GALERIES FRANÇAISES

Les galeries françaises jouent la sécurité

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 2 octobre 2024 - 1083 mots

Nombreux sont les marchands installés en France à exposer leurs valeurs sûres.

Paris. À un mois de l’ouverture d’Art Basel Paris au Grand Palais, plusieurs galeries parisiennes affinaient encore leur sélection. Cette indécision est pour partie liée au ralentissement du marché. Dans ce contexte, beaucoup privilégient les œuvres d’artistes confirmés, tout en se laissant la possibilité de faire un peu de place à un talent émergent.

Sans surprise, donc, les classiques auront la cote : comptez ainsi entre 500 000 et un million d’euros pour une belle pièce d’Arman ou de Niki de Saint Phalle chez Georges-Philippe et Nathalie Vallois. Portée par le regain d’intérêt pour les artistes Supports/ Surfaces, auquel elle a largement contribué, la galerie Ceysson & Bénétière continue pour sa part à creuser ce sillon, autour des figures de Pierre Buraglio et Claude Viallat, avec une peinture sur bâche de ce dernier (40 000 €). Thaddaeus Ropac mise aussi sur des œuvres historiques, de Georg Baselitz, Simon Hantaï, Sigmar Polke et Joan Snyder (de 800 000 à 7,3 M$).

La galerie Dvir place son accrochage sous les auspices de Marc Chagall, dont se sont inspirés quatre de ses artistes – Aysha E Arar, Sigalit Landau, Latifa Echakhch et Simon Fujiwara (de 10 000 à 130 000 euros). Les écarts de prix importants sont fréquents à l’intérieur d’un même stand, comme c’est aussi le cas pour la galerie Frank Elbaz : un tableautin de Kenjiro Okazaki pourra s’y acquérir pour 12 000 dollars, tandis qu’une grande œuvre textile de Sheila Hicks atteint 300 000 dollars, de même qu’une peinture graphique de Julije Knifer.

Pour autant que l’on dispose de suffisamment d’espace, la prudence n’est pas incompatible avec la fraîcheur. Perrotin vient ainsi avec un accrochage collectif d’œuvres récentes (de Jean-Marie Appriou, Bernard Frize, Takashi Murakami, Emily Mae Smith et Emma Webster), une nouvelle œuvre murale de Julian Charrière (dont l’exposition au Palais de Tokyo ouvre le 17 octobre), ainsi que des œuvres « conçues pour la foire » d’Iván Argote, Daniel Arsham, Laurent Grasso… alternant avec des peintures d’Hans Hartung et Pierre Soulages. Tandis que dans le cadre du parcours public de la foire, l’exposition « Hypercycle, Chapitre I : Scalène (1947-1962) » met à l’honneur à l’Hôtel de Sully le sculpteur britannique Lynn Chadwick (1914-2003) dont la galerie reprend la succession, et qu’elle expose au même moment dans le Marais.

La galerie Templon met quant à elle en avant des artistes travaillant en France : Abdelkader Benchamma (finaliste 2024 du prix Marcel Duchamp), mais aussi Philippe Cognée, Prune Nourry et Jeanne Vicérial, avec de nouvelles œuvres. Une grande toile de François Rouan (Innocent-Soir-Grigio, (1983-1984), proposée entre 200 000 et 250 000 euros, voisine avec un triptyque de Jim Dine (entre 350 000 et 400 000 €).

Si le portrait incandescent de Dalida (tête, 2023) par Nina Childress (galerie Art : Concept, 25 000 - 35 000 €) fait l’affiche d’Art Basel Paris, la présence des artistes de la scène hexagonale demeure en pointillés, à l’exception de quelques stands. « Comment mieux illustrer l’art conceptuel français qu’avec une toile libre de Michel Parmentier (15 février 1984, 350 000 €) », feint ainsi de s’interroger Hervé Loevenbruck, dont la galerie éponyme présente aussi des tableaux de Gilles Aillaud, de Philippe Mayaux et un buffet en chêne sculpté de Dewar & Gicquel (45 000 €). En guise de clin d’œil à la scène française, la méga-galerie Hauser & Wirth sort de ses réserves Numéro d’or (2021), un bronze de Barbara Chase-Riboud (1,9 million de dollars).

