Art contemporain

La rue Dénoyez vidée de ses artistes

Par Margot Boutges · lejournaldesarts.fr

Le 1 avril 2015 - 692 mots

PARIS [01.04.15] - Les associations d'artistes qui occupent la rue Dénoyez, paradis du street art, ont été contraintes de quitter leurs ateliers hier. Ces derniers devront laisser place à des logements sociaux et une crèche.

Le 31 mars 2015, des représentants de la mairie du XXe arrondissement et de la Siemp (société immobilière d'économie mixte de la Ville de Paris) se sont rendus rue Dénoyez, petite artère bellevilloise, pour murer quatre ateliers d'artistes après en avoir récupéré les clefs. Les artistes des associations Frichez nous la paix, La maison de la plage, Hors champs et T.R.A.C.E.S avaient en effet jusqu'au dernier jour de mars pour déménager.

Les petites habitations délabrées qui vont du 18 bis au 22 bis de la rue Dénoyez devaient en effet être vidées de leurs locataires pour édifier, après démolition, un ensemble immobilier comportant des logements sociaux et une crèche. Le projet était dans les tuyaux de la Ville depuis longtemps. Signataires d'une convention d'occupation précaire -parfois depuis plus de dix ans- les associations d'artistes bénéficiaient de la jouissance des lieux pour un loyer modique (environ 200 euros par mois) en échange de la promesse de quitter les lieux quand le projet d'ensemble immobilier souhaité par la Ville verrait le jour.

Image retirée.Ce jour est arrivé. Les travaux de sondage doivent commencer dès le 1er avril, en attendant le dépôt du permis de construire. Au milieu de la Rue Dénoyez, où se sont rassemblés artistes, riverains et habitués des lieux en ce jour d'au revoir, l'ambiance est électrique. Si certains ateliers ne protestent pas à l'idée de quitter ce petit bout de Belleville – ainsi La maison de la plage qui considère « avoir longtemps bénéficié de la générosité de la ville de Paris et ne pas vouloir contester l'élévation d'équipement sociaux » - d'autres, tels que l'association Hors Champs, s'opposent vivement à ce déménagement forcé, soutenus par plusieurs riverains. « La présence des artistes a servi à tisser du lien social et à donner à la rue son caractère si particulier », explique le riverain Cédric Borderie, qui a ouvert la pétition « Sauvons la rue Dénoyez » qui a récolté plus de 9000 signataires.

Car c'est plus généralement la préservation de l'identité de la rue Dénoyez qui inquiète les amoureux du lieu. Si les bâtiments promis à la démolition ne possèdent guère d'intérêt architectural, la petite artère presque piétonne est devenue depuis une dizaine d'année le paradis du street art, au point d'être référencée comme telle dans les guides touristiques. Encouragés par les associations d'artistes -en particulier la doyenne Frichez nous la paix- les graffeurs de tout horizon viennent chaque jour apposer de nouvelles couleurs sur les murs et devantures. La ville de Paris assure aujourd'hui vouloir préserver l'identité artistique de la rue. « Le mur qui fait face aux ateliers continuera d'être dédié au graff, tout comme les numéros 24 et 26 de la rue », explique Chloé Dubost, chef de projet à la Siemp, reconnaissant cependant que la pratique devrait sans doute être limitée aux heures de fermeture de la crèche en raison de la nocivité des bombes aérosols. Une pratique réglementée du street art qui viendrait rompre avec la liberté de graffer qui s'est imposée dans la rue depuis que la Ville -de guerre lasse- a renoncé à faire effacer les murs.

Pour les ateliers, l'heure est à la question du relogement. La maison de la plage a trouvé un point de chute dans le 19e arrondissement -pour un prix bien moins attractif que celui qu'elle payait jusqu'alors- et Frichez nous la paix caresse l'espoir de bénéficier d'un bail associatif au numéro 16 de la rue Dénoyez, dans un local qu'un des membres de l'association occupait jusqu'ici gracieusement. Traces et Hors-champs se retrouvent quant à eux sans toit. « Trop chers », « trop petits », « insalubres »... les propositions de relogement qui leur ont été fait par la mairie d'arrondissement n'ont pas été acceptées. Hors champs a déménagé son matériel dans des caves, mises à disposition par des voisins. Quant à l'association T.R.A.C.E.S dont l'atelier déborde encore de matériel, elle a refusé de rendre ses clefs, s'exposant ainsi à une procédure d'expulsion.

Légendes photos

Devanture de l'atelier Frichez nous la paix en train d'être murée le 31 mars
Vue de la rue Dénoyez au 31 mars 2015
Graffeur en action le 28 mars dans la de la rue Dénoyez, Paris 20e
Photos Margot Boutges pour Le Journal des Arts

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