Galerie - Ventes aux enchères

1950-1975 : les peintres japonais à Paris font bouger le marché

Par Marie Potard · L'ŒIL

Le 19 février 2025 - 851 mots

Le marché de la Nouvelle École de Paris, axé sur les peintres japonais, commence à frémir, grâce à la mise en lumière de quelques galeries, d’expositions et d’ouvrages.

Conscientes du potentiel de ce marché au vu de la production importante de ces peintres, Aude Louis Carvès et Rébecca Sack ont fondé, en 2020, leur galerie (Louis & Sack, Paris-6e) consacrée en partie aux peintres japonais de la Nouvelle École de Paris, de 1950 à 1975. Elles ont d’ailleurs préparé pour Tefaf Maastricht, en mars dernier, une exposition intitulée « 1950-1970, trois peintres japonais à Paris », en parallèle de la parution d’un ouvrage collectif au même titre, sous la direction de l’historienne de l’art Juliette Evezard (éd. Lienart). D’autres galeries, comme Gregg Baker Asian Art (Bruxelles), Shibunkaku (Kyoto) ou encore Lighthouse called Kanata (Tokyo) présentent aussi ces artistes. Après 1945, libérés des restrictions de la guerre, les Japonais sont avides de découvrir l’art venant de l’étranger. Mais l’art parisien ne sera exposé au Japon qu’en 1951. Ne tenant plus, certains artistes optent pour le « Yoko » (voyage en Occident) et se rendent particulièrement à Paris, considéré comme le centre des nouvelles tendances. La Nouvelle École de Paris regroupe ainsi, à côté d’artistes français, de nombreux artistes venus de pays lointains comme le Japon (la première liaison commerciale aérienne entre Tokyo et l’Occident date de 1953). Ils se côtoient dans les académies libres et ateliers de l’époque (Cité Falguière, Académie de la Grande Chaumière) et revendiquent pour la plupart des tendances non figuratives. Parmi eux figurent Hisao Domoto (1928-2013), Toshimitsu Imai (1928-2002) et Key Sato (1906-1978), trois univers très différents, reliés par une force créatrice unique, empreinte de calligraphie et de pensée extrême-orientale, où le geste et la matière sont au centre des recherches. Citons aussi Yasse Tabuchi (1921-2009), Kumi Sugaï (1919-1996) ou encore Akira Kito (1925-1994). Loin de leur culture et de la rigueur technique en vigueur dans leur pays, ils s’expriment librement et se confrontent à la tendance abstraite, créant des liens étroits avec des artistes, des institutions, des critiques d’art, en France, en Europe et aux États-Unis. Aujourd’hui, leurs œuvres sont conservées dans les plus grands musées, comme le Centre Pompidou, le National Museum of Modern Art de Tokyo, la Tate Gallery de Londres, le MoMA de New York...

Entre 70 000 et 90 000 €

1. Hisao Domoto -  C’est lors d’un premier séjour à Paris en 1952 que Domoto rompt avec la peinture japonaise classique, après avoir découvert le travail de Jean Dubuffet et Marino Marini. En 1955, il s’installe à Paris, à la Grande Chaumière dans l’atelier d’Henri Goetz, et se lie avec Sam Francis, Jean Paul Riopelle, Pierre Soulages et Zao Wou-Ki. Son œuvre se divise en plusieurs périodes : informelle dès 1957, sa peinture évolue à partir de 1965, où il se concentre sur des couleurs contrastées et des formes géométriques. Dans les années 1970, il s’oriente vers un néo-constructivisme. Représenté par la galerie Stadler de 1957 au début des années 1960, il est considéré comme l’une des figures du mouvement Gutai.

Louis & Sack, Paris-6e.

50 400 € (frais compris)

2. Toshimitsu Imai -  En quête de nouveauté, Imai arrive en 1952 à Paris où il étudie à l’Académie de la Grande Chaumière, puis à la Sorbonne. L’année suivante, sa première exposition personnelle à Paris est organisée à la Galerie 25, tandis qu’en 1955, il rencontre Michel Tapié, qui le présente à Rodolphe Stadler, principal galeriste qui promeut l’art informel. Cet art rompt avec toutes les notions antérieures d’ordre, de forme et de composition, en mettant l’accent non seulement sur le non-figuratif mais aussi sur le non-géométrique. À partir de ce moment, Imai se tourne de plus en plus vers l’abstraction.

Vendu chez Sotheby’s Milan,le 23 mai 2024.

Entre 50 000 et 70 000 €

3. Key Sato -  Key Sato est l’aîné des artistes japonais venus s’installer à Paris après la guerre. Après des études aux Beaux-Arts à Tokyo, il habite à Paris de 1930 à 1934, où il étudie à l’Académie Colarossi. Il revient dans la capitale française en 1952 et s’établit à la Cité Falguière. Très inspiré par la nature et le monde minéral, il donne naissance à des œuvres qui font allusion à l’univers géologique, dans lesquelles sa palette est composée de bruns, de noir, de terre, d’ocre, parfois de violet et de rouge. Aujourd’hui, il suscite un grand intérêt en Europe.

Louis & Sack, Paris-6e.

32 500 € (frais compris)

4. Yasse Tabuchi -  En 1950, une sélection d’œuvres du Salon de mai est présentée à Tokyo. Fasciné par la peinture d’avant-garde, Yasse Tabuchi décide de venir s’installer à Paris dès 1951. Il intègre l’Université de la Sorbonne et rencontre Pierre Alechinsky, Karel Appel, Corneille et Asger Jorn et Hans Hartung.En 1959, Tabuchi emménage dans le village de Vauhallan, dans l’Essonne, où il vivra et travaillera jusqu’à la fin de ses jours. Bien qu’ancré dans la peinture européenne, son style témoigne d’un univers original à la croisée des traditions orientale et occidentale. Il laisse une œuvre aux couleurs flamboyantes à travers laquelle il n’a cessé d’évoquer la nature.

Vendu chez Ader, le 25 octobre 2017.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°783 du 1 mars 2025, avec le titre suivant : 1950-1975 : les peintres japonais à Paris font bouger le marché

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