PARIS
Plusieurs galeries participent à la foire pour la première fois ou y reviennent après une absence. Toutes se laissent tenter par l’ouverture à un public plus large et moins formaté.
Paris. On ne se rend pas à Art Paris afin d’arpenter les allées en contemplant des joyaux rassemblés pour l’occasion, mais plutôt pour y regarder d’un œil neuf des œuvres d’artistes peu ou mal identifiés ; soit que le marché les ignore encore, soit que cette période de leur production soit moins connue.
Les partis pris éditoriaux de la foire sont d’ailleurs propices aux surprises. Rapprocher le travail photographique de Sophie Ristelhueber avec les peintures d’Anna-Eva Bergman (1909-1987) ? Jérôme Poggi n’y aurait pas pensé si les commissaires d’Art Paris ne l’y avaient incité. « La place d’une artiste telle qu’Anna-Eva Bergman est à Art Basel ou à Frieze, mais le prisme féminin de cette édition m’a intéressé. Il est temps en effet de regarder cette peintre autrement que comme la femme d’Hartung, d’ailleurs, les cotes de leurs tableaux sont en train de se rejoindre », explique le marchand. Compter entre 15 000 et 300 000 euros pour les toiles abstraites de Bergman, dont les collages à la feuille d’or répondent au final assez bien aux sutures apparentes des paysages saisis dans leurs meurtrissures par Sophie Ristelhueber (entre 10 000 et 30 000 euros). La galerie parisienne fait partie des enseignes dont la participation confirme une montée en gamme de la foire, plus sélective et très féminine du fait de sa volonté de mettre en avant « une scène française d’un autre genre ». La galerie Art : Concept, également présente pour la première fois, montrera ainsi, quant à elle, un solo show d’Ulla von Brandenburg [voir illustration], à l’affiche du Palais de Tokyo en 2020, dont les aquarelles restent pour autant abordables (prix entre 5 000 à 30 000 €).
Parmi les nouvelles venues, l’arrivée de la portugaise Filomena Soares et de la Patinoire Royale-Galerie Valérie Bach, basée à Bruxelles, sont pareillement à mettre au crédit d’une liste d’exposants plus qualitative. La galerie lisboète présente un dialogue entre les œuvres d’Helena Almeida, figure majeure de la scène contemporaine portugaise (exhumée par le Jeu de Paume en 2016) et celles d’autres artistes, telles que l’Espagnole Pilar Albarracin et l’Iranienne Shirin Neshat. Très internationale, la galerie fait une démonstration de son envergure avec des pièces de Dan Graham, Carlos Motta… Attention, les prix, qui démarrent à 6 000 euros peuvent s’envoler jusqu’à 120 000 euros.
La galerie Anne de Villepoix est, quant à elle, de retour après plusieurs années d’absence et consacre son stand en partie à des artistes femmes : dessins d’Annette Barcelo, photographies d’Iwajla Klinke, enfin peinture et sculpture de Teresa Tyszkiewicz, dont on reconnaît les toiles constellées d’épingles. La galerie Ceysson & Bénétière avait cessé de prendre part à Art Paris depuis 2013, mais elle s’est sentie tenue de venir cette fois-ci défendre le travail d’ORLAN, grande pourfendeuse de stéréotypes féminins, dont on redécouvre des séries datant de la fin des années 1990, entre transformations chirurgicales et retouches numériques (spectre de prix de 15 000 à 25 000 euros). Pour Praz-Delavallade, Art Paris, a, par rapport à la Fiac, l’attrait d’une foire complémentaire, et l’enseigne choisit de préférence d’y montrer des artistes français reconnus par les institutions sans être pour autant des stars. C’est encore le cas sur cette édition avec une présentation personnelle de Pierre Ardouvin, qui a conçu une scénographie mixant sculptures et dessins à l’aquarelle sur papier (prix entre 5 000 et 25 000 euros).
