Honorable dans sa section principale, la foire d’art contemporain bruxelloise a pâti de la faiblesse et confusion d’un secteur émergent par ailleurs très important.
BRUXELELS - On l’attendait vigoureuse, mais la 32e édition d’Art Brussels, qui s’est tenue du 25 au 27 avril, s’est révélée pour le moins faiblarde. Mais pas parce que le public y prend manifestement son temps et ne joue pas des coudes pour pénétrer dans le salon dès la première heure venue, ce qui relève d’une singularité sympathique et apaisante – sauf pour certains marchands trouvant le rythme un peu mou. D’autres à l’inverse affichaient des mines satisfaites dès les débuts, à l’instar de Michel Rein (Paris, Bruxelles) pour qui Art Brussels se distingue car « on n’y trouve pas de chef-d’œuvre pour des collectionneurs sans limites. c’est une foire conviviale, amicale, fréquentée par des gens qui ont l’art d’aimer l’art ». Il annonçait quelques réservations et des ventes fermes, notamment concernant des pièces d’Abigail DeVille et de Franck Scurti (pour 11 000 euros). Krinzinger (Vienne) s’est très vite délesté, pour 29 000 euros, d’un grand tableau de l’Espagnol Secundino Hernández, et Bernard Ceysson (Luxembourg, Paris) s’est dessaisi de quelques œuvres de Daniel Dezeuze des années 1990 à 2014 (entre 8 000 et 40 000 euros) ; codirecteur de la galerie, Loïc Bénétière relevait qu’« Art Brussels est une foire où l’on rencontre beaucoup de collectionneurs mais aussi d’autres galeries, ce qui nous permet de placer les artistes et de leur trouver de nouvelles possibilités d’expositions. »
Alors que quelques stands présentaient un niveau très moyen, la section générale a réservé quelques belles surprises : un grand Carla Accardi daté de 2000 fait de dix-huit pièces de céramique et affiché 50 000 euros chez Enrico Astuni (Bologne) ; un portrait dessiné sur une plaque d’albâtre de Marisa Merz proposé par Cardi (Milan) ou encore le stand très porté sur la nature de Bugada & Cargnel (Paris), avec notamment une belle installation de Wilfrid Almendra composée de philodendrons tentant, derrière une vitre, de revenir à l’état sauvage. Sans doute l’une des plus belles propositions du salon était-elle à porter au crédit de Sorry we’re closed (Bruxelles), avec un accrochage intelligent et subtil d’œuvres en plâtre mêlant les curieux Dog from Pompéi d’Allan McCollum à des pièces de George Segal, David Adamo ou Hans-Peter Feldmann.
Parcours incohérent
Mais la plus grosse déception est venue du secteur émergent, qui pour beaucoup rimait là avec indigent, ce qui est pour le moins dommageable dans une manifestation désireuse de muscler cette partie de son offre au point d’y consacrer désormais la moitié de ses 190 stands. En premier lieu, la distribution de l’ensemble faisait montre d’incohérences. Alors que le hall 1 semblait dévolu au secteur principal intitulé « Prime », Galerist (Istanbul) et Jousse Entreprise (Paris), esseulés dans un coin de celui-ci, étaient inscrits dans le secteur « Young » – Jousse ayant été récompensé par le prix du meilleur stand de cette jeune section, avec un bel accrochage mêlant notamment des séries de photos de Louidgi Beltrame et de Julia Rometti & Victor Costales. Quant au hall 3, si apparaissait clairement identifiée une zone « First » dévolue aux galeries participant pour la première fois, le reste mélangeait allègrement du « Young » et du « Prime » sans aucune forme de logique. À quoi sert donc de sectoriser si cela n’est pas lisible ?
Surtout, la qualité des propositions les plus jeunes était loin d’atteindre le firmament, avec quelques galeries manifestement en dessous du niveau d’une foire internationale. Beaucoup d’enseignes semblaient en outre vouloir se disputer le prix de la mauvaise peinture ; le visiteur ressentait la désagréable sensation d’enchaîner des productions passablement similaires, seulement intéressées par le processus de fabrication et quelques effets de surfaces et de texture, de la plus lisse à la plus granuleuse. Quelques irritants effets de mode étaient saillants, comme les compositions d’images matinées d’un soupçon d’abstraction par l’Américain Leo Gabin chez Elizabeth Dee (New York) ; des œuvres qui, pour qui aurait loupé Robert Rauschenberg il y a trente ou quarante ans, pouvaient néanmoins constituer une alternative à moindre coût (21 000 dollars) !
C’est finalement lorsque les galeristes ont décidé de consacrer tout ou partie de leur stand à un solo show que le plus intéressant a été donné à voir, comme Thorsten Brinkmann chez Hopstreet (Bruxelles), Michael Cline chez Horton (New York), Marc Nagtzaam chez ProjecteSD (Barcelone) ou Andreas Blank chez Christian Ehrentraut (Berlin), où l’on retrouvait là des propositions construites et cohérentes.
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Art Brussels en demi-teinte
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°413 du 9 mai 2014, avec le titre suivant : Art Brussels en demi-teinte