PARIS
La mise en œuvre des nouvelles options, notamment les plus radicales, de la manifestation n’a pas été un long fleuve tranquille, surtout lorsque ses organisateurs ont dû faire face aux « affaires ».
Déjà en 2014, deux mois avant la tenue son édition, la Biennale des Antiquaires avait dû faire face à l’éviction du président du Syndicat national des antiquaires (SNA), Christian Deydier, en poste depuis 2010. Cette annonce avait fait l’effet d’une bombe dans le milieu du marché de l’art, alors que toutes les énergies étaient concentrées sur la réussite de l’événement.
Candidat à la présidence du SNA, Dominique Chevalier remporta les suffrages le 21 octobre 2014, avec 11 voix sur 16. Pendant sa campagne, il préconisait une annualité de la Biennale, une place moindre accordée aux bijoutiers, une baisse du prix des stands, un nombre accru de participants, une durée réduite, le recours à un organisateur extérieur ou encore un plan au sol plus linéaire. Presque deux ans après, le cahier des charges a été rempli pour plusieurs points : l’annualisation a été votée, l’événement s’étend sur neuf jours au lieu de douze, le prix du mètre carré a été abaissé à 900 euros (contre 1 200) et le nombre d’exposants a sérieusement augmenté ( 41 %).
Reed, un petit tour et puis s’en va
Le nouveau président entendait diriger le syndicat et la Biennale de façon collégiale. C’est la raison pour laquelle, dès mai 2015, il nommait l’ancien directeur du Louvre, Henri Loyrette, président de la Biennale, et créait la « commission Biennale », chargée de l’admission des exposants. Précédemment, c’est le bureau exécutif du SNA qui s’occupait de la sélection…
En juillet 2015, le SNA annonçait recourir à une société extérieure pour organiser le salon, en l’occurrence Reed Expositions (qui gère également la Fiac, Foire internationale d’art contemporain).
Malheureusement, début avril 2016, des désaccords persistants entre les deux protagonistes, le SNA et Reed, mettaient un terme à la collaboration seulement cinq mois avant la tenue de l’événement. À l’origine de cette rupture, Reed aurait tenté d’imposer au SNA la présence de certains joailliers, ce que le syndicat aurait catégoriquement refusé. « L’un des joailliers voulait un stand de 200 m2. Ce n’est pas possible d’accepter cela ! », s’offusquait un marchand. « Les joailliers rapportaient de l’argent et faisaient venir du monde, répliquait un autre. Cette année, les organisateurs ont quand même fait venir des joailliers, mais de moindre envergure. C’est de la bonne qualité mais pas du niveau de Cartier ! »
À la suite de cette rupture, d’autres problèmes ont émergé, entre la difficulté à remplir les stands – de nombreux marchands ont refusé l’invitation du SNA –, des batailles entre exposants pour occuper les meilleurs emplacements, des jalousies, une sélection des participants perçue comme arbitraire… Certains ont même annulé leur participation avant d’être « repêchés » in extremis par le SNA. D’autres ne veulent plus entendre parler de la Biennale, à l’exemple d’Anne-Marie Monin (Paris) ou de Siegelson (New York).
L’affaire du faux mobilier
Le summum a été atteint avec le scandale du faux mobilier XVIIIe [lire le JdA no 460, 24 juin 2016]. Depuis deux ans, l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels mène une enquête qui a débouché le 7 juin sur trois interpellations de professionnels parisiens du marché de l’art. Laurent Kraemer (galerie Kraemer) et Bill Pallot, salarié de la galerie Didier Aaron, ont été entendus par les enquêteurs. Le premier a été libéré sous caution tandis que le second a été placé en détention à Osny (Val-d’Oise). En cause, une paire de chaises vendues par l’intermédiaire de la galerie Kraemer, mais aussi des sièges acquis par le château de Versailles.
Face à la gravité de la situation, le SNA a accepté la proposition de Laurent Kraemer de renoncer à sa participation et, dans la foulée, a suspendu celle de la galerie Aaron.
Ces rebondissements ont perturbé l’établissement de la liste définitive des participants, rendue publique le 4 juillet seulement, amenant le syndicat à modifier le plan au sol. Ainsi, le stand de la galerie Kraemer a été attribué à François Laffanour (Galerie Downtown). À ces difficultés s’ajoute pour le SNA un budget important, de l’ordre de 10 à 12 millions d’euros, qui devrait cependant être « amorti sur plusieurs années », indique Dominique Chevalier. Sans parler du nouveau nom de l’événement qu’il va falloir trouver pour l’édition de 2017.
Dans chaque spécialité, le SNA nomme une commission de professionnels dont la mission est de contrôler avec soin chacun des objets présentés par les exposants. Chaque commission est composée de 5 membres, qui sont des experts indépendants, historiens de l’art, restaurateurs, conservateurs étrangers ou conservateurs français à la retraite. En tout, ils sont plus de 80 à être mobilisés les 7 et 8 septembre. La commission d’admission des œuvres (CAO) [vetting en anglais]vérifie que l’œuvre est authentique et de « qualité Biennale », ainsi que son époque et sa description sur les cartels (une œuvre peut avoir subi des restaurations ou des modifications à travers le temps, l’important est de le porter à la connaissance des visiteurs). « La commission d’une spécialité peut très bien rejeter un objet non pas parce qu’il est faux ou ne comporte pas les bonnes dates, mais parce qu’elle considère qu’il n’est pas de “niveau Biennale” », explique Dominique Chevalier. Les membres des commissions ont aussi été renouvelés puisque, désormais, les membres ne peuvent pas être également exposants, « sauf exception ». « Par exemple, Bernard Dragesco est le seul dans sa spécialité [porcelaine et verreries anciennes, NDLR]. Même chose pour Nicole de Pazzis-Chevalier [tapisseries], mon épouse », ajoute le président. Pour la première fois, Art Analysis, un laboratoire mobile français indépendant, sera sur place pour apporter un éclairage scientifique si l’une des commissions en fait la demande. Autre nouveauté instituée uniquement à Paris pour rassurer l’antiquaire et le futur acquéreur : une commission composée au minimum de 3 membres, qui a effectué une pré-visite chez les marchands parisiens en juillet. Ceux-ci ont pu présenter leurs pièces phares en amont. Cependant, la commission vérifie au Grand Palais même que les consignes ont été respectées (par exemple si un cartel a bien été corrigé), mais examine aussi les objets qui n’étaient pas présents dans la galerie en juillet pour cause de séjour chez le restaurateur ou le photographe.
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La Biennale des Antiquaires : une renaissance laborieuse
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°462 du 2 septembre 2016, avec le titre suivant : La Biennale des Antiquaires : une renaissance laborieuse