Morceaux de la tour Eiffel, colonnes Morris ou fontaines Wallace, le mobilier urbain parisien connaît un regain d’intérêt dans la décoration.
Kiosques à musique de cinéma, kiosques à journaux, entrées de stations du métropolitain, horloge des abattoirs de la Villette, fontaines Wallace, bancs publics, colonnes d’affichage Morris, réverbères, panneaux d’affichage de squares, bornes de police ou pour les pompiers... Le Paris historique se chine par morceaux, en salles de ventes ou dans les brocantes. Des pièces emblématiques qui, à l’exemple d’une banquette de métro, trouvent souvent leur place dans une cuisine ou une maison de campagne. Le mobilier urbain connaît un regain d’intérêt de la part des collectionneurs et se vend mieux que les tableaux, dessins ou photographies à thèmes parisiens, trop galvaudés.
Gagas sans être gogos
Même des poubelles parisiennes cylindriques des années 1970, en fonte peinte en gris à décor cannelé, trouvent grâce aux yeux d’amateurs autour de 200 euros la paire, pour prendre place dans des lofts ou des showrooms. Peut-être parce que ce modèle jalonnait la célèbre avenue des Champs-Élysées. Quant aux souvenirs des expositions universelles, à commencer par des petites tours Eiffel, ils sont achetés par des institutions internationales.
« Paris est visuellement une ville très sexy aux yeux des visiteurs du monde entier. Plus qu’elle ne l’a jamais été, la tour Eiffel est son emblème », affirme le commissaire-priseur parisien Christophe Lucien, initiateur des ventes à succès « Paris, mon amour ». En 2009, il a vendu un tronçon de l’escalier d’origine de la tour Eiffel à un acheteur qui souhaitait « le découper en petits fragments pour en faire des bijoux-souvenirs, comme avec le mur de Berlin. Finalement, il en est tombé amoureux et n’en a rien fait », se réjouit le commissaire-priseur. Ce n’était peut-être pas une bonne idée de transformer Paris en reliques : dans la même vente, un segment de verre Saint-Gobain, provenant d’un losange brisé de la toiture de la pyramide du Grand Louvre de 1986, n’a pas trouvé preneur à 500 euros. Il faut croire que les gagas de Paris ne sont pas des gogos.
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Paris à l’affiche
Les belles affiches anciennes publicitaires sur Paris sont appréciées des amoureux
de la capitale, de préférence lorsqu’elles représentent un ou plusieurs monuments iconiques : la tour Eiffel, l’Arc de triomphe, la cathédrale Notre-Dame, la place de la Concorde avec l’obélisque et la butte Montmartre avec le Sacré-Cœur. Elles sont à chiner à partir de quelques centaines d’euros. Leurs prix grimpent en fonction de leur rareté, de la notoriété de l’illustrateur et de leur état de conservation. L’originalité et la modernité de leur graphisme sont aussi à prendre en compte, comme dans cette affiche publicitaire pour Air France où l’ombre de la tour Eiffel préfigure le futur tunnel sous la Manche.
Air France, Paris-Londres en 1 h 30, le confort qui va vite (1936), Roger de Valério, 129-C6.AF.
Dimensions : 100 x 62 cm. État neuf.
Adjugée 2 040 euros, le 25 janvier 2012 à Drouot, maison de ventes Tajan, Paris.
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La tour Eiffel
En 1983, l’escalier central de 160 m reliant les deuxième et troisième étages de la tour Eiffel est découpé au chalumeau en tronçons, pour laisser la place à des ascenseurs. Les vingt tronçons numérotés, d’une hauteur variant de 2,60 à 7,80 m, sont mis aux enchères la même année. Un tronçon de 4,30 m est exposé au premier étage de la tour Eiffel. Trois autres sont offerts à des musées français. En 2007, ce tronçon (de 4,50 m) réapparaît pour la première fois sur le marché à Drouot, acheté 180 000 euros par le dirigeant d’une société néerlandaise de conseil financier du nom d’« Eiffel ». L’année suivante, Sotheby’s adjuge à Paris à un particulier américain un tronçon de 3,60 m pour le prix record de 552 750 euros. En 2009 à Drouot, un tronçon de 7,80 m est emporté pour 105 400 euros par un Français. En 2011, à New York chez Christie’s, un autre tronçon d’escalier de 4,50 m s’est vendu 92 500 dollars (64 500 euros).
Tronçon n° 14 de l’escalier hélicoïdal d’origine de la tour Eiffel (1889), Gustave Eiffel, fer peint, avec sa plaque d’identification fixée sur le fût. Hauteur : 4,50 m. Diamètre : 1,70 m.
