PARIS
Collectionneurs du monde entier et Français se sont pressés à la dernière édition de la Fiac avec un enthousiasme non feint pour les chefs-d’œuvre qui contribue à renforcer la place de la foire sur l’échiquier du marché de l’art contemporain.
Paris.« On se croirait à Miami ! », s’exclame une collectionneuse française tombée nez à nez, au premier étage de la Foire internationale d’art contemporain (Fiac), avec la Jetta Volkswagen 2003 taguée par l’artiste Jim Joe, inspiré par le hip-hop, présentée sur le stand de la galerie parisienne Bonny Poon. Le rez-de-chaussée du Grand Palais où étaient réunies quelques dizaines de galeries parmi les plus importantes du marché mondial ? Cette habituée des foires n’y est « même pas passée », faute de temps et sûre de savoir ce qu’elle allait y trouver : beaucoup de chefs-d’œuvre. Contrairement à ce que proclamait le mural de Lawrence Weiner sur le stand de la galerie Pietro Spartà, à la Fiac, on n’évolue pas « Hors de tout Contexte », tant s’en faut. Force est même de constater lors de cette 45e édition la présence sur de très nombreux stands de valeurs sûres, pour certaines signées de grands maîtres modernes : en majesté comme l’Oiseau solaire de Miró chez Lelong & Co ; à la façon de balises discrètes comme avec cette petite huile sur toile de Raoul Dufy chez Mitchell-Innes & Nash, un Homage to the Square de Josef Albers chez David Zwirner, ou Two Figures de Robert Motherwell chez Waddington Custot. Ou encore, un Martin Barré au milieu des jeunes talents (Laure Prouvost, Benoît Maire…) réunis par Nathalie Obadia.
Cette estampille de l’histoire de l’art correspond à un public aussi féru qu’actif si l’on en croit la galerie Applicat-Prazan, qui a cédé un tableau de Georges Mathieu à un collectionneur de Genève, un Camille Bryen à un Britannique et un Henri Michaux à un Belge. La galerie 1900-2000, qui avait axé sa programmation sur les avant-gardes du XXe siècle assure pour sa part avoir vendu « plus de 25 œuvres entre 3 000 et 150 000 euros, à des collectionneurs du monde entier ». Parmi eux, les Asiatiques font preuve d’un discernement qui dément le cliché du nouveau riche amateur de trophées. Comme ce Chinois qui s’est porté acquéreur d’une délicate nature morte de Cristof Yvoré chez Zeno X. Il faut dire que si le peintre français prématurément disparu en 2013 est tombé dans l’oubli en France, il a bénéficié il y a un an d’une rétrospective au Musée M. Woods à Pékin. On le retrouvera d’ailleurs à l’occasion d’une exposition montée par le Fonds régional d’art contemporain (Frac) Provence-Alpes-Côte d’Azur et le Frac Auvergne.
Cela étant, les hommages post-mortem ne manquaient pas : chez Christophe Gaillard, celui de Michel Journiac a, selon le marchand, reçu « un accueil très positif », entre autres « de la part de professionnels de fondations privées ou de musées, notamment de l’IVAM (Institut valencien d’art moderne) de Valence qui a acquis un ensemble de pièces ». Les Américains de Blum & Poe avaient, eux, choisi de consacrer leur stand au peintre Robert Colescott, dont les peintures et les dessins ont conquis les visiteurs, du Vieux Continent à l’Amérique du Sud, et jusqu’au Moyen-Orient. Exhumée par la galerie Thomas Bernard-Cortex Athletico, l’œuvre de Richard Baquié (1952-1996) a quant à elle fait l’effet d’une découverte : pratiquement toutes les pièces ont trouvé preneur ou ont été réservées « par des collections d’envergure internationale », précise le galeriste.
Les clins d’œil à l’esprit de collection, voire, d’accumulation, étaient sensibles jusque dans la scénographie de certains stands. La galerie Perrotin avait ainsi ménagé un recoin façon cabinet de curiosités rempli de petits formats : bronze d’Ivan Argote, peinture sur bois de Jesús Rafael Soto, marbre d’Elmgreen & Dragset, encre de Hans Hartung et autres gouaches et pastels. La Galleria Continua exposait pour sa part une des « Wunderkammer » de Hans Op de Beeck. Ici et là des œuvres jouant avec le principe de la vitrine (Ry Rocklen chez Praz Delavallade), voire placées sous cloche à la façon de bibelots (Rosemarie Trockel chez Gladstone Gallery) évoquaient l’échelle domestique, également suggérée par des éléments de décor comme ce bas-relief en PVC noir de Franco Mazzucchelli chez Chertlüde, ce papier peint de Haegue Yang jouant avec l’architecture de l’espace de la galerie Chantal Crousel ou ce Wallpaper Marilyn de Philippe Parreno en façade de la Gladstone Gallery.
Rares étaient les stands à privilégier l’émotion pure, comme celui d’Esther Schipper avec les « Cocktail Sculpture » aux impressions diffractées de Ann Veronica Janssens – devenues iconiques – ou les peintures de lumière de Thilo Heinzmann en focus sur le stand des Berlinois de neugerriemschneider. En prenant le pari, spectaculaire et poétique, d’un solo show d’Alicja Kwade présenté sous forme d’installation (WeltenLinie, 2018, [voir illustration ci-dessus]), la 303 Gallery a quant à elle attiré l’attention de Brigitte Macron, de passage sur la foire, et surtout pu se féliciter d’avoir, cette année, vendu « à un plus grand nombre de clients français ». Étonnante bonne nouvelle.
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La Fiac, un jeu pour connaisseurs
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°510 du 2 novembre 2018, avec le titre suivant : La FIAC, un jeu pour connaisseurs