Des monuments faits hommes : c’est cette impression souvent biaisée que fait résonner en nous l’évocation des artistes dont les œuvres marquent une époque.
Aussi, l’attrait parfois hypnotique de leurs réalisations et l’aura de la reconnaissance qui les entoure attisent l’intérêt des amateurs pour certaines anecdotes ou détails infimes de leur quotidien. On se demande si leur connaissance permettrait d’élucider un mystère, d’expliquer le cheminement qui aboutit à la création, la part humaine de cette mécanique, et de décrypter enfin l’horlogerie d’un choc émotionnel et parfois même social. L’œuvre produit comme un déséquilibre chez le spectateur qu’il cherchera par tous les moyens à rétablir ; mieux connaître l’intimité de son auteur participe de la quête de maîtrise qui unit d’un même jeu le fan, le collectionneur, l’amoureux… Mais au fond, en quoi reconnaître la vie d’un artiste derrière ses créations nous aiderait-il à mieux comprendre son approche, son effet ? La vie saurait-elle jamais être le reflet d’une œuvre ? Correspondance, 1950-1983 rassemble, en 115 lettres et cartes postales, la correspondance de Brassaï, le photographe, auteur et sculpteur et Roger Grenier, le journaliste et écrivain, sur la durée de leur amitié qui les unit pendant plus de trente ans [Gallimard, 2017, 216 p., 74 ill., 28 €]. Il s’en détache une forme de biographie intime qui, sans délaisser certaines réflexions sur la production, les affaires ou la réalisation, laisse la part belle aux sentiments humains exprimés de l’intérieur. C’est un peu de l’âme de Brassaï qui s’infuse. C’est un peu de leur histoire qui se transmet. Et si, par nature, chaque photographie capture un moment de vie, le condensé d’un instant, d’un endroit, d’un mouvement, d’un être et des pensées qui l’accompagnent, à chaque courrier, se tisse au présent le récit d’une existence faite de hauts faits et de petits tracas. Suivre à la lettre leurs échanges plonge le lecteur dans le portrait intime d’un homme d’art. Cependant, à la lecture des correspondances de Brassaï, nous connaîtrons mieux… les correspondances de Brassaï. Et le mystère de son œuvre demeurera préservé.
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L’être de l’artiste
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°705 du 1 octobre 2017, avec le titre suivant : L’être de l’artiste