Impliqué dans une affaire de faux dans les années 1960, le tout premier musée de Miami Beach rouvre aujourd’hui ses portes en se consacrant à l’art contemporain.
Miami Beach. Derrière sa façade en plaques de corail, ses colonnes rectangulaires et ses bas-reliefs discrets, le bâtiment Art déco, que certains comparent à un temple maya, cache un secret inattendu. Conçu pour abriter la collection de maîtres classiques et modernes d’un certain John Bass (1891-1978), peintre raté ayant fait fortune à Wall Street, le Bass Museum fit dès son ouverture, en 1964, les gros titres des journaux de la Floride, et pour cause : soixante-dix-sept de ses pièces maîtresses étaient des faux. Parmi ceux-ci, Le Christ et la parabole de la femme adultère, un Vermeer que le célèbre faussaire néerlandais Han Van Meegeren réalisa et vendit au dirigeant nazi Hermann Goering. De facture médiocre, cette œuvre ne manqua pas d’attirer l’attention de quelques experts américains. Picasso aurait lui-même biffé sa signature et ajouté la mention « faux » sur la reproduction d’un tableau qu’on lui aurait attribué. Fermé afin d’y faire un peu de nettoyage, le Bass Museum rouvrit trois mois plus tard pour le plus grand bonheur de ses visiteurs, qui se souciaient peu de l’authenticité des œuvres. D’ailleurs, l’affaire des faux semble avoir été si bien étouffée qu’il est difficile d’en retrouver la trace dans les archives.
Passé l’entrée, à droite, trois mimes vêtus de blanc et de gants rose fuchsia tentent de reproduire quelques œuvres incontournables de la sculpture moderne, parmi lesquelles Le Nez d’Alberto Giacometti. Quoi de plus ironique que cette performance signée Davide Balula quand on connaît l’histoire du Bass ? À gauche s’étire un couloir jalonné de quelques installations, dont la projection de la vidéo Wonder Woman (1978-1979) de Dara Birnbaum, don récent. Tout au bout, se trouvent réunies les dernières acquisitions du musée, parmi lesquelles Dial-a-Poem, œuvre célèbre de John Giorno qu’a exposée le Palais de Tokyo dans le cadre d’une rétrospective montée par Ugo Rondinone. L’intégralité du premier étage est consacré à l’artiste suisse. Sa rétrospective s’ouvre sur Clock-Work for Oracles II, installation de 52 miroirs teintés, accrochés à un mur recouvert de journaux locaux. Dans la galerie voisine défilent les images inédites d’une vidéo que Rondinone aurait gardée pour lui pendant vingt ans. Enfin, les 45 clowns regroupés, dans la troisième salle, autour d’une ampoule géante suspendue, rappellent l’attitude désolée de ses trois nus en cire que la galerie Sadie Coles (Londres) présentait, cette année même, à la Fiac.
Contrairement à Ugo Rondinone, Pascale Marthine Tayou a, lui, choisi de dialoguer avec les collections de John Bass, dont il reste aujourd’hui près de 1 500 pièces. Les fresques de craies colorées du plasticien camerounais, ses totems et ses masques africains détournés sont confrontés à un sarcophage égyptien, un retable du XVe siècle, une tapisserie, et des œuvres d’Hyacinthe Rigaud, de Jacob Jordaens, du Greco ou d’Antoine van Dyck, tableaux dont on ne peut s’empêcher de penser qu’ils sont peut-être faux.
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Le Bass Museum se refait une image
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Abonnez-vous dès 1 €Vue du Bass Museum et de l'œuvre de Sylvie Fleury, Eternity Now, 2015 © Photo Zachary Balber
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°488 du 3 novembre 2017, avec le titre suivant : Le Bass Museum se refait une image