Forte de son expérience concluante l’année dernière, la galerie Loevenbruck est à nouveau au rendez-vous, et sa proposition en phase avec des collectionneurs moins amateurs de trophées que de trouvailles. Si l’on en croit le succès de sa dernière exposition à la galerie, c’est le moment pour Blaise Drummond [voir illustration] d’aller au-devant de son public. Architecture moderniste iconique, rapport à la nature, les sujets de prédilection de ce peintre irlandais résonnent avec l’époque tout en la considérant avec distance. Ses œuvres sur papier de petit format et ses grandes toiles (190 x 270 cm) se vendent pour l’heure entre 5 000 et 25 000 euros.
Le thème de cette édition est l’Amérique latine, entendue comme un territoire très large, mais peu de galeries locales ont cependant fait le voyage. Et c’est étrangement une enseigne chinoise, celle de Xin Dong Cheng, qui invite à une exploration de la scène cubaine, de ses maîtres, comme Raúl Martinez (1927-1995) à ses talents émergents, Yunier Hernández Figueroa ou Adonis Florès, embrassant une fourchette de prix de 2 500 à 40 000 euros environ. Quant à l’artiste chilienne Sandra Vásquez de la Horra, c’est la galerie coréenne Wooson qui lui consacre une mini rétrospective. Basée à Lima et à Paris, la galerie Younique jette des passerelles entre les deux capitales, présentant en France des jeunes artistes péruviens tels qu’Edi Hirose, José Luis Martinat et Mariú Palacios, réunis ici avec des prix qui n’excèdent pas 7 500 euros. Dénichée par la foire, la Freijo Gallery, est quant à elle pleinement légitime à faire un focus sur des artistes mexicains : le fondateur de cette enseigne madrilène discrète a vécu à Mexico pendant quinze ans. Il ne prend pas de risques excessifs en retenant deux figures importantes : Germán Cueto (1893-1975), sculpteur abstrait membre du stridentisme, et Felipe Ehrenberg, éditeur et précurseur de l’art conceptuel mexicain, disparu en 2017. Au rayon des références historiques latino-américaines, les galeries Weinstein Gallery et Minsky offrent conjointement de redécouvrir la surréaliste Leonor Fini, quand la galerie Jean-Marc Lelouch a pour sa part conçu son stand comme un hommage à la sculptrice argentine Alicia Penalba (1913-1982), qui travailla auprès d’Ossip Zadkine (compter de 3 000 euros pour une édition à 150 000 euros pour une pièce originale). Pour sa première année d’existence et donc, sa première participation à la foire, la galerie Solo, fondée à Madrid par Eva Albarran et Christian Bourdais se distingue autant pour les œuvres du Mexicain Carlos Amorales – auquel le Stedelijk Museum d’Amsterdam va consacrer une exposition en novembre – que pour sa sélection pointue d’artistes tels que Hector Zamora, Angelika Markul… offrant néanmoins une large palette de prix (de 1 500 à 60 000 € environ).
Depuis 2015, Art Paris encourage la présentation d’expositions monographiques au sein de la foire, ce qui contribue à la rendre plus lisible, tout particulièrement sur cette édition, qui en comporte une quarantaine. Cependant si Guillaume Piens, son commissaire général entend lutter contre l’effet de déballage, il revendique le droit d’explorer des directions iconoclastes. Comme la bande dessinée. Spécialiste de ce domaine, Daniel Maghen se positionne cependant sur des valeurs sûres, comme Moebius, dont on admire une planche issue de l’album La Déviation (120 000 €), ainsi qu’une illustration originale de L’Incal (80 000 €). Quant à la galerie Philippe Gravier, elle mélange sur son espace du mobilier d’architecte signé Rudy Ricciotti (entre 40 000 et 100 000 €) avec des toiles de Robert Malaval et de Jean-Paul Riopelle.
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Art Paris encourage l’esprit de découverte
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°520 du 29 mars 2019, avec le titre suivant : Art Paris encourage l’esprit de découverte