La culture de la truffe italienne, candidate au patrimoine de l'Unesco

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 21 octobre 2016 - 665 mots

ALBA (ITALIE) [21.10.16] - \"Dora, par ici, par ici!\" Chaque nuit d'automne, Giovanni Sacchetto part avec sa chienne à la recherche de la truffe blanche d'Alba, dans le Piémont italien. Une chasse à la lueur de la lune pour un champignon au parfum inégalable qui s'échange à prix d'or.

"Ce n'est pas un travail, c'est une passion, une vraie maladie. Je peux aller me coucher à 23H00, et à 03H00, je suis déjà réveillé pour partir. Ce n'est pas pour l'argent. J'ai ça à l'intérieur", explique Giovanni aux premières heures du matin. "La truffe c'est très beau parce que c'est mystérieux. On ne sait jamais où elle se trouve. Jamais", insiste-t-il. A ses côtés dans la brume, Dora, neuf ans, chien d'eau romagnol, une race connue pour son incroyable odorat. "Pour le chercheur de truffes, son chien, c'est quelque chose d'indescriptible!", sourit Giovanni. L'odorat du chien s'éduque, jeune, en cachant du gorgonzola sous terre, puis une vraie truffe. Quand l'animal a repéré le parfum du champignon, il "marque" l'endroit et le mouvement de sa queue s'accélère. Le truffier doit alors gratter pour trouver la pépite, cachée le plus souvent de 10 à 30 cm sous le sol. Pour le chien, c'est avant tout "un jeu", qui exige une récompense: biscotte, croquette ou pain dur.

Ecosystème singulier
Giovanni a commencé avec son grand-père à 14 ans, d'abord "à cause de la faim" -et donc pour gagner de l'argent- car à la campagne il n'y avait rien, avant que la passion ne le prenne. "Cela fait 50 ans que je cherche des truffes, je connais tous les plants, tous les sentiers", dit le truffier qui préserve jalousement ses "lieux secrets". "A une époque il y avait beaucoup plus" de truffes, mais certains plants ont été coupés et d'autres, avec la pollution, ne produisent plus. Face à ce constat, une campagne de financement participatif à hauteur de 50.000 euros a été lancée pour sauvegarder l'écosystème singulier des terrains truffiers de la région.

Autrefois bien entretenus, les bois sont désormais "plus dans une situation d'abandon", explique le président du Centre national d'étude des truffes, Antonio Degiacomi. "Il y a beaucoup de plantes grimpantes, qui entrent en compétition" avec les plants truffiers. "Il n'y a pas de menace imminente mais (...) il faut être pro-actif", insiste-t-il en soulignant l'importance de "nettoyer les terrains, de planter de nouveaux plants", même si le fait que les chasseurs de truffes ne sont souvent pas les propriétaires des terrains complique les choses.

Au total, l'Italie compte 200.000 truffiers, tout type de champignon confondu, dont 4.000 dans le Piémont, où se trouve Alba. Depuis 86 ans, cette ville de 30.000 habitants accueille chaque année pendant presque deux mois une "grande foire à la truffe blanche", qui attire des milliers de visiteurs, y compris étrangers.

La plus parfumée
Cette année, le prix de la truffe blanche d'Alba oscille entre 3 et 4.000 euros le kilo à la Fiera, qui dure jusqu'au 27 novembre. "Sa particularité est la légèreté incomparable de ses arômes et son élégance", souligne Matteo Baronetto, chef du restaurant "Del cambio" à Turin. "La truffe est comme le vin, chaque zone a son parfum" et celle d'Alba est "la plus parfumée", assure Giovanni Sacchetto.

Dans le Piémont, la saison court du 21 septembre au 31 janvier. Le champignon, composée à 82% d'eau, a besoin de pluie et de froid. "Plus il fait froid, meilleure est la truffe", note le truffier.

L'Italie compte 25 espèces de truffes, qui génèrent un chiffre d'affaires annuel estimé à 400 millions d'euros. Et 99% de la truffe blanche de qualité vendue dans le monde vient de la péninsule.

Alors que la truffe et sa récolte donnent lieu à une tradition et des secrets préservés même au sein des familles, l'Italie a demandé le classement de cette culture au patrimoine immatériel de l'humanité de l'Unesco. Car selon elle, au-delà son "inestimable valeur", la truffe est "le symbole des relations entre l'homme, la nature, les animaux et la tradition".

Par Céline CORNU
 
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