LISBONNE / PORTUGAL
La troisième édition de la foire lisboète a confirmé son rôle de catalyseur. Un marché encore restreint, mais en plein essor, soutenu par un contexte économique favorable et la manne d’investisseurs étrangers.
Lisbonne. Le Portugal est à la mode. En lançant dans sa capitale sa première édition en 2016, Arco Lisboa, bouture locale de la foire madrilène, misait sur le potentiel d’une ville au charme certes intemporel mais en périphérie du marché de l’art. Cette nouvelle édition, qui s’est déroulée du 17 au 20 mai, laisse à penser que la greffe a pris. La foire a structuré une scène contemporaine qui a vu depuis deux ans la création de nouvelles galeries, de pair avec le développement de l’offre institutionnelle, à l’instar du MAAT (Museu de Arte, Arquitetura e Tecnologia).
Plusieurs raisons expliquent ce décollage. À commencer par l’arrivée dans la capitale lusitanienne d’étrangers fortunés, attirés autant par les azulejos sur les bords du Tage que les incitations fiscales mises en place par le gouvernement pour remonter la pente après la crise. Après John Malkovich, Philippe Starck ou Monica Bellucci, l’installation récente d’autres stars – Madonna dans le quartier cossu de Lapa – et moult anonymes bien lotis ont achevé de rendre Lisbonne tendance, à deux pas de la balnéaire Cascais et des plages de Comporta prisées par la jet-set. De plus en plus de Brésiliens s’y installent, apportant l’accent de la bossa-nova dans le berceau du fado. Acquérir un bien immobilier, investir ici leur permet de résider dans cette terre lusophone européenne dynamique, préservés d’une situation économique, sociale et politique brésilienne qui inquiète, et notamment les plus fortunés.
Cet afflux cosmopolite et financier n’a pas échappé aux organisateurs d’Arco. Quelques heures avant l’ouverture des portes du bâtiment longiligne de la Cordoaria Nacional en bordure du fleuve, une centaine de collectionneurs VIP étaient conviés à un déjeuner dans les jardins du Palàcio Correio-Mor à Loures, à quelques kilomètres de la capitale. Le président de la République en personne inaugurait la foire – en tout quelque 70 galeries, majoritairement portugaises et espagnoles.
En l’espace de peu de temps, de nouvelles enseignes ont essaimé dans la ville. L’Italien Matteo Consonni a lancé, avec Gonçalo Jesus, Madragoa en avril 2016. La Parisienne Jeanne Bucher Jaeger a inauguré en janvier un nouvel espace dans le Chiado. « La galerie a tissé très tôt des liens avec le Portugal en représentant, dès les années 1930, Maria Helena Vieira da Silva et son mari Arpad Szenes, explique Véronique Jaeger, sa directrice générale. Nous exposons de nouveaux artistes portugais, tels Rui Moreira ou Miguel Branco. Avoir développé, au fil des années, des amitiés sur place est un atout certain au sein d’une ville qui ne compte encore que très peu de galeries internationales. De nombreux Belges, Français et Suisses se sont installés ces dernières années à Lisbonne, sensibles à la qualité de vie, la douceur, la lumière de la ville. » La Brésilienne Fortes D’Aloia & Gabriel vient à son tour d’ouvrir un bureau lisboète.
Sur la foire, dans le secteur général, Filomena Soares exposait des photographies de l’incontournable Helena Almeida (50 000 €) que l’on retrouvait chez Presença (Porto) et la Madrilène Helga de Alvear. Une maquette d’un pavillon de Dan Graham côtoyait quatre sculptures en fer de Rui Chafes. Autre poids lourd local, Cristina Guerra montrait des collages de Asier Mendizabal, une œuvre sur papier grand format de Julião Sarmento, une impression sur papier baryté et une grande toile de Rui Toscano. La Paulista Vermelho donnait à voir un mur de 100 plaques sur les migrants (2014) de Carmela Gross (17 000 €). La galerie se félicitait de nouveaux contacts et de réservations de plusieurs œuvres. Vera Cortês mettait, elle, à l’honneur la star du street art Alexandre Farto alias Vhils avec deux portraits sur affiches de publicité vendus dès l’ouverture (25 500 € chaque). Également, une série récente des peintures de João Louro sur des compositeurs, Ligeti ou John Cage (12 400 € chaque). Chez Graça Brandão, on remarquait les collages rehaussés à l’acrylique d’Albuquerque Mendes. L’Américain Christopher Grimes (Santa Monica) exposait des toiles signées Antonio Ballester Moreno, vu par ailleurs chez Maisterravalbuena (Madrid, Lisbonne), des grands formats de Veronika Kellndorfer et là encore João Louro, dont une œuvre en néons chez Fernando Santos (Porto) était pressentie pour aller à une institution portugaise. La galerie, qui compte elle aussi un nombre croissant de clients brésiliens installés à Porto, a en outre vendu un grand dessin figuratif de João Jacinto (8 000 €). Deux sculptures baroques en tressages de laine et perles de Joana Vasconcelos accaparaient le regard sur le stand de Horrach Moya (Palma de Maiorca). Proposées à 20 000 € chacune, l’une était vendue le soir du vernissage. Du côté des classiques, El perro de Goya, technique mixte sur papier de Saura (1966), avait trouvé preneur (90 000 €) chez Fernandez-Braso (Madrid). Une composition de Maria-Helena Vieira Da Silva (1955) attendait acquéreur chez Leandro Navarro (125 000 €). La création émergente était à voir dans le secteur Projetos, de qualité. Le solo show des photographies de Monica de Miranda sur l’Angola chez Carlos Carvalho avait rencontré un franc succès (de 3 600 à 8 500 € pour un grand tryptique). Dans le secteur Opening se démarquaient les propositions de Madragoa et Balcony. Francisco Fino avait, quant à lui, vendu avant l’ouverture une pièce d’Adrien Missika (9 200 €). À côté d’une vidéo de Mariana Silva, une toile intitulée E nos sonhos que tudo começa… (2014) de Vasco Araújo, valeur montante (9 200 €) focalisait, avec ses sculptures, l’attention du collectionneur belge Alain Servais.
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Arco Lisboa, tremplin de la scène contemporaine portugaise
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°502 du 25 mai 2018, avec le titre suivant : Arco Lisboa, tremplin de la scène contemporaine portugaise