Après avoir vainement souhaité en faire don au Musée du Louvre, Guy de Aldecoa disperse à Drouot sa collection de tableaux.
Comment avez-vous construit votre collection de tableaux anciens ?
J’ai vécu ma passion pour la peinture, que je partage avec mon épouse Christiane, en dirigeant pendant près de quarante ans une galerie située dans le 7e arrondissement de Paris. Lorsqu’en 1991 nous avons arrêté notre activité de galeristes, nous avons continué à acheter. Fruit d’une vie de passion, notre collection compte aujourd’hui près de 300 tableaux des écoles flamande, italienne, espagnole et française, du XVIe au XIXe siècle. Notre critère d’achat a toujours été la qualité de la peinture, sans nous préoccuper de savoir si le sujet était commercial.
La question de l’attribution n’a-t-elle pas joué ?
Nous avons toujours eu un goût pour l’identification et l’attribution. Nous avons souvent acquis des beaux tableaux anonymes, en nous réservant le bonheur d’en découvrir l’auteur. Par rapprochements stylistiques, j’émets l’hypothèse d’une attribution que je confronte aux recherches réalisées par mon épouse en sa qualité d’historienne de l’art (1). Nous nous appuyons sur les historiens de l’art spécialisés pour confirmer la paternité d’une peinture. Notre travail nous a permis de faire de nombreuses découvertes d’œuvres tombées dans l’oubli, réalisées par Simon Vouet, Claude Vignon, François Perrier ou encore Lubin Baugin. Dans chaque toile, on retrouve les mêmes qualités et défauts du peintre qui sont comme une signature. Là où l’affaire se complique, c’est lorsque des suiveurs apparaissent. Il n’existe pas de faux tableaux, mais de mauvaises attributions. Et il y a eu beaucoup de progrès en histoire de l’art depuis quelques années avec la circulation facilitée des photographies.
Dans quel contexte vous séparez-vous aujourd’hui de votre collection ?
Nous n’avons pas d’enfants et nous avons souhaité mettre de l’ordre dans nos affaires. Nous vendons aux enchères une première partie de notre collection, soit 100 tableaux dont la moitié reste encore à identifier. Nous avons été très prudents sur les attributions en précisant « école de », « atelier de », « entourage de » et « attribué à ». Nous voulons montrer que les tableaux anciens de qualité restent accessibles. Les estimations démarrent à 3 000 euros, par exemple pour une huile sur panneau de l’école française du XVIIIe, Jupiter endormi sur le mont Ida, illustrant une scène tirée de l’Iliade. Et vont jusqu’à 50 000 euros, avec L’Éducation de Bacchus, huile sur toile d’Antoine Coypel.
Pourquoi n’avez-vous pas acheté en ventes publiques ?
J’aime mener seul ma quête, loin de tous les yeux exercés qui défilent en salle de ventes. Il y a cependant eu une exception à la règle. J’ai acheté à Drouot il y a vingt ans un tableau sans attribution qui m’a fasciné et dont je me sépare à présent : La Madeleine en extase [est. 30 000 euros], de Giovanni Mauro Della Rovere dit « Il Fiammenghino », une paternité qui m’a été confirmée par l’historienne Mina Gregori. Ce tableau religieux est d’un érotisme !
Vos trouvailles ont-elles parfois rejoint les collections publiques ?
Nous n’avons pratiquement rien vendu aux musées nationaux. Car pour cela, il faut jouer les courtisans, ce qui n’est pas mon truc. Mais lorsque nous avons décidé de nous séparer de notre collection, nous avons pensé en faire don au Louvre. Nous n’avions qu’une seule exigence : que le Musée nous achète deux tableaux majeurs (l’un de François Perrier, l’autre de Lubin Baugin) pour la somme très raisonnable de 750 000 euros. Nous avons invité Henri Loyrette à venir voir les œuvres. Il semblait très intéressé par l’ensemble. Trois ans plus tard, nous n’avions toujours pas de réponse… Aujourd’hui, le Perrier et le Baugin sont dans une collection privée française, sans garantie qu’ils resteront en France
(1) Christiane de Aldecoa est fondatrice des Cahiers d’Histoire de l’Art, revue annuelle créée en 2003.
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Guy de Aldecoa, collectionneur à Paris
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Abonnez-vous dès 1 €vente le 15 octobre à Drouot, 9, rue Drouot, 75009 Paris, SVV Beaussant-Lefèvre, tél. 01 47 70 40 00 ; exposition publique : le 14 octobre 11h-18h et le 15 octobre 11h-12h, www.beaussant-lefevre.com (expert : Gérard Auguier, est. : 1,5 million d’euros, nombre de lots : 100).
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°287 du 19 septembre 2008, avec le titre suivant : Guy de Aldecoa, collectionneur à Paris