Internet contre le vol

Armand Torossian : « Retrouver les œuvres volées »

commissaire-priseur à Grenoble, fondateur du site www.published-and-stolen.com

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 6 mai 2008 - 759 mots

Parallèlement aux sites officiels, Armand Torossian, commissaire-priseur à Grenoble, vient de fonder un nouveau site dédié aux œuvres d’art volées : www.published-and-stolen.com. Accessible à tous, il s’appuie sur les bibliographies des œuvres et offre la possibilité à la victime de proposer des primes en cas de localisation des œuvres.

Comment vous est venue l’idée de créer un site d’œuvres d’art volées ?
Depuis le début de mon activité de commissaire-priseur, je suis régulièrement en relation avec des personnes qui ont été cambriolées. Mon expérience avec www.interencheres.com – dont je suis le président et le fondateur – me permet de penser qu’Internet est l’outil adapté pour résoudre le problème.

Il existe déjà d’autres sites actifs dans ce domaine tel www.artloss.com, ainsi que les bases de données des services de police.
Les services officiels ont beaucoup de mérites : ils font un travail considérable. La base Treima de l’OCBC (Office central de lutte contre le trafic des biens culturels) – la meilleure base au monde – en est l’illustration. Le FBI a aussi sa propre base. Mais la déontologie des services de police ne permet pas toujours d’ouvrir son accès. À cet égard, il faut saluer la diffusion d’un extrait de la base Treima sous forme de cédérom.
Les services privés ont une approche très différente, tel Artloss qui exploite sa base de données au sens commercial, en faisant payer la consultation de la base, mais aussi l’enregistrement d’un objet ! Et empoche également une commission en cas de redécouverte d’une œuvre (entre 15 % et 20 % de sa valeur). Cela conduit à des dérives inadmissibles.

Comment fonctionne votre site ?
L’approche de www.published-and-stolen.com consiste à se placer du point de vue des victimes d’un vol et à prendre en considération deux priorités absolues : régler de façon efficace la question de l’identification des œuvres volées et ouvrir totalement et gratuitement les accès pour susciter un maximum de visites sur le site. Le cœur du système se trouve dans la possibilité de prendre en compte les références bibliographiques des œuvres volées, à commencer par les catalogues raisonnés d’artistes, qui sont infiniment plus pertinentes pour identifier l’objet volé que le descriptif le plus détaillé que l’on puisse imaginer. Le but est d’entraver les possibilités de revente, car aucun marchand ou aucune maison de vente ne pourra proposer l’œuvre sans faire état de ses références bibliographiques. Le service repose aussi sur la possibilité pour la victime d’un vol d’offrir des primes : en cas de localisation de l’œuvre recherchée sur Internet, de sa localisation physique, de la mise en cause judiciaire du voleur ou du receleur et bien sûr en cas de restitution de l’œuvre. Par la qualité des informations publiées et leur visibilité, nous faisons le pari que nous deviendrons le service le plus efficace pour la redécouverte des objets volés.

N’est-ce pas discriminant pour les œuvres d’art volées non référencées ?
La référence bibliographique n’est qu’un outil à disposition : c’est un service à haute valeur ajoutée, mais son utilisation n’est pas obligatoire. Et comme le système permet la gestion des catalogues des ventes aux enchères dans lesquels les objets à partir de 2 000 euros sont souvent reproduits en couleurs, le panel des objets concernés est beaucoup plus large qu’on ne l’imagine.

Quel est son coût pour la victime d’un vol ?
Le coût est forfaitaire et indépendant de la valeur de l’objet volé. Il est fonction de la durée choisie de mise en ligne de l’information : 300 euros pour 3 ans, 600 euros pour 9 ans et 1 000 euros pour une durée illimitée. Ce montant est comparable au coût d’une annonce dans la presse ou à celui de la prime d’assurance qu’il aurait fallu payer pour garantir le risque de vol de l’œuvre recherchée pendant un an.

Comment donner une dimension internationale à votre site ?
Nous avons déjà une dimension internationale : nos visiteurs viennent de trente pays différents pour la seule version française. Les autres versions sont en cours d’intégration et constituent l’axe principal de notre développement futur.

Où en êtes-vous quinze jours après son lancement ?
Les chiffres sont supérieurs à nos attentes : 12 000 pages vues, une durée moyenne de connexion de 4 minutes 40 secondes et dix comptes utilisateurs créés. Et déjà la première piste d’un visiteur québécois qui a trouvé sur un site Internet chinois le tableau ressemblant à celui qui est publié sur le site et il n’est pas exclu que le tableau localisé en Chine ait été volé il y a pas mal de temps chez le collectionneur d’origine

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°281 du 9 mai 2008, avec le titre suivant : Armand Torossian : « Retrouver les œuvres volées »

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