mai par un Nu de Picasso.
« Petites » ventes entre amis
De quoi avoir le tournis et se dire que le marché de l’art est déconnecté du monde réel. « Les chiffres parlent d’eux-mêmes. C’est la confirmation d’un marché transformé, appuyé sur beaucoup d’acteurs, peu inquiété par les mouvements économiques. Au final, le marché a été en crise six mois, entre octobre 2008 et février 2009. Depuis, on a retrouvé les chiffres d’avant », indique Grégoire Billault, spécialiste chez Sotheby’s. Pour Thomas Seydoux, spécialiste de Christie’s, « les ventes ont été suivies par une combinaison de clients européens, américains, russes et chinois. C’est ça la mondialisation. On sait qu’on aura au moins l’une de ces catégories-là. Nous sommes dans un marché en pleine maturité et fort sur toute la ligne. » Si les ventes ont aussi bien marché, c’est qu’elles ont été taillées sur mesure. Tout particulièrement celle qui a été concoctée par le courtier Philippe Ségalot pour Phillips en novembre. Celle-ci alignait une dream list d’artistes pour les collectionneurs qui veulent tous avoir la même chose : Cindy Sherman, Christopher Wool, Warhol, Maurizio Cattelan ou Takashi Murakami… Au final, un jackpot de 117,5 millions de dollars, du jamais vu pour Phillips, plus habituée à la moitié de ce montant. Mais alors même que le marché de l’art s’est élargi et qu’on signale à qui veut l’entendre l’apparition de nouveaux acheteurs, cette vente était symptomatique d’une certaine endogamie. Ce business reste celui de l’entre-soi. La famille Mugrabi, qui avait mis en vente chez Phillips un tableau de Warhol, s’est portée acquéreur d’une œuvre de Maurizio Cattelan appartenant à François Pinault (dont Ségalot est le conseiller), commandée initialement par Peter Brant, lui-même ami des Mugrabi. Dans cette vente plutôt convenue, on saluait le regard du collectionneur français Marcel Brient, acheteur de la première heure de Felix González-Torres. Celui-ci avait confié à Ségalot une pièce touchante de l’artiste. Il avait aussi mis en vente une belle œuvre de Cady Noland, cette fois chez Sotheby’s. Les ventes de New York ont souligné la consistance du marché d’Andy Warhol. Mais les collectionneurs savent faire la part des choses. Ainsi le hedge funder Steve Cohen a-t-il payé 35,3 millions de dollars pour une bouteille de Coca-Cola. En revanche, un Big Campbell’s Soup, moins intéressant, s’est contenté de 23,88 millions de dollars chez Christie’s. Cette dernière n’avait pas hésité à présenter seize Warhol dans sa vente du soir, au risque de la saturation. Bien que certains soient restés en rade, les meilleurs ont trouvé preneur.
Bis repetita placent
L’art contemporain fait couler beaucoup d’encre, mais l’art moderne n’est pas en reste. Même des œuvres vues et revues aux enchères tirent leur épingle du jeu. Un nouveau record de 68,9 millions de dollars a ainsi été établi le 2 novembre pour La Belle Romaine d’Amedeo Modigliani. Ce tableau extrêmement décoratif avait déjà été vendu en 1987, lors de la dispersion de la collection Renand à Drouot-Montaigne, pour 45,2 millions de francs. La toile réapparaît douze ans plus tard chez Sotheby’s et s’adjuge alors pour 16,7 millions de dollars. Danseuse dans le fauteuil d’Henri Matisse en était aussi à son troisième passage sur le marché. La toile s’était adjugée une première fois chez Sotheby’s en 2000 pour 7,4 millions de dollars, avant de partir pour 21,7 millions de dollars en 2007. Difficile de passer ce cap, car pour sa troisième apparition, elle n’a obtenu que 20,8 millions de dollars. Sotheby’s proposait enfin ce soir-là une version des Nymphéas de Claude Monet, préalablement vendue pour 9,9 millions d’euros en 1998. Le 2 novembre, ce tableau a atteint 25,7 millions de dollars. « Une fois que l’œuvre est passée en vente depuis plus de dix ans, et si elle est magique, on peut espérer une réévaluation. Ça casse le discours habituel sur la fraîcheur », indique Sam Valette, spécialiste de Sotheby’s.
Amedeo Modigliani
Après la somme de 43,2 millions d’euros enregistrée par une Tête de Modigliani chez Christie’s en juin 2010 à Paris, c’est au tour de La Belle Romaine d’instaurer un nouveau palier avec le record de 68,9 millions de dollars.
Andy Warhol
Le pape du Pop Art reste l’artiste le plus représenté dans les ventes d’art contemporain à New York, l’insubmersible, l’emblème même de la suprématie du marché américain.
Cady Noland
Cette artiste, connue pour ses critiques de l’American way of life, est très rare sur le marché. Une pièce issue de la collection Marcel Brient a décroché le record de 1,7 million de dollars chez Sotheby’s en novembre dernier.
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La positive attitude du marché de l’art
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Abonnez-vous dès 1 €Comment expliquez-vous que le marché ait atteint à nouveau les pics enregistrés en 2007 ?
Fin 2009, nous avons eu des signes positifs. Il y avait une demande réelle de la part des acheteurs. Il était
clair que les gens attendaient de voir des choses excitantes. Leur confiance ne repose pas sur des indicateurs macroéconomiques, mais sur les marchés centraux. Plusieurs facteurs expliquent ce retour de confiance des plus grands acteurs du marché. Malgré l’incertitude économique, les gens recherchent des biens tangibles. Il faut aussi parler du poids des marchés émergents.
On aurait pu penser qu’avec la crise, les gens se tourneraient davantage vers les ventes privées. Comment expliquez-vous que les ventes publiques aient repris le dessus ?
Dans un marché qui n’a pas confiance, les ventes privées sont prisées car elles sont plus discrètes. Mais le marché a repris confiance. Par ailleurs, le marché est de plus en plus global, le marketing est essentiel pour toucher de nouveaux collectionneurs.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°632 du 1 février 2011, avec le titre suivant : La positive attitude du marché de l’art