Adjugé 180 000 euros en 2007 à Drouot, maison de ventes Ader.
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Mobilier urbain
Le mobilier urbain parisien a la cote pourvu qu’il soit emblématique de Paris. Il n’est pas nécessaire qu’il soit très ancien. Ainsi cette paire de lampadaires à base circulaire sur un socle octogonal, réalisée en 1994 par l’architecte Bernard Huet, est partie à bon prix. Ce modèle, qui épouse la forme d’une colonne cannelée corinthienne, avec un fût orné sur un bandeau d’un masque de Méduse encadré de rinceaux et palmettes, surmonté d’une lanterne en cuivre évasée et crénelée, est inspiré de celui qui a été dessiné par l’architecte Jacques Ignace Hittorff lors de l’aménagement de la place de la Concorde, entre 1836 et 1846. Cette version revisitée avait été installée sur les Champs-Élysées, autre lieu parisien hautement prestigieux.
Paire de lampadaires (1994), Bernard Huet, fonte peinte. Hauteur : 5,15 m.
Adjugée 13 640 euros, le 14 décembre 2009 à Drouot, maison de ventes Lucien, Paris.
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Le métropolitain
Catalyseurs de souvenirs, les objets du métro parisien connaissent un succès fou, qu’il s’agisse d’une entrée de station de 1900 par Hector Guimard, d’une plaque de fonte émaillée de voiture du métropolitain (reprenant la forme de la ville de Paris et aux initiales emblématiques du réseau ferré RATP) ou encore d’une poinçonneuse de contrôleur. Fin 2009, une paire de banquettes de seconde classe des toutes premières voitures du métro est présentée aux « Temps forts », l’exposition annonçant les ventes de prestige de la saison à Drouot. Plusieurs personnes ont un coup de cœur pour ce lot qui fera quarante-quatre fois son estimation de 500 euros.
Paire de banquettes de voiture de seconde classe du métropolitain parisien, en bois, sur armature de fer, avec leurs galeries porte-chapeaux en laiton, fin du XIXe siècle-début du XXe siècle.
Adjugée 22 300 euros, le 14 décembre 2009 à Drouot, maison de ventes Lucien, Paris.
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Voir
Musée Carnavalet, hôtel Carnavalet, 23, rue de Sévigné, Paris-3e, tél. 01 44 59 58 58, www.carnavalet.paris.fr
Lire
Escaliers parisiens sous l’Ancien Régime, collectif sous la direction de Jean-François Leiba-Dontenwill et Roselyne Bussière, coéd. Somogy et le conseil régional d’Île-de-France, 2011. 280 p., 454 ill., 39 e.
Où acheter
Maison de ventes Lucien, 17, rue du Port, Nogent-sur-Marne (94), tél. 01 48 72 07 33, www.lucienparis.com
Le marché aux puces, porte de Clignancourt, Saint-Ouen (93), tél. 08 92 70 57 65, www.parispuces.com (horaires : samedi 9 h-18 h, dimanche 10 h-18 h et lundi 11 h-17 h)
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Deux amours : collectionner et Paris !
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Comment ont démarré les ventes « Paris, mon amour » que vous organisez ?
Je fais partie des amoureux de Paris. Mais ma première vente sur ce thème a été lancée en 2009, lorsque la mairie de Nogent-sur-Marne m’a confié la vente aux enchères d’un tronçon d’escalier de la tour Eiffel qu’elle avait acquis à la vente de 1983. Autour de cet emblème, j’ai réuni tout un tas d’objets typiquement parisiens de toutes époques, dans tous les styles et aussi accessibles à tous (à partir de quelques dizaines d’euros). Il y a eu un tel engouement pour cette vente, relayée par 235 télévisions dans le monde, que j’ai décidé d’en faire un événement annuel.
Quels types d’œuvres vendez-vous le mieux ?
Ce qui marche le mieux, ce sont les pièces de mobilier urbain et les objets chargés, reconnaissables comme étant parisiens par n’importe qui à l’autre bout du monde, comme le bulbe d’une colonne d’affichage de rue dite « colonne Morris » du début du XXe siècle que j’ai vendu près de 2 000 euros dans ma dernière vente en décembre 2011. Ces ventes attirent des meutes de Parisiens ayant un lien sentimental très fort avec leur ville. Et qui sont souvent plus voraces aux enchères que les étrangers amateurs de souvenirs parisiens.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°645 du 1 avril 2012, avec le titre suivant : Deux amours : collectionner et Paris !