PARIS [30.11.16] - Le rapport parlementaire sur le marché de l’art, qui sera présenté publiquement cet après-midi, formule 28 propositions pour replacer la France dans la compétition internationale. Mais peu d’entre elles convainquent réellement.
Face au « déclin » de la place de Paris, les députés avaient promis au marché d’agir vite et fort, en organisant une mission d’information chargée de rédiger un rapport porteur de propositions clés. Le monde de l’art a été entendu, écouté, parfois suivi, mais il ne devrait pas pour autant être subjugué par les près de 200 pages de ce document.
Après l’enthousiasme d’usage lors de la constitution de la mission, un événement tragique a freiné les travaux, le décès de la députée Sophie Dessus (PS) le 3 mars 2016. Un hommage lui fut rendu à l’occasion de la présentation en commission du rapport le 16 novembre dernier. Le Président Michel Herbillon (LR) s’est donc adjoint, en avril, les services de Stéphane Travert (PS) en qualité de Rapporteur promettant d’offrir les premières pistes de réflexion au plus vite. Maintes fois reportée, la présentation publique des conclusions de la mission va se faire aujourd’hui, le 30 novembre 2016, la ministre de la Culture ayant seulement été auditionnée en début de mois.
Pour Stéphane Travert, le rapport présenté souhaite rompre « avec la logique fataliste qui voudrait que le marché en France soit condamné à un inexorable déclin, car, comme les travaux de la mission l’ont montré, si ce marché est aujourd’hui entravé par un certain nombre de handicaps fiscaux et administratifs, ces derniers ne sont pas cependant insurmontables ». Soit. Quelles pistes sont alors offertes au monde de l’art – terme plus adéquat que celui choisi de « marché » au regard de la place accordée aux institutions – par le rapport.
Le Journal des Arts a pu étudier les 28 propositions formulées. Certaines relèvent de l’invention de l’eau tiède, d’autres trahissent un manque de technicité sur certains sujets, quand, enfin, certaines illustrent sans fard le poids des lobbys.
Étudiant en détail le déclin de la place française dans le marché mondialisé des ventes aux enchères publiques, le rapport formule des propositions peu à la mesure de ce déclin : il faudrait mieux adapter « la formation des commissaires-priseurs aux enjeux commerciaux et aux exigences de maîtrise des techniques de gestion, de communication et de marketing » (no 10), encourager l’exploitation de toutes les potentialités des nouvelles technologies (no 11) et inciter le regroupement mono ou interprofessionnel (no 12). L’eau tiède frémit, lorsqu’il s’agit – deux ans après le rapport co-rédigé par Catherine Chadelat – d’imposer la mention de l’affiliation des experts à une compagnie dans les catalogues et d’imposer, ce que la loi prévoit déjà, une obligation d’assurance. Quant à la réforme proposée de la composition du Conseil des ventes volontaires, l’incompréhension est de mise face à sa nature d’autorité de régulation.
Les recommandations pour le premier marché sont du même tonneau : il faut soutenir nos artistes vivants, mais pas n’importe lesquels. De manière stupéfiante, le rapport propose d’étendre aux professionnels indépendants les dispositifs fiscaux favorisant l’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants, à condition que ces artistes soient adhérents de l'association La Maison des artistes et non pas à la sécurité sociale ! Autre proposition phare, celle d’aider à la financiarisation de l’art en permettant l’introduction des œuvres dans le dispositif des fonds communs de placement dans l’innovation, soient des OPCVM (Organismes de placement collectif en valeurs mobilières). Il ne s’agit plus d’acquérir, de collectionner, de soutenir, mais bien « d’investir dans l’art ». Enfin, modernité oblige, il serait nécessaire d’ouvrir des « clusters d’art contemporain », permettant à des jeunes entreprises de bénéficier de l’expérience des institutions culturelles locales.
Le rapport se fait surtout l’écho des craintes et des exaspérations des professionnels, avec ici une lucidité certaine sur leur réalité. Du handicap supposé du droit de suite, à la TVA à l’importation, de l’instabilité entourant l’imposition à l’ISF aux demandes de certificats CITES, de la peur du gendarme au manque de soutien à l’international des artistes français, le milieu a été entendu.
Si le document rédigé est sérieux sur la forme, s’appuyant sur de nombreuses études – dont celles publiées dans les colonnes du Journal des Arts -, le fond des propositions est bien décevant. Les soutiens financiers appelés de leurs vœux par les rédacteurs au profit de la scène artistique et marchande française paraissent illusoires au regard des contraintes budgétaires. Les pistes de réforme ne sont pas réellement innovantes. Mais pour qui souhaite bénéficier d’une image assez réaliste des enjeux contemporains du marché, la lecture de ce rapport n’est pas inutile.
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Marché de l’art, un rapport parlementaire peu inventif
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