Le Moulin, le R4 et maintenant les galeries Gagosian et Ropac témoignent d’un appétit grandissant pour les œuvres aux formats… maxi !
Installée depuis 2007 à Boissy-le-Châtel à une heure de Paris, la Galleria Continua a fêté le 30 juin le début d’une nouvelle aventure : un projet culturel pluridisciplinaire et ambitieux qui vise à faire revivre le site voisin du moulin Sainte-Marie, une friche post-industrielle de 30 000 m2. Quelques jours plus tard, le 7 juillet, plus près de la capitale, le programme de préfiguration de R4, « pôle d’arts plastiques et visuels de l’île Seguin », donnait rendez-vous au public pour « une journée festive et artistique ouverte à tous ». Espaces d’expositions, galeries, ateliers d’artistes et d’artisans, salles de ventes, réserves visitables et plateaux numériques : l’ouverture de cette plate-forme d’un nouveau genre, entièrement financée par des fonds privés et dont l’architecture a été confiée à Jean Nouvel, est officiellement prévue en 2016.
Des espaces en banlieue
Cet automne, deux galeries connues font elles aussi le choix de sortir de Paris pour gagner en superficie. Après deux ans de travaux, Thaddaeus Ropac inaugure un espace de 4 700 m2 à Pantin. La Gagosian Gallery, elle, a également fait appel à Jean Nouvel pour aménager un bâtiment de plus de 1 600 m2 au Bourget. Cet ancien hangar des années 1950 dispose d’une mezzanine qui en fait le tour et qui donnera l’opportunité d’avoir un regard en surplomb sur les sculptures et les tableaux. « Du jamais-vu en Europe, affirme Serena Cattaneo, directrice de Gagosian Gallery Paris. Cet espace permettra d’exposer entre autres des œuvres de très grande taille, que nous avions moins la possibilité de présenter dans notre galerie de la rue de Ponthieu », explique-t-elle.
Artiste invité de Monumenta en 2009, Anselm Kiefer est à l’affiche des expositions inaugurales de Ropac et de Gagosian. Comme si cette folie des grandeurs faisait écho à un changement d’échelle des œuvres. « De plus en plus d’artistes ont recours à des formats exceptionnels, car il y a un nombre croissant d’institutions publiques et privées à travers le monde qui peuvent et veulent montrer ces œuvres de grand format, analyse Serena Cattaneo. Cela incite les artistes à créer des œuvres capables de rivaliser avec l’espace. »
Des ambitions muséales
« Le monumental dans l’art n’est pas nouveau, observe pour sa part Thaddaeus Ropac. Quand les artistes répondaient à des commandes et créaient pour des palais ou des églises, leurs œuvres étaient déjà imposantes. C’est au XIXe siècle, avec l’avènement des collectionneurs enrichis par l’ère industrielle, que l’art a adopté des formats plus réduits correspondant mieux aux intérieurs bourgeois. »
Cette capacité des galeries commerciales à pouvoir montrer des œuvres de grande taille contribue d’autant plus à brouiller les frontières avec les musées et autres institutions publiques. « Gagosian Gallery a organisé de nombreuses expositions avec une ambition muséale, dédiées notamment à Picasso, Andy Warhol et actuellement à Lucio Fontana et Henry Moore, confirme Serena Cattaneo. Nous bénéficions par ailleurs pour ces expositions de prêts de grands musées. »
En mai dernier, il a ainsi fallu des grues pour installer les pièces d’Henry Moore à l’intérieur de la Gagosian Gallery de Londres, qui présentait pour la première fois entre quatre murs des bronzes de l’artiste créés entre 1960 et 1980. Too much ? Ce changement de décor permettait en tout cas de poser un regard différent sur les œuvres du sculpteur anglais habitué des parcs et des places publiques.
Des questions logistiques
Y a-t-il un risque que l’œil s’habitue à ces pièces impressionnantes et se détourne des œuvres moins spectaculaires ? « Nous continuerons à exposer des œuvres de petite dimension dans les parties du site qui correspondent à ce qui était les pavillons ouvriers. Le monumental ne nous limitera pas », assure Mylène Ferrand, la directrice de la Galleria Continua.
Quant aux amateurs d’art monumental, ils seront sans doute sensibles aux facilités logistiques offertes par la Gagosian Gallery du Bourget, judicieusement installée à proximité d’un aéroport, ou à celles du R4, accessible par navette fluviale. Même si Yves Bouvier, le fondateur du lieu, qui dirige par ailleurs la société Natural Le Coultre spécialisée dans les transports et la gestion d’expositions et qui a des intérêts dans plusieurs zones de fret internationales, se défend de vouloir faire de l’île Seguin un port franc.
Quant à la Galleria Continua, elle est sur le circuit « des collectionneurs de passage à Paris », se félicite Mylène Ferrand. Le nombre de milliardaires susceptibles de collectionner de l’art, voire de l’exposer, ne cessant d’augmenter dans le monde, nul doute en tout cas que les œuvres d’art XXL trouveront facilement preneur.
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Formats XXL du grand art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°649 du 1 septembre 2012, avec le titre suivant : Formats XXL du grand art