MAASTRICHT / PAYS-BAS - BRUXELLES / BELGIQUE
Alors que ce poids lourd qu’est la Tefaf ouvre le 8 mars à Maastricht, la Brafa, qui se tient jusqu’au 4 février à une centaine de kilomètres, à Bruxelles, a su tirer parti de ses atouts et particularités pour s’installer dans le paysage.
Maastricht, Bruxelles. La prochaine édition de Tefaf (The European Fine Art Fair) à Maastricht, reconnue comme le plus grand salon au monde d’arts et d’antiquités, débutera le 8 mars. Ce mastodonte, qui réunit chaque année plus de 270 exposants venus du monde entier, ne fait pourtant pas d’ombre à la Brafa, la foire belge qui se tient un mois et demi à peine avant elle et à seulement 90 km à vol d’oiseau. Plusieurs facteurs expliquent que la Brafa résiste vaillamment à sa concurrente hollandaise, qui pourtant rassemble plus du double d’exposants mais n’est fréquentée que par 10 000 à 15 000 visiteurs de plus.
La Brafa a acquis une bonne réputation du fait d’une organisation parfaite, doublée d’une atmosphère chaleureuse et décontractée. « Nous insistons depuis toujours sur la nécessité de l’accueil », martèle le président de la Brafa, Harold t’Kint de Roodenbeke. « La foire a aussi gagné en internationalisation grâce à une équipe de presse indépendante et plus élargie. La commission de sélection des marchands est également devenue très pointue : ceux qui avaient trop d’objets retirés lors du vetting [l’inspection des objets par une commission] et ceux qui ne jouaient pas le jeu en n’invitant pas leurs clients ont été évincés », précise Xavier Eeckhout, qui participe aux deux manifestations.
Parmi les facteurs primordiaux de la réussite de la Brafa : c’est le seul événement consacré aux antiquités organisé au mois de janvier, un mois réputé « mort » pour le marché. « La Brafa a pour particularité de lancer les festivités. Programmée en début d’année, elle précède les ventes publiques et les autres foires. Le fait qu’elle se situe deux mois avant Tefaf permet de prendre la mesure de l’activité du marché de l’art. Nombre de professionnels du secteur se fient à ce baromètre de l’art pour préfigurer de la prochaine édition de Tefaf. Personnellement, la galerie travaille même davantage à la Brafa », commente Didier Claes (Bruxelles).
Le succès de la Brafa s’explique aussi par le fait que le marché de l’art belge est très important relativement à la taille du pays. « En Belgique, si on a de l’argent, on est collectionneur. C’est quasiment systématique, alors qu’en France ce n’est pas forcément le cas », rapporte Antoine Barrère, présent à la fois à Tefaf et à la Brafa. « Pour les Belges, la Brafa est un vrai événement car ils sont très mondains, collectionneurs dans l’âme ; ils aiment sortir en famille et achètent », renchérit Xavier Eeckhout.
Les deux foires ne couvrent pas le même marché car seulement une vingtaine de marchands participent aux deux événements. Il en va ainsi pour les galeries Axel Vervoordt (Bruxelles), Charly Bailly (Genève), Barrère (Paris), Cybele (Paris), Bernard de Grunne (Bruxelles), Didier Claes (Bruxelles), Xavier Eeckhout (Paris), Harmakhis (Bruxelles), Mullany (Londres), Jacques de la Béraudière (Genève) ou Berko (Knokke-le-Zoute). Les deux événements ne misent pas sur les mêmes secteurs. Par exemple, la Brafa – à l’exception de Florence de Voldère – n’accueille aucun marchand d’envergure internationale en peinture ancienne qui tous se retrouvent à la Tefaf. En outre, la sélection des marchands diffère d’une foire à l’autre. « En tant que “jeune marchand”, je n’ai pas la possibilité d’exposer à Tefaf, à la Fiac [Foire internationale d’art contemporain, Paris] ou à Art Basel [Bâle]. Bruxelles est une alternative de très haut niveau qui me satisfait pleinement », explique Philippe David, marchand à Zurich en art moderne et contemporain.
