Le Journal des Arts : Quel bilan tirez-vous de la politique culturelle des cinq années qui viennent de s’écouler ?
Nicolas Dupont-Aignan : Ce bilan n’est pas brillant et n’est pas à la hauteur de la France. Nous avons toujours été un pays doté d’un capital culturel fort. Pourtant, aujourd’hui, la culture semble avoir été relayée au rang de détail par le gouvernement. Les plans de rigueur que promettent le MoDem, l’UMP et le PS ne vont rien arranger.
La culture est un bien immatériel, difficile à évaluer pour les financiers qui orientent la plupart des décisions politiques actuelles. La loi Hadopi, par exemple, constitue un bel exemple d’aveuglement et d’injustice, d’une rare hypocrisie et d’un total anachronisme.
Le gouvernement actuel freine la diffusion de la culture pour répondre aux exigences de la finance. Alors qu’il serait facile de rémunérer les artistes grâce aux abonnements Internet, les maisons de disques tentent de préserver leurs privilèges en continuant à vendre des dizaines d’euros des disques qui ne leur coûtent que quelques centimes.
Au lieu de faire la promotion d’un Internet neutre, propre à faire de notre pays un leader dans ce domaine technologique, nous régressons sous la pression des moines copistes graveurs de DVD et de CD, qui sont de toutes les façons condamnés par l’Histoire à occuper une place marginale dans la diffusion de la culture.
Notre pays a pourtant des atouts incroyables, notamment parce que les FAI [fournisseurs d’accès à Internet] français prennent une marge un peu plus faible qu’ailleurs, démocratisant ainsi l’accès à Internet. Avec 25 % des créations d’emploi depuis 1995, Internet est aujourd’hui le premier facteur d’emploi en France. Et, alors que la finance débridée est en train de détruire l’économie réelle, on cible une fois de plus Internet, alors qu’il est un moteur de notre croissance.
Avec les lois de type Hadopi 1-2 et Loppsi 2, l’accumulation des taxes sur les FAI, la stigmatisation d’Internet au moindre fait divers sordide, nos dirigeants insultent l’avenir qu’ils sont pourtant censés préparer. Il est d’ailleurs assez singulier de constater que ce sont ceux qui crient au fascisme dès que l’on ose parler de protectionnisme – mécanisme qui vise à corriger les effets néfastes du libre-échange – qui dans le même temps érigent dans le domaine numérique des murailles aux effets bien plus pervers sur les libertés que de simples droits de douanes dans le domaine commercial ! En effet, du point de vue des libertés individuelles, le dispositif que nous prépare Hadopi 3 a déjà été testé avec « succès » par une entreprise française (Amesys) dans la Libye de M. Kadhafi, juste avant la chute de ce dernier. Il permettait aux services de renseignements libyens d’analyser le trafic de l’Internet de leur pays afin de détecter, non pas de simples téléchargements de films ou de MP3, mais bien de débusquer les opposants en fouillant dans les courriels, dans les habitudes de surf sur le Web, etc. Malheureusement avec Hadopi 3, la « France d’après » risque bien de ressembler à la Libye d’hier !
JdA : Allez-vous modifier le périmètre et les missions du ministère de la Culture ?
N. D.-A. : Stricto sensu, le périmètre et les missions du ministère sont conformes à une certaine idée que je me fais de la culture française. Toutefois, certains aménagements sont à revoir. Il est d’une grande importance que la culture, focalisée sur Paris, soit diffusée plus amplement sur tout le territoire. Les services territoriaux de l’architecture et du patrimoine (STAP), créés à la suite de la révision générale des politiques publiques, ont montré leur insuffisance et leur incapacité à coordonner leurs actions avec les organismes régionaux. Les échelons déconcentrés devront être restructurés.
JdA : Si vous êtes élu, allez-vous diminuer, conserver ou augmenter, et dans quelles proportions, le budget de mission « Culture ». Dans cette dernière hypothèse comment allez-vous financer cette augmentation ?
Avez-vous prévu de lancer la construction d’un ou de plusieurs grands équipements culturels au cours de votre quinquennat ? Si oui, comment allez-vous la financer ?
