BERLIN / ALLEMAGNE
Galop d’essai encourageant mais sans éclat pour la première édition d’Art Berlin. L’optimisme régnait dans les allées de la foire issue d’une coopération entre l’événement berlinois ABC et Art Cologne.
Berlin. La première édition d’Art Berlin s’est déroulée du 14 au 17 septembre. Le retour d’une foire commerciale à Berlin est une bonne nouvelle pour la capitale, il était attendu par de nombreux acteurs. En 2012, une étude concluait que la moitié des galeries berlinoises avaient souffert financièrement de l’arrêt de la foire Art Forum.
Cette nouvelle foire d’art moderne et contemporain est issue d’une coopération entre Art Cologne et ABC soutenue financièrement par la société Koelnmesse. ABC était un événement organisé en septembre par une poignée de galeries berlinoises, une plateforme qui refusait de se considérer comme une foire. Maike Cruse, directrice de feu ABC et dorénavant directrice d’Art Berlin, explique s’être dans un premier temps tournée vers la ville de Berlin pour créer une nouvelle foire : « Le Sénat [gouvernement régional] n’était pas intéressé par une collaboration. Le marché de l’art n’est pas vraiment inscrit à leur agenda. » C’est finalement Art Cologne qui est venue à la rescousse, mettant fin à la rivalité qui existe entre les deux villes depuis les années 1990, lorsque de nombreuses galeries avaient quitté Cologne pour Berlin après la réunification. D’après Daniel Hug, directeur d’Art Cologne, « à Berlin, nous pouvons créer une foire plus traditionnelle, internationale. L’Allemagne est suffisamment grande pour avoir deux foires d’art importantes ».
Art Berlin ne part pas entièrement de zéro : cette année encore, la foire se déroule au même endroit qu’ABC, dans un ancien espace industriel situé au centre de Berlin. Environ 70 galeries parmi les 112 participantes ont déjà exposé dans le cadre de l’ancienne foire ABC. Étant donné les délais très serrés, un comité de sélection des galeries n’a pu être mis en place cette année. Mais les délais raccourcis ne sont pas la seule explication, comme le souligne Daniel Hug : « Cologne qui vient à Berlin pour s’associer à ABC représente une situation politiquement chargée. Certains en Rhénanie sont nerveux de voir Cologne perdre sa position, et il y a aussi des Berlinois qui considèrent cela comme une sorte de prise de contrôle. » Pour désamorcer les conflits potentiels, les organisateurs ont approché les anciens participants d’ABC puis, par le bouche-à-oreille, ceux d’Art Cologne. Selon Daniel Hug, il n’a pas été difficile d’attirer les galeries. Chaque grande ville allemande a été représentée par au moins deux galeries, une importante et une émergente. Grande nouveauté, Art Berlin s’ouvre à l’art moderne, même si cette part apparaît encore modeste.
La spécificité d’ABC, qui avait fait le choix de positions artistiques uniques, a été abandonnée. Ce n’était pas rentable commercialement pour les galeries et peu attractif pour les collectionneurs qui préféraient disposer d’un choix plus étoffé. Trente galeries ont toutefois encore opté pour un solo show, présentant par exemple Axel Hütte (Daniel Marzona, Berlin), Haegue Yang qui avait remporté la semaine précédente le prix Wolfgang-Hahn 2018 (Barbara Wien, Berlin), ou bien une installation monumentale d’Azade Köker (Zilberman Gallery, Istanbul). L’hommage de l’artiste américain John Bock à l’architecte Hans Scharoun (Sprüth Magers, Londres) a également été très remarqué.
L’avis des galeristes était unanime, la foire a gagné en professionnalisation avec l’arrivée d’Art Cologne,sur le plan à la fois de l’ambiance, de l’infrastructure et du public. Nombre de galeries se sont déclarées positivement surprises. C’était le cas de la jeune galerie PPC-Philipp Pflug Contemporary, créée il y a quatre ans et basée à Francfort-sur-le-Main. Les œuvres de trois des quatre artistes émergents qu’elle présentait, tous anciens étudiants de la Städelschule de Francfort (Tobias Donat, Murray Gaylard, Sandra Kranich et Martin Wenzel), se sont bien vendues, pour des sommes allant de 1 600 à 12 000 euros.
À l’autre du bout du spectre économique, la galerie Aurel Scheibler (Berlin) se félicitait de la vente d’un portrait d’Alice Neel (1900-1984) pour environ un million d’euros. La galerie Samuelis Baumgarte, de Bielefeld, revenait à Berlin pour la première fois depuis la disparition d’Art Forum. Elle présentait un solo show de l’artiste du groupe ZERO Heinz Mack. À la fin de l’édition, une œuvre datant de 1969 a été vendue, deux autres plus récentes étaient réservées (150 000 à 400 000 euros). La galerie berlinoise Dittrich & Schlechtriem, qui présentait un stand partagé entre un accrochage salon et de grandes installations, a cédé l’intégralité des œuvres sur son mur (signées d’artistes tels que Julian Charrière et Simon Mullan) et éveillé un intérêt pour les installations.
Mais chez les grandes galeries internationales basées à Berlin, on sentait poindre la déception : si les ventes ont été satisfaisantes, elles auraient pu être meilleures. Déception relative : il s’agissait de la première édition ; tous ont espoir que la foire, en s’établissant, attire plus de collectionneurs internationaux. D’autres galeries précisaient que, malgré l’enthousiasme soulevé par la création de la foire, on était loin de l’engouement rencontré à Art Basel ou même à Liste. « La prochaine étape consistera à se développer – en fonction des ventes cette année et de la réaction des galeries –, en intégrant 15 à 20 enseignes internationales plus établies, ainsi que 5 à 10 autres jeunes galeries internationales », assure Daniel Hug. Préparer d’ores et déjà la suite, avec la sécurité qu’apporte un appui financier sur une durée de cinq ans au moins, est un luxe que ne connaissait pas ABC.
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« Art Berlin » première
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°485 du 22 septembre 2017, avec le titre suivant : « Art Berlin » première