Autre différence majeure entre les deux foires : la clientèle n’est pas la même. Si Tefaf est plus internationale, attirant des Américains, des Sud-Américains, des Asiatiques, des Russes et des ressortissants de l’Europe du Nord, la Brafa profite d’une clientèle à 80 % franco-belge – Paris n’étant située qu’à 1 heure 20 en train de la capitale belge –, ainsi que de quelques Allemands et Hollandais. La Brafa ne semble pas non plus trop désavantagée par le faible nombre de conservateurs de musées foulant ses allées. En effet, à Tefaf, les conservateurs du monde entier sont invités, défrayés grâce à un budget très élevé, tandis que Cécile Fentener van Vlissingen est chargée de veiller à ce que ces personnalités soient accueillies dans les meilleures conditions lors de leur séjour à Maastricht. « C’est l’avantage de Tefaf, qui est une organisation privée, contrairement à la Brafa ou à la Biennale Paris qui sont gérées par des syndicats de marchands. Tefaf dispose d’une puissance marketing digne de Sotheby’s et Christie’s », souligne Antoine Barrère.
Intervient aussi la question de la sélection des pièces présentées sur l’un ou l’autre des deux salons. « Je ne change pas ma liste de prix en fonction de Tefaf ou Brafa, mais je garde pour Tefaf les objets les plus prestigieux », indique Xavier Eeckhout. Antoine Barrère, lui, répartit de la manière suivante les objets : « Pour la Brafa, les œuvres ont des prix qui s’échelonnent entre 1 000 et 300 000 euros, alors que pour Tefaf, la fourchette est de 50 000 euros à 1 ou 2 million(s) d’euros. Pour la Brafa, nous choisissons des objets plus variés ou dans des segments du marché qui sont moins chers que d’autres, ce qui ne signifie pas qu’ils sont moins intéressants, moins beaux ou moins rares. Par exemple, la sculpture indienne est moins chère que la sculpture chinoise ou thaïe, alors que si vous choisissez d’exposer des bronzes himalayens, les prix sont très élevés. » Ces différences de prix impliquent aussi que la Brafa n’accueille pas le même public que Tefaf. « J’ai de gros clients qui me disent ne jamais aller à Tefaf parce que les prix sont exorbitants. Selon eux, les marchands y pratiquent des tarifs excessifs et, pour un même objet proposé 50 000 euros à Bruxelles, à Maastricht il sera affiché le double », rapporte Jean-Pierre Montesino, de la galerie Cybele à Paris, participant aux deux manifestations. « Si j’ai un objet à 1 ou 2 millions d’euros, je choisirai d’emblée de l’exposer à Tefaf, poursuit-il, car cela me fait de la publicité. De plus, je crains de ne pas trouver l’acheteur à la Brafa. » Les gros acheteurs se déplacent plus volontiers à Maastricht et, compte tenu de l’accès difficile au Salon, la ville étant mal desservie, ceux qui s’y rendent sont particulièrement acheteurs. Bruxelles bénéficie ainsi des autres clients.
À la Brafa, les exposants sont plus décontractés qu’à Tefaf. À Maastricht, un grand tableau accroché dans le restaurant des exposants affiche le numéro de chaque stand et le nombre de clients invités chaque jour par la galerie. « Cela met un peu la pression », commente un marchand. « La Brafa est plus détendue. La Belgique, c’est festif, c’est un salon qui n’est pas trop cher. On peut avoir de grands stands et s’exprimer à des coûts raisonnables », commente Antoine Barrère. « À Tefaf, nous sommes notés en fonction des pièces que nous apportons. Si nous sommes mal notés, les organisateurs peuvent ne pas nous reprendre l’année suivante », confie a contrario Jean-Pierre Montesino.
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Face à Tefaf, la Brafa a trouvé sa place
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°493 du 19 janvier 2018, avec le titre suivant : Face à Tefaf, la Brafa a trouvé sa place