Une rétrospective organisée par la galerie l’Univers du Bronze et la publication d’un catalogue raisonné de l’œuvre sculpté qui lui est consacré par les deux antiquaires, Michel Poletti et Alain Richarme, devraient permettre d’y voir plus clair dans la production foisonnante et de qualité inégale d’Antoine-Louis Barye. Celui qui fut surnommé « Le Michel-Ange de la ménagerie » réalisa de son vivant 230 modèles dont les éditions se multiplièrent après sa disparition à tel point que 90 % des pièces en circulation sur le marché sont des fontes posthumes. Ces dernières se négocient 50 % moins chers que les pièces de son atelier.
PARIS - Au Muséum d’histoire naturelle, Barye fréquente souvent la ménagerie où la sympathie du père Rousseau, le gardien des fauves, lui est acquise. Ce dernier offre au “grand jeune homme famélique des tartines de pain soustraites de la pitance des ours”. En cette année 1823, Barye a vingt-huit ans. Après quelques années d’apprentissage chez Fourier, un graveur sur acier, puis une formation auprès de deux maîtres, Bosio pour le modelage et Gros, devenu le chef de file de la nouvelle école romantique, pour le dessin, il est employé par l’orfèvre Jacques Henri Fauconnier qui dirige d’importants ateliers de ciselure, de mécanique et de gravure. Il lui faudra attendre le Salon de 1833, où il présente six aquarelles et douze sculptures parmi lesquelles le célèbre Lion au serpent, pour être enfin consacré. Prenant acte de l’évolution du monde de la sculpture et de la naissance de nouveaux procédés industriels permettant de reproduire des œuvres jusqu’alors réalisées à un seul exemplaire, il ouvre vers 1838 sa première fonderie, située 6 rue Boulogne à Paris – l’actuelle rue Ballu – et son premier magasin. À partir de 1845, il travaille en collaboration avec l’éditeur Martin qui développera ses éditions jusqu’en 1857, date à laquelle le sculpteur rachète ses modèles et prend en charge ses éditions. Les bronzes, estampillés et numérotés, sont alors entièrement réalisés sous son contrôle.
Succès des tirages posthumes
Ses pièces se vendent mal à l’exception des petits modèles à plus-values modestes comme les lapins, biches ou tortues. En 1857 lui est commandée pour le fronton du pavillon Sully au Louvre une sculpture de Napoléon Ier dominant l’Histoire et les Arts. La vente de cette pièce, qui le libère de son endettement, est suivie de nombreuses autres transactions avec des collectionneurs et marchands américains tels George Lucas et le milliardaire W. T Walters. À sa mort en 1875, sa collection de bronzes se compose de 230 modèles. Le contenu de l’atelier est mis en vente, en 1876, à l’hôtel Drouot. Les grands fondeurs comme Barbedienne et Brame achètent nombre de ces pièces pour les éditer. Ces tirages posthumes connaissent un si grand succès qu’on recense aujourd’hui un tirage d’époque pour 10 dix tirages postérieurs à la mort de Barye. “Ces derniers se vendent en général 50 % moins cher que les pièces de l’atelier de l’artiste”, explique Michel Poletti de la galerie l’Univers du Bronze. Une esquisse de Thésée et le centaure en fonte Barbedienne est vendue 75 000 francs alors qu’il est demandé 150 000 pour le même modèle issu de l’atelier Barye.
Des 300 pièces exposées rue de Penthièvre jusqu’au 31 décembre, la moitié proviennent de l’atelier du sculpteur animalier. “Si une marque de fondeur est inscrite sur un bronze, il s’agit obligatoirement d’un tirage posthume”, poursuit l’antiquaire-expert. Les épreuves réalisées du vivant de Barye dans son atelier comprenant une dizaine de personnes sont, en général, de meilleure qualité que celles plus récentes, le sculpteur étant très vigilant quant à la qualité de ses bronzes. Généralement riches en cuivre et minutieusement ciselés, elles bénéficient aussi d’une belle patine réalisée à froid, d’un brun rouge soutenu, et, vers la fin de la vie de l’artiste, d’un vert antique. Les pièces plus tardives, produits de l’industrie appliquée – l’atelier Barbedienne comprenait 1 000 ouvriers – sont moins soignées.
“La cote des bronzes de Barye a connu une hausse constante et lente à l’exception des pièces exceptionnelles qui se sont fortement appréciées”, analyse Michel Poletti. En témoignent les 1,2 million de francs obtenus le 19 avril chez Sotheby’s à Londres par Thésée combattant le Minotaure, première édition d’un bronze estampillé Barye numéroté 1, datant de 1843. Une belle fonte posthume du même sujet se négocie, en revanche, autour de 250 000 francs et une pièce moins soignée environ 100 000 francs.
On retrouve cette même amplitude de prix parmi les 80 pièces mises en vente par la galerie l’Univers du Bronze cédées entre quelques dizaines de milliers de francs à plusieurs centaines de milliers de francs : 30 000 francs pour une Panthère de Tunis de l’atelier Barye, 40 000 francs pour un Lion serpent fondu par Brame, 65 000 francs pour un Lion qui marche de l’atelier Barye et 330 000 francs pour un Duc d’Orléans, provenant aussi de l’atelier de l’artiste. L’exposition et le catalogue devraient permettre aux collectionneurs de mieux s’orienter dans le maquis des productions de Barye, un des grands sculpteurs du XIXe siècle aux côtés de Jean-Baptiste Carpeaux et Auguste Rodin.
- A.-L. BARYE, RÉTROSPECTIVE DE L’ŒUVRE ÉDITÉ, jusqu’au 31 décembre, galerie l’Univers du Bronze, 27-29 rue de Penthièvre, 75008 Paris. Tél. : 01 42 56 50 30. Tlj sauf dimanche, 10 h30-12 h30 et 14 h-19 h. Michel Poletti et Alain Richarme, Barye, catalogue raisonné des sculptures, Gallimard, 500 p, 600 illustrations, 590 francs jusqu’au 31 janvier, ISBN 2-07-011628-X.
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Barye en pleine lumière
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°117 du 15 décembre 2000, avec le titre suivant : Barye en pleine lumière