Avec un commerce convenable et de sages propositions, Art Basel Miami Beach a donné l’image d’une foire en temps de crise.
MIAMI BEACH (FLORIDE) - « Ce n’est pas un désastre mais ce n’est pas fabuleux ! », lançait au soir du deuxième jour de la foire Art Basel Miami Beach une importante galeriste new-yorkaise ayant pourtant pignon sur rue. Le marché de l’art a beau continuer d’afficher une santé insolente, il convient de relativiser l’argument en le réservant aux grandes ventes aux enchères et à une poignée de grosses enseignes ; il ne peut être généralisé à l’ensemble des galeries, dont beaucoup connaissent des difficultés. L’annonce, il y a quelques semaines, de la fermeture à la fin de l’année de Taxter & Spengemann (New York) l’a cruellement rappelé, tout comme leur double page figurant dans le catalogue avant qu’ils ne déclinent finalement leur participation.
Stand en miroir
Réunissant quelque 260 participants, dont un contingent de vingt-deux Français, Art Basel Miami Beach, qui s’est tenue du 1er au 4 décembre, a célébré sa dixième édition sans tambours ni trompettes, en offrant l’image prudente d’un salon dans une période incertaine ; une prudence dans le commerce tout comme dans les propositions effectuées sur les stands. Si, comme sur n’importe quelle foire, certains, bien que plus rares cette fois, se félicitaient de ventes importantes tandis que d’autres faisaient grise mine, les marchands tendaient généralement à trouver le temps long et le rythme des transactions poussif ; en bref, beaucoup jugeaient l’activité moyenne. Finies les ruées hystériques, les collectionneurs ont pris leur temps.
Or un niveau moyen se dégageait également des allées, que l’on a connues autrement plus flamboyantes et énergiques au même endroit. Bien peu nombreux furent en effet les participants à avoir fait l’effort de propositions audacieuses. Parmi les réussites, on relevait la confrontation opérée chez Gavin Brown’s Enterprise (New York) entre les masses informes de Hans Josephson et les monochromes ironiques de Rob Pruitt, ou le beau stand commun de Peter Freeman, Inc (New York) et Nelson-Freeman (Paris), entièrement conçu en miroir ; une vitre de Michael Heizer de 1974 en position centrale, les deux moitiés se montraient symétriques avec des œuvres se répondant de chaque côté pour un même artiste. Yvon Lambert (Paris) n’a pas craint l’aventure du solo show avec une belle proposition de Carlos Amorales pensée autour d’une douzaine de grands tableaux. David Zwirner (New York) donnait à voir, lui, un petit cabinet avec des peintures et des dioramas de Marcel Dzama.
Parmi les belles œuvres se détachaient notamment un exceptionnel Miró de 1973 peint sur un tissage de cordes chez Helly Nahmad (New York), un immense Frank Stella de 1968 long de 9 mètres chez Edward Tyler Nahem (New York), un beau Christopher Wool à motifs floraux (1994) chez Xavier Hufkens (Bruxelles) ou encore une toile de Dan Colen chez Massimo De Carlo (Milan, Londres). Si le niveau d’ensemble de la section principale s’est révélé satisfaisant, les accrochages manquaient pour la plupart du temps de relief, jouant la sagesse, refusant la prise de risque.
Projets « curatés »
Il fallait se rendre dans les deux sections « jeunes » pour trouver du souffle. Globalement décevante l’an dernier, « Art Positions », dévolue aux artistes émergents à qui sont consacrés des projets monographiques, a inversé la tendance. Le Mexicain Marco Rountree, avec ses livres dépliés chez Travesía Cuatro (Madrid), et Jessica Warboys, apportant un projet mêlant film, peintures et objets chez Gaudel de Stampa (Paris), y faisaient bonne figure. De même que l’installation évoquant des instruments de musique mais dépourvue de son d’Otavio Schipper chez Anita Schwartz (Rio de Janeiro) et les machines improbables d’Icaro Zorbar présentées par Casas Riegner (Bogotá).
Avec ses 42 participants, la section « Art Nova » était elle aussi traversée d’une belle énergie, même si enclavée dans un coin du salon que certains galeristes jugeaient d’accès malaisé. Nombre d’enseignes y ont fait là état de projets « curatés » et bien conçus. Carl Freedman (Londres) mêlait ainsi des tableaux en aluminium incisés par Thilo Heinzmann et des plaques de plâtre assemblées d’Armando Andrade Tudela, tandis que Untitled (New York) offrait une structure labyrinthique conçue par Brendan Fowler, où se révélaient ses pièces photographiques et des travaux de Matthew Chambers. En tous points remarquable, le stand de Meessen De Clercq (Bruxelles) réunissait avec Claudio Parmiggiani, Ignasi Aballí et Sofia Hultén trois générations d’artistes réfléchissant sur la poussière : une méditation pour un temps de crise ?
Codirecteurs : Annette Schönholzer et Marc Spiegler
Nombre de visiteurs : 50 000
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Miami en demi-teinte
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°359 du 16 décembre 2011, avec le titre suivant : Miami en demi-teinte