N. D.-A. : Le ministère de la Culture doit être financé à la hauteur des ambitions de la France. La culture telle que je l’envisage est avant tout placée sous le signe de la démocratisation, et de l’exportation. Il est pour cela de la plus haute importance que toutes les villes de plus de 20 000 habitants soient équipées de tous les équipements nécessaires à l’enrichissement individuel.
C’est à cette fin que je milite pour que la France recouvre sa liberté monétaire, et qu’elle utilise la Banque de France pour financer (à 0 %) les grands chantiers qui feront la France de demain.
JdA : Allez-vous maintenir la Maison de l’histoire de France ?
N. D.-A. : L’idée originelle est légitime, mais sa concrétisation n’est pas exempte de dérives. J’encourage l’idée de présenter l’histoire de notre nation, mais il revient aux historiens de s’en charger. Comme les médias, la recherche scientifique doit conserver l’autonomie nécessaire à la qualité de son travail.
JdA : Quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour rendre la culture plus accessible à ceux qui en sont éloignés ?
N. D.-A. : C’est à l’État central que revient la tâche de piloter l’action publique territoriale. Ce sera donc au ministère de planifier et de répartir équitablement sur le territoire les grands équipements culturels. Ensuite, comme je l’ai précisé plus haut, notre époque profite d’un outil formidable qu’il faut libérer : Internet.
JdA : Quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour favoriser l’enseignement de l’histoire de l’art dans les lycées et collèges ?
N. D.-A. : Malheureusement aujourd’hui, un élève de 15 ans sur cinq a des difficultés de lecture. Je vous dirais alors en toute sincérité que la priorité revient à l’enseignement des matières fondamentales. Toutefois, l’enseignement de l’histoire ne doit pas être séparé de l’histoire de l’art, qui en est partie intégrante. De ce fait, il me semble que l’histoire de l’art doit devenir une matière optionnelle, mais que l’enseignement de l’histoire aborde l’art de manière récurrente.
JdA : Comment augmenter la notoriété internationale de nos artistes contemporains ?
N. D.-A. : Pour cela, il faut permettre à la culture française d’exister !
On me demande souvent quelle serait la première loi que je ferais voter si j’étais élu. Je réponds que je rétablirais un protectionnisme sélectif et intelligent. C’est exactement ce qui existe encore en France au sujet de la culture. Ainsi, je maintiendrais le prix unique du livre et les droits d’auteur seront conservés par la France, malgré leurs incessantes remises en question par l’UE [Union européenne]. En effet, cette loi est souvent qualifiée de mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative interdite par l’article 30 du traité instituant la Communauté européenne, autrement dit une politique protectionniste interdite par l’UE. Mais c’est grâce à ce protectionnisme intelligent que vivent et prospèrent encore le cinéma et la chanson française. Il me paraît donc impératif de protéger l’art national pour ensuite lui permettre de prospérer à l’étranger.
JdA : Comment encourager les collectionneurs ?
N. D.-A. : Les collectionneurs enrichissent le patrimoine français. De nombreuses rumeurs prétendent que certains groupes parlementaires désireraient inclure les objets d’art dans l’ISF [impôt de solidarité sur la fortune]. Pour le coût que génèrent leur entretien et leur sécurité, ainsi que pour des raisons concernant la protection du patrimoine historique et culturel national, je ne suis pas partisan d’inclure les objets d’art dans l’ISF.
JdA : Quels sont vos goûts particuliers concernant les arts ?
N. D.-A. : Maire d’Yerres, ville qui a vu grandir le jeune Gustave Caillebotte (dans une magnifique propriété préservée et ouverte au public) et lui a inspiré quelques-uns de ses chefs-d’œuvre, j’admets volontiers une inclination pour la peinture impressionniste. C’est dans cet esprit que je me bats pour que Yerres devienne un pôle culturel francilien reconnu. J’y travaille depuis des années, notamment avec des musées et fondations. Mais je m’intéresse aussi à l’art contemporain, que je veille à promouvoir à travers une biennale de la sculpture, qui réunit dans la propriété Caillebotte les œuvres de dizaines de maîtres.
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Réponses de Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République)
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°367 du 13 avril 2012, avec le titre suivant : Réponses de Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République)