Nouvelle génération

Bourgeonnement parisien

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 3 janvier 2008 - 766 mots

Une constellation de galeries s’installe à Paris sans pour autant s’ancrer dans un quartier en particulier.

PARIS - Alors que Berlin attire des poids lourds intéressés par de grands espaces bon marché, Paris bourgeonne, elle, d’une nouvelle génération de galeries prêtes à prendre le mors aux dents. Les profils se suivent et ne se ressemblent pas, tout comme les positionnements artistiques et les préférences géographiques. La topographie de ces nouvelles enseignes est, à l’image de la scène artistique actuelle, éclatée. Schirman-de Beaucé a ainsi opté en 2006 pour le 14e arrondissement, Griesmar & Tamer s’est ancrée en novembre près du Palais Royal, Lucile Corty a ouvert en décembre du côté d’Arts et Métiers, tandis que Paul Frèches a élu domicile dans le 18e arrondissement. La School Gallery prendra, elle, pied dans le Marais à partir du 22 janvier. Un quartier qu’ont déjà choisi Odile Ouizeman en avril et Dix9 en novembre.

Pourquoi celles-ci essaiment-elles dans une cité onéreuse, que les grands collectionneurs étrangers n’ont pas encore inscrite dans un parcours de visites régulières ? « Il y a quand même des collectionneurs pointus qui passent par Paris. Et il y a moins de compétition. Si on ouvre à New York ou à Berlin, il est difficile d’entrer dans une foire. Quand 350 candidatures sortent de New York, on n’a pas beaucoup de chance », observe Daniele Balice, associé dans la galerie BaliceHertling, sise dans le 19e. Pour Cécile Griesmar, « il existe une dynamique intellectuelle à Paris, un croisement très attirant entre critiques, curateurs, centres d’expositions ». C’est précisément cette mixité, tendance laboratoire, qu’on retrouve dans le partenariat entre BaliceHertling, ouvert en septembre, et Castillo-Corrales, lancé en février 2007 par les critiques d’art Thomas Boutoux et François Piron et l’artiste Oscar Tuazon. Castillo-Corrales n’est pas à proprement parler une galerie, puisqu’elle ne représente pas d’artistes, mais plutôt un Project Space où les œuvres sont à vendre. Quel est l’intérêt pour des critiques d’art d’ouvrir un tel espace commercial ? « Nous avions pris le lieu pour en faire des bureaux pour des critiques d’art free lance. On a décidé de trouver une économie permettant de prendre en charge le coût du loyer et l’idée de la galerie s’est imposée, explique Thomas Boutoux. Dans la galerie, nous avons une liberté de ton. On n’a pas à se justifier et l’on se sent moins coupable si ça ne plaît pas immédiatement au public. » Le partage du site et des coûts  impose à chaque structure un rythme alterné d’expositions très brèves. Elle permet néanmoins une certaine porosité, voire une entraide. « Prendre un espace plus orthodoxe, c’était peut-être plus intéressant sur le plan commercial, mais les artistes qu’on représente apprécient cette situation. Lorsque ceux-ci commencent, il est important de ne pas les mettre dans une position de stress avec un grand espace », souligne Daniele Balice.

Certes, ces nouveaux galeristes n’affichent pas toujours un programme ou un propos clairement défini. Aucun d’entre eux ne prétend surfer sur un marché fort. Ils revendiquent toutefois une lucidité, voire un professionnalisme, bien que tous ne viennent pas du sérail. Dix9 est ainsi née de l’association entre un amateur, Hélène Lacharmoise, et la directrice de production des publications Condé Nast, Michèle Zaquin. D’autres viennent de milieux connexes, comme Odile Ouizeman, elle-même artiste. Benoît Porcher, qui a ouvert la galerie Semiose en septembre dernier près de la Porte de Bagnolet, est lui issu de l’édition. Sans céder au travers générationnel, celui-ci expose avec une rare cohérence aussi bien Jean Dupuy, octogénaire facétieux doté d’une pointe de poésie, que de plus jeunes créateurs comme Olivier Leroi. Étrangement, Semiose a choisi de tourner le dos à la production, devenue pourtant le nerf de la guerre. « Mes artistes produisent eux-mêmes leurs pièces, car produire soi-même a un sens politique, c’est une autonomie de pensée, indique Benoît Porcher. Il y a beaucoup d’art de production, où les acheteurs s’attardent moins sur l’œuvre que sur le coût de la production. » Une attitude de résistance qu’il sera sans doute amené à rectifier, si ce n’est à affiner, à l’avenir.

- BALICEHERTLING et CASTILLO-CORRALES, 65, rue Rébeval, 75019 Paris, tél. 06 19 60 88 94, www.balicehertling.com

- LUCILE CORTY, 2, rue Borda, 75003 Paris, www.lucilecorty.com 

- DIX9, 19, rue des Filles du Calvaire, 75003 Paris, tél. 01 42 78 91 77, www.galeriedix9.com

- GRIESMAR & TAMER, 40, rue de Richelieu, 75001 Paris, tél. 01 47 03 09 60

- ODILE OUIZEMAN, 10/12, rue des Coutures Saint-Gervais, 75003 Paris, tél. 01 42 71 91 89

- SEMIOSE, 3, rue des Montibœufs, 75020 Paris, tél. 08 79 26 16 38

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°272 du 4 janvier 2008, avec le titre suivant : Bourgeonnement parisien

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