La Biennale d’art contemporain de Shanghaï permet de découvrir de bons artistes asiatiques encore épargnés par les excès du marché.
SHANGHAÏ - À chaque ville son histoire. À chaque biennale ses déboires. Ainsi pourrait-on résumer la septième édition de la Biennale d’art contemporain de Shanghai. Car il serait erroné d’en analyser le contenu avec nos schémas occidentaux, sans prendre la mesure du contexte, à savoir un budget au lance-pierre, des moyens techniques ridicules et une censure politique. Même si ce nouveau cru, intitulé Translocalmotion, laisse un sentiment mitigé, il atteste d’un léger mieux par rapport à la dernière édition, prétentieusement baptisée Hyperdesign. Le propos est cette fois mieux cerné, autour des transformations de Shanghaï, et plus généralement des effets plurivoques de la migration. Certes, un sentiment de déjà-vu gagne d’emblée le visiteur avec l’Express Train de Jing Shijian. Composée de deux wagons rouillés, l’œuvre symbolise la révolution culturelle qui força les jeunes intellectuels à rejoindre les campagnes. Cette capsule temporelle n’est pas sans évoquer, dans une version abâtardie, l’hypnotique train de Qiu Anxiong faisant défiler l’histoire de la Chine via des films d’archives, point d’orgue en juin dernier de la foire de Bâle…
Malgré les resucées, la Biennale permet de découvrir de très bons artistes asiatiques, encore épargnés par les excès du marché. Avec Hello Shanghaï, la Coréenne Sonkuk Gyon reconstitue la maison paternelle, ensevelie sous des couches de sucre. Ce matériau traduit aussi bien la douceur d’une époque surannée, que l’écoulement inextricable du temps. Le thème du déplacement, et son corollaire, le déclassement, occupe une place centrale dans l’exposition. Jin Shi reconstruit ainsi en trois dimensions, mais à une échelle moindre un taudis occupé par un migrant. Le choix de couleurs vives tranche avec le délabrement du lieu, comme si en dépit de leurs conditions pitoyables, les infortunés gardaient l’espoir d’une vie meilleure. En se basant sur l’exode provoqué par le barrage des Trois Gorges, le film Jia Zhangke, Still Life, primé à la Mostra de Venise, dissèque avec un œil documentaire mais empathique les transformations d’une Chine tiraillée entre tradition et modernité.
L’intérêt, voire l’indulgence, qu’inspirent certaines propositions, rencontre toutefois ses limites au deuxième étage de la Biennale, face à un interminable couloir de dinosaures grotesques à têtes humaines de Yue Minjun. La cote explosive de l’artiste ne peut en rien expliquer la présence de ces monstruosités dans le cœur névralgique de cette manifestation. Faute de lien avec l’exposition, la grande installation mitoyenne, mais autrement plus consistante de Mike Kelley, tombe aussi totalement à plat.
La surreprésentation agaçante des artistes germaniques et néerlandais donne enfin un prisme réducteur de la création occidentale. Un tel déséquilibre s’explique par une équipe curatoriale composée seulement d’un Allemand, Julian Heynen, et d’un Hollandais, Henk Slager ! Si la Biennale n’élargit pas davantage ses horizons, elle risque fort de finir comme la vidéo Never Take-off de Zhu Jia, clôturant l’exposition : un avion qui roule interminablement sur le tarmac sans jamais décoller…
SHANGHAÁ? BIENNALE, jusqu’au 16 novembre, Shanghaï Art Museum, West Nonjinj Rd 325, Shanghaï, www.shanghai biennale.org, tlj 9h-17h.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°288 du 3 octobre 2008, avec le titre suivant : En voiture