L’art contemporain s’affiche

Si l’affiche est le support de prédilection des plus grands designers graphiques, elle l’est aussi de nombreux artistes contemporains qui voient dans ce medium l’occasion de démocratiser leur travail. Suite à l’acquisition d’un ensemble de vingt-cinq affiches réalisées lors de la manifestation havraise « Une saison graphique », le Frac Normandie Rouen retrace l’histoire récente du poster d’artiste en accueillant, outre ses propres collections, celles du Frac Île-de-France et du Centre national des arts plastiques. Tour à tour politique, conceptuelle ou esthétique, l’affiche déjoue les codes du marché de l’art en étant la plupart du temps en libre distribution. Œuvre emblématique de l’exposition, l’installation de Félix González-Torres souligne l’intérêt précurseur de l’artiste dès 1989 pour cette forme d’expression. Une pile d’affiches rouges sur lesquelles sont inscrits les mots « Himmler », « Hate » (Haine), « Hole » (Trou) et « Helms » font le parallèle entre l’officier nazi Himmler et la politique du sénateur américain. En prenant une affiche avec lui, le visiteur emporte une partie de l’œuvre et diffuse le message contestataire de l’artiste hors des circuits fermés du musée. Sur le même principe de libre propagation, la documentation de Céline Duval propose au spectateur de repartir avec une affiche tirée de photographies anonymes. Mais, si le poster est disponible gratuitement, il peut aussi, et c’est tout l’intérêt de ce support, se changer en sculpture lorsqu’il est empilé et découpé comme chez Laurent Sfar ou accéder au statut d’œuvre d’art unique lorsque un artiste comme Rodney Graham décide de le signer.