2012 est l’« Année Jean-Michel Sanejouand en Pays de la Loire. » Pour lancer les « festivités », le Frac (Fonds régional d’art contemporain) propose dans ses locaux de Carquefou et à la Hab Galerie à Nantes un remarquable survol rétrospectif d’une œuvre oscillant en permanence entre peinture et sculpture.
Frédéric Bonnet : Cette double exposition montre une préoccupation pour l’espace qui traverse nombre de vos séries d’œuvres…
Jean-Michel Sanejouand : Il y a une obsession personnelle évidente, mais je crois aussi qu’on peut imaginer un espace sans rien dedans, le ciel par exemple, mais qu’on ne peut pas imaginer le contraire ; on ne peut pas imaginer une forme sans espace – à l’inverse d’un espace sans formes. C’est donc en fin de compte un problème de logique qui m’a amené à cet espace, et pas seulement une obsession.
F. B. : Dans la série des « Organisations d’espaces » (réalisée depuis 1967), il est question de la révélation d’un espace mais aussi de sa modification.
J.-M. S. : Effectivement il y a des modifications, mais celles-ci peuvent se faire dans un sens comme dans un autre. Le but est de révéler cet espace, soit en le contredisant soit en allant dans son sens ; cela dépend de l’espace abordé.
F. B. : Dans les dessins « Espaces critiques » (2006-2007) ou un diptyque intitulé Tricuspide (2004), vous remettez votre travail en scène en y faisant figurer des œuvres anciennes…
J.-M. S. : Il y a là une part d’humour, mais plusieurs déplacements ont eu lieu aussi dans mon travail. Dans le dernier en date, il y a plus de vingt ans, le centre de l’œuvre est devenu la sculpture. Et autour de cette sculpture, un paysage était à inventer car la sculpture ne permet pas de s’installer n’importe où, comme d’ailleurs dans les « Organisations d’espaces ». Je me suis servi de la peinture pour montrer en quelque sorte où pourraient, et dans l’espace et dans le temps, se situer les sculptures dans un paysage, un pseudo-paysage ou une indication de paysage.
F. B. : Votre série des « Espaces-Peintures » (1978-1987) participe-t-elle de cette réflexion ?
J.-M. S. : Oui, car ne parvenant pas à réaliser des « Organisations d’espaces » facilement, tant sous l’angle de l’organisation que de ce que cela pouvait coûter, je me suis mis à inventer des peintures qui me permettaient d’organiser des espaces : les « Espaces-Peintures ». Par exemple, une route qu’on voudrait peindre en rouge, vous n’aurez ni l’autorisation ni les possibilités de le faire, mais vous pouvez le peindre par contre. Je me suis mis à aborder la peinture, ce médium que je croyais complètement dépassé, au moment des « Charges-Objets ». J’ai été obligé de revoir cette idée et la peinture a pris à ce moment-là plus d’importance.
F. B. : À propos des « Charges-Objets » (1963-1967), s’agissait-il pour vous de repenser l’espace de la peinture et le territoire de l’abstraction ?
J.-M. S. : Cela dépend lesquels. Il y avait à l’époque une certaine peinture et une certaine abstraction qui se manifestaient aux États-Unis à travers l’art minimal. Ce mouvement m’interrogeait et en même temps me hérissait le poil car il était à mes yeux profondément puritain. Je pouvais donc reprendre cette peinture à condition de m’en moquer, de prendre mes distances, de faire volontairement « mal » ce minimal, et aussi avec un matériau que n’auraient probablement pas utilisé ces artistes, qui eux le faisaient bien. Mais au-delà d’une critique de l’art abstrait, ce qui m’intéressait le plus dans les « Charges-Objets », c’était la manière dont ils perturbaient l’espace et non pas eux-mêmes en tant qu’objets.
F. B. : Ces œuvres apparaissent comme une anticipation des recherches de Supports-Surfaces. La question du support même de la peinture a-t-elle été essentielle dans votre démarche ?
J.-M. S. : Concrètement, j’avais fait avant cela quelques peintures abstraites qui ne convenaient pas du tout et dont j’ai récupéré les châssis sur lesquels j’ai tendu n’importe quoi : linoléums, toiles de bâche, etc. Je ne suis pas allé voir les gens de Supports-Surfaces car il y avait un problème de concordance de dates. J’étais déjà préoccupé par les « Organisations d’espaces » lorsqu’ils ont commencé. Je ne pouvais donc pas dire « oui mais moi je l’ai fait avant ! », cela ne m’intéressait pas tellement.
Jusqu’au 6 mai, Frac des Pays de la Loire, La Fleuriaye, 44470 Carquefou, tél. 02 28 01 50 00, www.fracdespaysdelaloire.com, tlj sauf lundi-mardi 14h-18h ; jusqu’au 29 avril, Hab Galerie, 21, quai des Antilles, 44200 Nantes, tlj sauf lundi-mardi 13h30-18h30. Catalogue à paraître.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Jean-Michel Sanejouand : « On ne peut imaginer une forme sans espace »
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €En savoir plus sur les expositions de Jean-Michel Sanejouand à Carquefou et à Nantes
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°367 du 13 avril 2012, avec le titre suivant : Jean-Michel Sanejouand : « On ne peut imaginer une forme sans espace »