Côté balcons, on remarque sur le stand de Jousse Entreprise, l’installation de Jennifer Caubet. Sultana a déjà mis en avant à plusieurs reprises sur les foires la peinture de Matthias Garcia, diplômé des Beaux-Arts de Paris en 2020, dont les grands formats se vendent entre 15 000 et 20 000 euros. C’est environ le prix d’un tableau de Julien Des Monstiers (en solo au château de Chambord jusqu’au 3 novembre) chez Christophe Gaillard.

Plus étonnant, des artistes en milieu de carrière comme Xavier Veilhan demeurent en dessous de 50 000 euros (La Roulotte, 2018, entre 25 000 et 30 000 € à la galerie Andréhn Schiptjenko). Idem pour l’ensemble de Boris Achour, comprenant six photos encadrées et une veste brodée, présenté par la galerie Allen (Les femmes riches sont belles, 1996), laquelle panache des tableaux de Jacqueline de Jong, récemment disparue (entre 70 000 et 100 000 €) avec des œuvres de Tarek Lakhrissi, Trevor Yeung et Scott Covert (de 6 000 à 15 000 €). La galerie Sans titre, qui intègre le secteur principal, dédie son stand à trois artistes internationaux : Tanja Nis-Hansen (née en 1988 au Danemark), Jessy Razafimandimby (née en 1995 à Madagascar) et Agnes Scherer (née en 1985 en Allemagne).

Échos avec l’actualité

Les échos avec l’actualité institutionnelle parisienne sont particulièrement évidents dans les accrochages des galeries d’art moderne, comme celui de la galerie Applicat-Prazan qui se joint à la célébration du Surréalisme avec une sélection de chefs-d’œuvre d’Óscar Dominguez, Wifredo Lam, Roberto Matta et André Masson (de 180 000 à 2 M€). On admire aussi sur le stand de la galerie 1900-2000 un cadavre exquis, encre sur papier à quatre mains – Gala, Valentine Hugo, André Breton et Salvador Dalí (entre 50 000 et 100 000 €) et un panneau de Francis Picabia (Surimpression - Madone, 1936-38, entre 500 000 et 1 M€). La sélection de la galerie Tornabuoni Art, (notamment une grande Mappa d’Alighiero Boetti) fait écho à l’exposition que la Bourse de commerce dédie cet automne à l’Arte povera.

Les solos, comme celui que la galerie Cécile Fakhoury consacre au travail textile de Marie-Claire Messouma Manlanbien, sont rares. Celui que Christian Berst a prévu autour de la figure de Carlo Zinelli (dont « les prix n’ont pas encore explosé ») affirme la présence timide mais réelle de l’art brut sur Art Basel Paris. Enfin, on peut avoir une perception de la foire différente selon que l’on parcourra ses allées à l’ouverture ou le week-end, car le programme Oh La La ! encourage les réaccrochages. « Nous avons prévu des accrochages différents, explique ainsi Florence Bonnefous, de la galerie Air de Paris : très dépouillé à l’ouverture avec une sculpture de Flint Jamison, une grande Conversation Pieces de Joseph Grigely, une peinture des années 1960 de Dorothy Iannone (150 000 € )… et joyeusement rempli le week-end, avec trois petites peintures de la nouvelle coqueluche Emma McIntyre, et des pièces accrocheuses comme un néon de Shimabuku, ou un phallus géant en perles de verre de Bruno Pélassy (20 000 €). »

Art Basel Paris 2024,
du 16 au 20 octobre, Grand Palais, avenue Winston Churchill, 75008 Paris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°640 du 4 octobre 2024, avec le titre suivant : Les galeries françaises jouent la sécurité

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque