PARIS
Damant le pion à la foire londonienne Frieze Art Fair, l’édition 2009 de la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) à Paris a suscité l’enthousiasme. Courtiers, collectionneurs et marchands ont salué la solidité de la manifestation, étayée par le « Projet moderne » au Grand Palais et une activité commerciale soutenue.
PARIS - « Je sais que je vais m’attirer des foudres, mais j’ai trouvé la FIAC [Foire internationale d’art contemporain] plus intéressante que Frieze [Art Fair] cette année. J’ai appelé des gens à Londres en leur disant qu’il fallait absolument qu’ils viennent visiter la foire. Je pourrais rester ici pour toujours ! », confiait la célèbre conseillère américaine Kim Heirston. Cet enthousiasme était partagé par tous ceux qui ont sillonné les deux événements. Pour le collectionneur californien Blake Byrne, « Frieze était léger alors que la FIAC, c’est du solide ». Solide, le salon l’était grâce à l’exceptionnel « Projet moderne » conçu par le marchand parisien Daniel Malingue. Dans ce mini-musée, le visiteur était comblé par un Kupka époustouflant présenté par Louis Carré & Cie (Paris) ou un autoportrait gris de Francis Bacon apporté par Acquavella (New York). « Ce sont des repères intelligents qui donnent une assise au regard. C’est même une nécessité », soulignait Jean-Louis Prat, ancien directeur de la Fondation Maeght (Saint-Paul de Vence). Le reste de la foire n’avait guère à rougir, entre l’exposition personnelle remarquable de Rachel Whiteread proposée par Luhring Augustine (New York), les collages prémonitoires d’Erwin Blumenfeld chez Le Minotaure (Paris), l’harmonie du stand commun que se partageaient Kamel Mennour (Paris), Jan Mot (Bruxelles) et Johann Köenig (Berlin). Ou encore le clin d’œil malicieux de Galerie 1900-2000 (Paris) à l’accrochage actuel des œuvres d’artistes femmes de la collection du Musée national d’art moderne/Centre Pompidou.
Côté Cour carrée du Louvre, la qualité est montée d’un cran par rapport à l’édition précédente. À rebours du conceptuel sec actuellement prégnant, on constatait avec joie un retour du sensible, pour ne pas dire de l’outrance, avec l’esprit post-punk de Ryan Trecartin et Lizzie Fitch à la New Galerie de France (Paris) ou les proliférations du sculpteur Dennis Fedderson chez Suzanne Tarasiève (Paris). De son côté, le stand bariolé d’Alain Gutharc (Paris) conçu par le couturier Christian Lacroix servait magnifiquement d’écrin à son écurie. Nicole Klagsbrun (New York) offrait pour sa part un face-à-face impeccablement élaboré entre Matthew Day Jackson et Rashid Johnson. Mais surtout, dans ce pré carré des jeunes, on n’oubliait pas les vieux routiers de l’histoire de l’art comme Piero Gilardi chez Sémiose (Paris) ou Julije Knifer chez Frank Elbaz (Paris).
Cerise sur le gâteau, la qualité est allée de pair avec un commerce énergisant. Les Parisiens Almine Rech, Yvon Lambert et Georges-Philippe et Nathalie Vallois ont modifié leur accrochage à plusieurs reprises. Per Skarstedt (New York) a vendu le jour du vernissage cinq pièces de Martin Kippenberger, Richard Prince et Cindy Sherman, tandis que sa consœur new-yorkaise Paula Cooper a mieux travaillé que l’an dernier en cédant entre autres une toile de Rudolf Stingel à de nouveaux clients. Pour sa première participation, Sprüth Magers (Berlin, Londres) s’estimait satisfaite des ventes en plaçant des œuvres de Barbara Kruger et Louise Lawler auprès d’amateurs français.
Étonnamment, aussi bien au Grand Palais qu’à la Cour carrée, les transactions ont surtout porté sur les grands formats. En revanche, seule une œuvre de Rachel Whiteread avait trouvé preneur chez Luhring Augustine. « Nous savions que nous n’allions pas vendre aussi vite que nous avons vendu, l’an dernier, les peintures de Christopher Wool, précisait Lawrence Luhring. J’ai le sentiment qu’à Frieze les gens achètent jusqu’à 50 000 dollars [tandis qu’]à la FIAC [ils peuvent monter] jusqu’à 100 000 dollars. » Les affaires furent plus dures pour les galeries situées en mezzanine. Malgré des transactions quotidiennes et des contacts satisfaisants, Pilar Corrias (Londres) déplorait une déperdition de la clientèle, rétive à emprunter les escaliers très abrupts menant aux mezzanines. Un regret que formulaient aussi Martine et Thibault de la Châtre (Paris) et Catherine Issert (Saint-Paul). Les galeries de design étaient encore plus mal loties, certaines se trouvant quasiment masquées comme Downtown (Paris). Les organisateurs devront trouver un autre dispositif pour le design l’an prochain.
