Kamel Mennour rejoue partiellement l’exposition du Mamac en créant un dialogue entre les œuvres d’Anish Kapoor et celles de James Lee Byars.
PARIS - À la vue de l’exposition simplement intitulée « Anish Kapoor & James Lee Byars » chez Kamel Mennour, on ne peut s’empêcher de penser à la manifestation qui, l’été 2012 au Mamac (Musée d’art moderne et d’art contemporain) de Nice, sous la houlette de son directeur Gilbert Perlein, réunissait justement… Klein, Byars, Kapoor. Le lien entre les deux expositions est d’autant plus évident que le galeriste parisien avait apporté sa collaboration avec son artiste Anish Kapoor et que c’est en voyant l’ensemble qu’il a eu envie de « donner un prolongement à ce moment, et d’en montrer, modestement, un condensé à Paris », selon ses propres termes.
Le rapprochement, ici, des deux artistes est d’autant plus justifié qu’ils se sont connus pendant près de dix ans et que Kapoor (né en 1954) est effectivement l’un des artistes le plus à même d’établir un dialogue avec son aîné (né à Détroit, aux États-Unis, en 1932 et mort au Caire, en Égypte, en 1997) et de mettre leurs œuvres en perspective. Si le parcours niçois avait principalement choisi de hisser haut le drapeau de la couleur – le bleu pour Klein, le blanc pour Byars et le rouge pour Kapoor –, à Paris, Mennour et Kapoor ont choisi l’option matière, en conjuguant le parfaitement lisse, dans de nombreuses œuvres, au relief et au rugueux comme dans cette Deposition en ciment d’Anish Kapoor. Ou en multipliant les effets de résine, avec ce curieux Cosmobiology également de Kapoor, sorte de bloc d’intestins ou d’entrailles coupé en un imposant bloc rectangle.
Jeu de rôles
L’artiste et le galeriste ont même doublé cet aspect d’un très troublant jeu du « qui est qui », auquel le visiteur est convié dès le premier espace. Seule au milieu d’une salle, on découvre en effet une installation composée d’un socle noir plat, réfléchissant, posé au sol et surmonté d’une coupole dorée. Du Kapoor tout craché, même si ce dernier penche généralement plutôt du côté du concave que du convexe ! Et bien non, il s’agit d’une œuvre de Byars, pas montrée depuis plus de vingt ans et intitulée The Capital of The Golden Tower, que l’artiste avait initialement conçue comme le toit d’une tour en bronze de plus de trois mètres de haut. Compte tenu de la difficulté de la présenter, il avait décidé de n’en garder que la demi-sphère qui, posée sur la résine noire, se reflète, nous fait pencher vers l’ici-bas et en même temps nous emmène vers le très haut en formant une sphère parfaite de planète. De même la première œuvre, dès l’entrée, un parallélépipède en marbre blanc posé au sol, sorte de sarcophage immaculé et titré The White Figure (1990) peut prêter à confusion. Mais elle est aussi de Byars, qui avait d’ailleurs plusieurs fois mis superbement sa propre mort en scène. Ce n’est d’ailleurs pas le moindre intérêt de cette exposition, que de montrer cinq œuvres importantes de cet artiste peu fréquent en galerie et notamment dans le second espace, The Planet Sign (1981) immense cercle également très kapoorien de cinq mètres de diamètre en tissu doré posé obliquement sur un châssis : disque solaire, aura, capteur cosmique ? Quoi qu’il en soit l’œuvre est d’ordre céleste, ce qui est presque pléonastique pour Lee Byars qui se prétendait né à Skylight (Lumière du ciel), Tennessee.
Côté Kapoor, c’est aussi sublime. Avec notamment cette installation, dans le second espace, intitulée Floating Dawn (2011). Elle est composée de vingt cubes (35 x 28 x 28 cm) en acrylique transparent, à l’intérieur desquels une réaction chimique à chaud, stoppée au moment de leur confection, a généré de splendides explosions de bulles d’air. Au jeu d’échelle entre l’infiniment grand et l’infiniment petit, Kapoor nous met plusieurs exemples de big bang, à la dimension de notre regard. Cette recherche obstinée caractérise en outre l’un des points communs aux deux artistes, telle la quête d’un Graal, de la perfection, de la forme la plus juste, la plus pure. Les rapproche aussi cette passion impérieuse pour le sublime, avec évidemment à la clef la dimension mystique qui auréole leurs deux démarches esthétiques.
Les prix aussi planent à une certaine altitude qui oscille entre 130 000 euros et 600 000 euros pour la plus chère, la Cosmobiology d’Anish Kapoor. Et encore, on ne sait pas si elle est réellement la plus chère, vu que la moitié de l’exposition n’est pas à vendre... À l’exemple de certaines œuvres comme le sarcophage de James Lee Byars, présenté à la Documenta (9) de Kassel en 1992 ou au Guggenheim de New York en 2004, l’ensemble est ainsi de qualité muséale.
Nombre d’œuvres : 9
Prix : entre 130 000 et 600 000 €
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Conversations célestes entre Byars et Kapoor
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 26 juillet, Galerie Kamel Mennour, 47 rue Saint-André des Arts et 6 rue du Pont de Lodi, 75006 Paris, tél. 01 56 24 03 63, www.kamelmennour.com, mardi-samedi 11h-19h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°416 du 20 juin 2014, avec le titre suivant : Conversations célestes entre Byars et Kapoor