En dépit du contexte économique incertain, la foire belge tient résolument son rang et offre une édition très réussie.
BRUXELLES - Ce qui frappe aussitôt, quand on pénètre dans l’édition 2013 d’Art Brussels, c’est la qualité de l’accrochage. Un accrochage très aéré auquel a veillé la nouvelle directrice artistique de la foire, Katerina Gregos. Les galeristes s’agacent parfois de cette ingérence, mais c’est elle qui a eu raison. Là où, en temps d’incertitudes économiques, bien des galeries tentent maladroitement de montrer le plus d’œuvres possible – c’est malheureusement le cas sur trop de foires –, la qualité de l’accrochage bruxellois apparaît salutaire. On souhaiterait même parfois qu’il soit un peu plus dense. C’est dire si le parti pris de la directrice artistique s’est imposé dans cet espace marchand qu’est une foire.
Une sélection variée
S’il faut donc rendre ici hommage au choix de Katerina Gregos, il convient aussi de saluer le travail du solide comité de sélection. Il se composait, outre de la directrice artistique de la foire, notamment des galeries les plus établies à Bruxelles comme le senior Albert Baronian et Rodolphe Janssen, de la Parisiano-Bruxelloise Nathalie Obadia et du directeur de la galerie américano-bruxelloise Barbara Gladstone, Gael Dieckens, ou de la championne du monde des galeries par l’intensité de sa participation aux foires, la galerie autrichienne Krinzinger. Les 189 galeries retenues – avec une bonne diversité internationale – sur plus de 450 candidates constituent dans l’ensemble de bons choix. On s’étonnera juste de la présence détonante, dans un angle du hall principal, d’une enseigne qu’il est préférable de ne pas citer nommément, au stand franchement indigne. Il est également surprenant que Laurent Godin, galerie parisienne bien établie, sérieuse et dynamique, qui fut même, en 2008, celle de France à participer au plus grand nombre de foires internationales ou la très professionnelle et reconnue galerie Leme de São Paulo soient confinées au second hall seulement – le 3, où se concentrent les galeries émergentes, espace qui apparaît, dans l’ensemble, moins convaincant. La foire, sérieuse et solide, peut encore gagner en qualité en améliorant les participations justement au hall 3. Chez les jeunes, la Palazzo gallery de Brescia, la Pippy Houldsworth gallery de Londres et la galerie D T Project de Bruxelles se distinguent pourtant par la qualité de leur présentation. La galerie parisienne In Situ-Fabienne Leclerc se trouve également dans ce même hall 3, mais située juste à l’entrée, elle bénéficie d’un passage très important de visiteurs tout juste sortis du hall principal et ne pâtit nullement de sa localisation.
Amateurs sages pour achats avisés
Les foires expriment des tendances propres au contexte national ainsi qu’à l’air du temps, ce dans les allées comme sur les stands. Dans les premières tout d’abord, le public d’Art Brussels est loin d’égaler en nombre celui d’autres manifestations comme la Fiac à Paris. Les allées sont rarement noires de monde, ici peu de curieux, beaucoup d’amateurs en revanche. Le public, qui se déplace en couples ou en groupes d’amis, est âgé et aisé. Ce public regarde beaucoup, se renseigne – c’est la force d’Art Brussels étant donné la fréquentation d’effectifs raisonnables, on est souvent très bien reçu sur les stands – et n’achète souvent qu’en fin de foire.
Peu d’achats impulsifs, il s’agit d’acquisitions d’amateurs aisés voire fortunés qui connaissent la valeur de l’art. Ici, pas de clinquant, que l’on fuirait plutôt. Les achats se portent sur des peintures et des sculptures, alors que les vidéos et les installations sont presque absentes, même la photo est peu présente. Mais les acheteurs sont là. La plupart des galeries de cette édition, du moins celles localisées dans le hall principal, le soulignent et s’en réjouissent.
Outre leur accrochage aéré, les stands font apparaître eux d’autres tendances. Dans beaucoup dominent le noir et le blanc, les grisailles : notamment dans les stands – très beaux, par ailleurs – des galeries Rodolphe Janssen ou Axel Vervoordt ; Barbara Gladstone présente une superbe sculpture d’Anish Kapoor qui n’est ni brillante, ni lisse ni colorée, mais qui se compose, à l’inverse, de concrétions de ciment gris. L’esprit est à l’épure. De façon générale, les monochromes et quasi monochromes s’emparent parfois de stands tout entiers, comme chez Emmanuel Perrotin, avec Pieter Vermeersch. Un monochrome ou un quasi monochrome qui ne joue que sur de légères variations de nuances dans un ton donné, si possible dans une teinte discrète et de grandes dimensions, c’est certes très décoratif et facile à marier avec un intérieur tout en retenue, mais leur accumulation dans la foire montre aussi tout ce que cela peut rapidement produire d’ennuyeux. Et à ce jeu de l’uniformité produite par la quête des attentes à combler des acheteurs locaux, certains stands finissent par ressembler à la simple caricature de leurs confrères. De façon similaire, même si certaines variantes en sont très réussies et si elles viennent utilement rompre avec l’esthétique minimaliste dominante, les sculptures de Stefan Balkenhol (les meilleures étant présentées par Sorry, we’re closed) se retrouvent, souvent en nombre, dans trop de galeries – une bonne demi-douzaine ! – pour ne pas s’en trouver dépréciées.
De la provocation plutôt que du spectaculaire
Art Brussels présente peu d’œuvres importantes de très grands artistes qui seraient proposées à des prix fabuleux : Art Brussels n’est pas Bâle et il manque beaucoup des plus grands noms du marché qui pourraient tirer encore le hall principal vers le haut. Le plus beau stand de la foire ? Sans doute celui de la galerie grecque Bernier Eliades. Des œuvres épurées, pour répondre à l’esprit de la foire, mais aussi d’autres rudement insolentes. Un immense et magnifique tableau de Jonathan Meese vient taquiner le concurrent Daniel Templon dont le stand situé juste en face présente deux œuvres plus petites. Mais aussi une hilarante farandole d’animaux (mâles) en céramique de toutes les espèces de Dionisis Kavallieratos dont il ne fait guère de doute qu’ils s’accouplent et qui portent des masques figurant d’autres animaux. L’œuvre évoque Enzor, Koons et fourmille de détails amusants. Son titre présente autant d’entrain – mais avec moins de retenue – que la foire : Let’s Do the Locomotion !
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Art Brussels tient le cap
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°391 du 10 mai 2013, avec le titre suivant : Art Brussels tient le cap