Malgré ses indéniables avancées, la FIAC ne peut se reposer sur ses lauriers. Exposant dans le cadre du « Projet moderne », la galerie PaceWildenstein (New York) n’envisage pas pour autant de prendre un stand l’an prochain. « J’aime le format de ce secteur tel qu’il était cette année », a déclaré Arne Glimcher, directeur de la galerie. Son confrère Paul Gray, de la galerie Richard Gray (Chicago, New York), ne semblait pas plus disposé à sauter le pas : « On ne peut pas exposer partout. Pour nous, faire deux foires par an en Europe, à Maastricht et à Bâle, c’est suffisant. » Pour fidéliser ces gros poissons, la FIAC devra lancer de nouveaux hameçons.
Les bons choix du FNAC
Le Fonds national d’art contemporain (FNAC) a-t-il changé son fusil d’épaule ? On pourrait le croire au vu de la dernière salve d’achats effectués sur la FIAC. Le jury a en effet effectué cette année des choix globalement consistants comme la vidéo Histoire du Silence d’Adel Abdessemed chez Dvir (Tel Aviv), une installation de l’excellente Susan Collis chez Frank Elbaz (Paris) ou encore un film de 1970 de David Lamelas chez Jan Mot (Bruxelles). Reste un regret : seules cinq des vingt-quatre œuvres ont été acquises auprès de galeries étrangères. La puissance publique devrait aussi y mettre du sien pour aider la FIAC à fidéliser les pointures internationales.
Des « off » en manque d’identité
Face à une FIAC de qualité exceptionnelle, les foires off ont fait pâle figure. Certaines doivent entièrement repenser leur identité. C’est le cas de Show Off [organisée du 22 au 25 octobre au port des Champs-Élysées], affaiblie par le départ de deux de ses fondateurs, les Parisiennes Magda Danysz et Les Filles du Calvaire. Accueilli par les ridicules lapins colorés de Cracking Art Group, le visiteur croyait entrer dans un jardin d’enfants. Le niveau très moyen s’est reflété dans un commerce ralenti. « J’ai fait deux fois moins bien que l’an dernier », constatait Hélène Bailly (Paris). La foire aurait tout intérêt à profiter de son emplacement le long de la Seine pour créer une version parisienne de Docks Art Fair avec des expositions monographiques. Une idée d’autant plus appropriée que deux autres fondateurs de Show Off, Patricia et Olivier Houg (Lyon) dirigent le salon lyonnais…
De son côté, Art Élysées [du 22 au 26 octobre sur les Champs-Élysées] gagnerait à se concentrer sur le moderne et les années 1960, plutôt que de persister dans un art contemporain criard, voire grotesque. Car c’est bien sur le terrain classique que ce salon a toute sa raison d’être, avec le stand magnifique des Yeux Fertiles (Paris), dominé par Le Moteur de folie, un Erró de 1959, les merveilleux tableaux et dessins signés Jean Degottex chez Guislain États d’Art (Paris), les Viallat d’Oniris (Rennes) et les petits bijoux réunis par Cyrille de Gunzburg (Paris), comme Balcon au théâtre de Vuillard. À l’inverse de la FIAC, les exposants d’Art Élysées ont plutôt fait leur beurre avec des œuvres à petits prix.
Présageant du meilleur avec une vidéo de Marion Tampon-Lajarriette, découverte du Salon de Montrouge, chez Dix9 (Paris), ou encore l’association réussie de Polaris (Paris) et d’Elaine Levy Project (Bruxelles), Slick [du 23 au 26 octobre au CentQuatre] s’est révélée extrêmement disparate. À l’image des autres foires off, les affaires y furent moins dynamiques que l’an dernier. Quant à la dernière-née, « Cutlog » [du 22 au 25 octobre sous le dôme de la Bourse du commerce], sorte de mini-Slick, il y avait peu de choses à y glaner, si ce n’est la tour fragile composée d’objets trouvés par Jorge Pedro Nuñez chez Crèvecœur (Paris) ou les éditions d’Artfact (Londres, Paris).
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Chapeau la FIAC !
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Abonnez-vous dès 1 €Légende photo (haut) : Erik Dietman - 42 vues du mont Angoisse (1986-1989) - Bronze (38 éléments), marbre, dimensions variables - Galerie Claudine Papillon © LudoSane
Légende photo (bas) : Rachel Whiteread - Luhring Augustine Gallery (New York) © LudoSane
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°312 du 30 octobre 2009, avec le titre suivant : Chapeau la FIAC !