Vol

Un incroyable butin

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 31 mai 2002 - 565 mots

STRASBOURG

Quelque 239 œuvres anciennes volées en six ans dans sept pays européens dont la France, pour un ensemble estimé à deux milliards d’euros, c’est l’incroyable butin d’un Français dénommé Stéphane Breitwieser, interpellé en Suisse en novembre dernier. Au moins une soixantaine de tableaux ne seront hélas jamais récupérés.

STRASBOURG - L’histoire pourrait faire rêver les amateurs d’Arsène Lupin et autres “gentlemen cambrioleurs”, si une partie importante des œuvres volées n’avait été détruite. Sur les 239 œuvres dérobées par Stéphane Breitwieser pendant six ans dans les musées, châteaux, résidences particulières et même salles de ventes d’Europe, seules 110 ont été retrouvées dans le canal Rhin-Rhône, où la mère du malfaiteur les avaient jetées. Le reste, notamment des toiles de maîtres, aurait été détruit par cette dernière.

Arrêté à Tribschen, près de Lucerne en novembre dernier, Stéphane Breitwieser, un jeune Alsacien originaire d’Eschentzwiller, près de Mulhouse, a révélé à la police l’ampleur de ses délits. Victime d’une passion “maladive”, cet “amateur éclairé, particulièrement friand de toiles de maîtres flamands”, pour reprendre les termes des magistrats, s’est mué en cambrioleur de choc. Ses premiers délits remontent à 1995 et jusqu’à son interpellation, il ne s’était jamais fait surprendre. Il a reconnu 239 vols dans sept pays européens (France, Allemagne, Belgique, Luxembourg, Danemark, Pays-Bas et Suisse), et agissait avec une “simplicité déconcertante”, selon les enquêteurs. Le jeune homme prenait les “objets là où ils se trouvaient”, les tableaux étant “dévissés ou découpés dans leur cadre soigneusement”, avant d’être cachés sous son pardessus ou dans un sac. Outre une soixantaine de toiles, il a fait main basse sur des objets de culte, montres de gousset, cruches, livres anciens ou une tapisserie des Gobelins… Beaucoup de ces œuvres étaient fabriquées dans des métaux précieux, comme deux coupelles sur pied en argent et vermeil, datant de 1619 et provenant de Gumoens en Belgique, retrouvées parmi les pièces repêchées dans le canal Rhin-Rhône.

Les objets sauvés des eaux ont été rassemblés au Musée d’Unterlinden à Colmar et pris en charge par des experts afin d’être restitués dans le meilleur état possible. Leur valeur est estimée à 10 millions d’euros. Parmi les toiles volées, et irrémédiablement détruites, figureraient La Princesse de Clèves de Lucas Cranach, dérobée à Baden-Baden en 1995 lors d’une vente organisée par Sotheby’s, La Fraude profite à son maître de Pieter Bruegel le Jeune, volée à Anvers en 1997, Deux hommes, une sanguine d’Antoine Watteau subtilisée au Musée de Montpellier en 1999, Le Pâtre endormi, de François Boucher dérobé en 1996 au Musée de Blois tout comme Madeleine de France, reine d’Écosse de Corneille de La Haye.

Nombre de tableaux étaient “inestimables”, selon les autorités judiciaires, et des sources proches de l’enquête évoquent une estimation globale pouvant aller jusqu’à deux milliards d’euros, un montant jugé probable par des professionnels du marché de l’art. Une liste détaillée des œuvres volées a été établie sur la base des déclarations de Stéphane Breitwieser, jugées très crédibles, mais elle ne peut être rendue publique à ce stade de l’enquête. Le malfaiteur est actuellement détenu en Suisse où il sera jugé avant d’être extradé vers la France. Sa mère a été mise en examen pour “recel de vols par habitude” et écrouée à Strasbourg. Elle pourrait également être poursuivie pour destruction d’œuvres d’art. Accusée par le malfaiteur d’avoir fait le guet pendant les vols, son ancienne amie, Anne-Catherine Kleinklauss, nie en revanche toute participation aux vols.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°150 du 31 mai 2002, avec le titre suivant : Un incroyable butin

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