Les cimaises de la Galerie Flak, à Paris, sont animées de poupées kachinas, ces figurines indiennes révélées en France par les surréalistes et qui ont tant charmé André Breton.
PARIS - Jusqu’au 15 juin, les poupées kachinas sont les hôtes privilégiés de la Galerie Flak, à Paris. Ces sculptures en bois polychrome des Indiens Hopi et Zuni, qui ont fasciné les intellectuels et les artistes européens de la première moitié du XXe siècle, restent peu connues et rarement montrées en France. Si le Pavillon des Arts, à Paris, leur a consacré une exposition en 1998, “Danse avec les Kachina”, les kachinas n’ont jamais fait l’objet d’une exposition en galerie avant ce jour.
Les Indiens Hopi et Zuni ont des rites semblables de danses cérémonielles et vivent sur le même territoire, en Arizona et au Nouveau-Mexique. Dans cette région aride, leur survie dépend essentiellement de la pluie. Pour parvenir à maîtriser au mieux leur milieu naturel, ils font appel aux kachinas, qui transmettent leurs prières aux divinités. “Kachina” signifie à la fois l’esprit, le danseur et la poupée rituelle, qui est l’intercesseur entre le monde des vivants et celui des forces surnaturelles. “On dénombre près de 400 esprits kachinas différents, explique Julien Flak. Chacun possède une fonction particulière : faire venir la pluie, la neige, favoriser la pousse du maïs…” Les poupées sont offertes aux enfants à l’issue des cérémonies comme véritables outils pédagogiques de transfert des savoirs.
La connaissance des kachinas date de la fin du XIXe siècle, époque où un ethnologue allemand parti vivre plusieurs années chez les Indiens en ramène des dizaines d’exemplaires sur le Vieux Continent. Acquises par les musées allemands, les poupées sont exposées au tout début du XXe siècle. C’est le choc pour les artistes, qui s’attachent immédiatement à ces petites sculptures colorées, ludiques et poétiques, chargées de symboles et aux allures divertissantes de robots ou de figures burlesques. Les peintres expressionnistes allemands, comme Emil Nolde, en font apparaître dans leurs compositions. Les surréalistes s’emparent des kachinas à partir de 1927, année de l’exposition “Yves Tanguy et objets d’Amérique” à la Galerie Surréaliste, rue Jacques-Callot, à Paris. L’intérêt porté aux kachinas reste cependant sans effet de mode. Les figurines indiennes sont restées réservées à une minorité d’amateurs très éclairés.
La Galerie Flak montre une centaine de kachinas datées entre 1890 et 1950. “Il n’en existe pas d’antérieures à cette date”, précise Roland Flak. Six sont issues des collections Claude Lévi-Strauss et Jacques Lacan, point de départ d’une collecte commencée il y a cinq ans pour le marchand. Plusieurs autres proviennent de musées américains. La galerie s’est aussi férocement battue pour acquérir un spécimen lors de la vente Breton. Pour le galeriste, “au-delà de la relique, c’est une reconnaissance. C’est Breton qui nous a guidés”. Le surréaliste s’était d’ailleurs rendu en pays Hopi en 1945.
Les poupées kachinas sont à vendre à partir de 750 euros et jusqu’à 15 000 euros en fonction de leur ancienneté et de leur originalité. Un livre sur les kachinas, édité en français et en anglais pour l’occasion par la galerie, et écrit par le spécialiste américain Barton Wright, ancien conservateur au Museum of Northern Arizona (Flagstaff), s’inscrit comme ouvrage de référence. L’exposition, inaugurée le 15 avril, a déjà accueilli un public nombreux, attiré par le pouvoir de séduction de ces objets de transmission des croyances secrètes des Indiens d’Amérique.
- ESPRIT KACHINA ; POUPÉES, MYTHES ET CÉRÉMONIES DES INDIENS HOPI ET ZUNI, jusqu’au 15 juin, Galerie Flak, 8 rue des Beaux-Arts, 75006 Paris, tél. 01 46 33 77 77, www.galerieflak.com - À lire : Esprit kachina, poupées, mythes et cérémonies des Indiens Hopi et Zuni, textes de Pierre Amrouche, Nathalie Rheims, Barton Wright et Francine Ndiaye (bilingue français-anglais), éd. Galerie Flak, Paris, avril 2003, 50 euros. ISBN 2-912646-11-1
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A la découverte de l’esprit kachina
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°171 du 16 mai 2003, avec le titre suivant : A la découverte de l’esprit kachina