Galerie

Kawamata fait œuvre de tout bois

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 2 janvier 2020 - 479 mots

L’artiste japonais revient, à la galerie Kamel Mennour, exposer ses œuvres construites à partir de bois de récupération.

Paris. Tadashi Kawamata ne jette jamais rien. Et surtout pas tout ce qui relève de l’univers de la cagette et des bouts de bois de rebut. Il le rappelle avec l’exposition « Destruction », la cinquième depuis 2011, à la galerie Kamel Mennour. Pour réaliser les six grands panneaux accrochés, il a en effet récupéré les quelque 20 000 cagettes qu’il avait déjà utilisées au printemps dernier pour concevoir une grande installation sur la façade du lycée Massillon (dans le 4e arrondissement de Paris), dans le cadre d’une collaboration artistique avec des élèves. L’ensemble évoquait une grande arche qui modifiait visuellement l’architecture du bâtiment.

Mais l’artiste (né en 1953, à Hokkaido, au Japon), qui s’est toujours passionné pour le « musée des accidents » de Paul Virilio et sa théorie sur les catastrophes, se pense volontiers comme un « street-artiste punk » et considère ses interventions comme des excroissances ou des champignons. Il aime aussi bien intervenir à l’extérieur que dans des espaces intérieurs. On se souvient notamment du séisme qu’il avait engendré, en 2011, avec « Under the Water », dans la galerie mère de Kamel Mennour, rue Saint-André des Arts. Il en avait abaissé le plafond en le saturant de portes et de fenêtres brisées, récupérées lors du tsunami de Fukushima, donnant au visiteur l’étouffante impression d’être sous l’eau.

L’équilibre par le désordre

Chaque œuvre venant nourrir la suivante, la reprise ici des cagettes de Massillon et de la thématique aquatique rappelle que les mises en abymes et les métaphores sont les grands caps du travail de Kawamata. Avec ces nouvelles œuvres, le point de vue n’est plus sous la vague, mais au-dessus de l’eau. Les perspectives semblent délimiter une ligne d’horizon lointaine voire, dans certaines œuvres, l’émergence de formes de bateaux, navires, cargos. Car, contrairement à ce qui apparaît au premier regard comme un hallucinant désordre, chaque œuvre est le fruit d’une composition très orchestrée, avec, ici pour la première fois, des touches de couleurs. En témoigne toujours sa manière de travailler qui le voit modifier in situ la structure initiale ; il procède à des rajouts ou à des soustractions pour construire des équilibres, faire émerger des figures de ses inextricables enchevêtrements et remettre un peu d’ordre dans le Mikado géant. Dans un registre encore plus poussé, les « dessins-maquettes-collages » présentés dans le troisième espace de la galerie, situé avenue Matignon, révèlent parfaitement cette minutie sous-jacente.

Pas de raz de marée du côté des prix : de 5 000 euros pour un dessin et de 70 000 à 145 000 pour le plus grand panneau (9,2 m x 3,1 m), c’est très raisonnable pour un artiste de sa notoriété, qui a participé à deux Documenta en 1987 et 1992, qui, dès 1982, représentait le Japon à la Biennale et qui, depuis, affiche une longue liste d’expositions.

Tadashi Kawamata, Destruction,
jusqu’au 18 janvier 2020, galerie Kamel Mennour, 6 rue du Pont de Lodi, 75006 Paris et 28 avenue Matignon, 75008 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°536 du 3 janvier 2020, avec le titre suivant : Kawamata fait œuvre de tout bois

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