Peinture

Karl Godeg, l’alchimiste

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 4 mars 2005 - 543 mots

La galerie Alain Margaron sort de l’ombre
le discret peintre de la spiritualité.

 PARIS - Le hasard fait parfois bien les choses. C’est ainsi fortuitement que le galeriste Alain Margaron a découvert plusieurs toiles abstraites de Karl Godeg, alors qu’elles accumulaient la poussière sur une étagère d’une quelconque boutique d’antiquités berlinoise. Aujourd’hui, à travers plus de 70 œuvres exposées simultanément à Paris et à Nice, l’exposition « Karl Godeg, l’alchimie de la lumière » tente de sortir de l’ombre cet artiste discret.
Parcourant tout le XXe siècle, la carrière de Karl Godeg (1896-1982) est pour le moins atypique. Figure délibérément marginale, le peintre, qui a suivi les cours de César Klein, fondateur du Novembergruppe, et qui s’est inspiré de la quête spirituelle de l’expressionnisme, a toujours préféré la solitude à l’émulation de la compagnie d’autres artistes. C’est pourtant grâce à sa découverte tardive du surréalisme que l’on doit les chefs-d’œuvre de ce parcours hors norme : les tableaux abstraits des années 1960, qui forment le cœur de l’exposition. Sans titre, les toiles aux fonds noirs laissent naître en leur centre des lueurs blanches, à l’image de nuages où perce la lune ou d’une vitre troublée par une pluie nocturne derrière laquelle se devinent des lumières. De texture épaisse, le contraste de couleurs parvient à simuler une certaine profondeur, à créer un espace derrière la toile. Godeg a aussi recours à l’or dans les « Goldbilder » (« peintures d’or »), où la matière devient motif. Paradoxalement, plus il tend vers l’abstraction, plus il semble verser dans la représentation. Ces œuvres figuratives, à l’exception de quelques dessins et de deux autoportraits, n’ont pourtant pas la fulgurance de ses toiles abstraites.

Nul n’est prophète en son pays
Dans la préface qu’il a rédigée pour le catalogue de l’exposition, Jean-Jacques Aillagon s’interroge sur l’oubli dans lequel Karl Godeg est tombé, tant sur le plan de l’histoire que sur celui du marché de l’art. L’artiste allemand a pourtant régulièrement exposé dans des galeries parisiennes et allemandes entre 1958 et 1968. Alain Margaron explique cet oubli par un désintérêt pour la peinture empreinte de spiritualité. Depuis quelque temps, les musées allemands semblent pourtant à nouveau se tourner vers le peintre. Sepp Hiekisch-Picard, conservateur du Kunstmuseum de Bochum, a récemment annoncé son intention d’organiser une exposition des œuvres du maître, tout en laissant entendre que Berlin était probablement sur les rangs (France Culture, 1er février, « États d’art »).
Absence de cote oblige, les prix des œuvres de Godeg demeurent raisonnables, situés dans une fourchette de 2 800 à 25 000 euros, la majorité des toiles tournant autour de 10 000 euros. Dès la première semaine de l’exposition, le galeriste a cédé une quinzaine de toiles, notamment à plusieurs institutions allemandes. Mais Karl Godeg compte aussi parmi ses amateurs d’autres artistes, comme Fred Deux, et des collectionneurs, dont beaucoup de jeunes.

KARL GODEG, L’ALCHIMIE DE LA LUMIÈRE

Jusqu’au 9 avril, galerie Alain Margaron, 5, rue du Perche, 75003 Paris, tél. 01 42 74 20 52, www.galerieamargaron.com, du mardi au samedi 11h-13h et 14h30-19h30; jusqu’au 16 avril, galerie Margaron à la Librairie niçoise, 2, rue Defly, 06000 Nice, tél. 04 93 85 36 69, du mardi au samedi 11h-13h et 14h-19h30. Catalogue, L’Atelier des Brisants, 96 p., ill. couleurs, ISBN 2-84623-072-2, 25 euros

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°210 du 4 mars 2005, avec le titre suivant : Karl Godeg, l’alchimiste

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