Un arrêt de la cour d’appel de Paris vient opportunément rappeler la nécessité de fixer par écrit les conditions de mise en vente d’objets aux enchères publiques.
PARIS - Certains professionnels du marché de l’art sont des « inoxydables » du business et des procédures. La cour d’appel de Paris a dû récemment arbitrer un litige entre des chevaux de retour du marché. Le débat portait en l’espèce sur la valeur de chevaux-vapeur.
Le 12 janvier 2004, la cour d’appel de Paris a rendu un arrêt (1) dans une affaire de vente de véhicules Maserati qui opposait la SCP Poulain Le Fur à David Pardo. Elle a donné raison à celle-là contre celui-ci.
En décembre 2000, les commissaires-priseurs avaient vendu cinq Maserati pour 1 140 000 francs. À cette occasion, la SCP avait prélevé des frais pour 275 926 francs, soit 24 %. Cette addition avait sans doute indisposé le vendeur et le litige s’était soldé par un procès.
Comme souvent, le contentieux a fait apparaître le poids des non-dits ou non-écrits, aggravé par le côté approximatif du montage des transactions sur le marché de l’art.
La lecture de l’arrêt de la cour d’appel faisait par exemple apparaître que la vente initiale devait intervenir en mai 1999, mais que son exécution avait été retardée pendant près de dix-huit mois par un litige entre le vendeur et son frère, probablement pour savoir lequel des deux était le propriétaire des véhicules. Résultat : des frais très élevés de gardiennage.
L’arrêt montrait également qu’il était prévu un prix de réserve – la réquisition de vente indiquant que celui-ci était encore à déterminer –, mais que cette disposition était restée au stade de l’intention. Conséquence, les juges donnaient tort au vendeur, qui estimait que le commissaire-priseur n’avait pas respecté le prix de réserve, ce prix n’ayant pas été explicitement fixé.
Par ailleurs, les véhicules, bien que n’étant pas des antiquités, pouvaient être considérés fiscalement comme des objets de collection et donc soumis à la taxe sur les plus-values. Le vendeur, n’ayant pas clairement perçu cette éventualité et se considérant comme ressortissant monégasque, en avait négligé le coût (5 % prélevés par la SCP pour le compte du Trésor).
L’arrêt stipulait aussi que la production d’un permis de conduire au timbre de la principauté de Monaco ne suffisait pas à établir que son titulaire n’était pas soumis à l’impôt en France.
Également, le vendeur n’avait pas perçu que les acheteurs de véhicules de collection souhaitaient aussi s’en servir, ce qui pouvait se traduire par des frais de remise en route et de contrôle technique.
Si l’organisateur pouvait légitimement engager au compte du vendeur ces frais de dépannage et de remise en route, il n’en était pas pour autant garagiste et le vendeur ne pouvait lui reprocher qu’un véhicule tombe en panne.
In fine, suivant l’appréciation de la cour d’appel, l’addition salée des frais vendeur ne résultait pas de pratiques anormales des organisateurs de la vente et le prix d’adjudication, même inférieur à d’autres enchères obtenues ultérieurement, n’engageait pas la responsabilité contractuelle des commissaires-priseurs.
La cour aurait pu ajouter que le marché de l’art est un marché soumis aux aléas, parfois jusqu’au comique troupier.
Car dans l’enchaînement-catastrophe que nous reconstituons au travers des attendus de l’arrêt, on comprend que le vendeur, alors même qu’il ruminait sans doute la douloureuse qui venait de lui être présentée par l’étude, était reparti au volant d’un des véhicules invendus, et que la voiture était tombée en panne en cours de route.
Inutile de s’interroger sur les raisons de la colère procédurière du vendeur.
La vente avait été intitulée « les belles Italiennes ». Des humoristes ces commissaires-priseurs !
(1) Cour d’appel de Paris (1re ch. sect. A).
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Dérangés des voitures
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°191 du 16 avril 2004, avec le titre suivant : Dérangés des voitures