Le tribunal de grande instance de Paris a donné raison à l’artiste Marina Abramovic contre le réalisateur Pierre Coulibeuf.
PARIS - Au terme d’une procédure de deux ans, le réalisateur Pierre Coulibeuf a été condamné, le 3 décembre, par le tribunal de grande instance de Paris, pour contrefaçon du droit d’auteur au préjudice de l’artiste serbe Marina Abramovic (née en 1946). Rappel des faits. En 1995, le réalisateur et la société Regards Productions proposent à Abramovic de produire une adaptation audiovisuelle de son œuvre intitulée Biography, performance scénique créée trois ans plus tôt. Cette rencontre débouche sur un film de quarante-cinq minutes intitulé The Star, exclusivement dédié à une diffusion télévisuelle. Or, d’après l’artiste, Coulibeuf a ignoré les consignes que celle-ci lui avait transmises et dénaturé son œuvre. Il aurait, de surcroît, réalisé et exploité sans son autorisation une version cinématographique baptisée Balkan Baroque, un libellé emprunté à l’une de ses performances. Enfin, une troisième version prenant la forme d’une installation vidéo a circulé dans des musées et galeries, et plusieurs photographies tirées de Balkan Baroque ont été proposées à la vente. « Coulibeuf a considéré que tout ce projet était son projet. J’ai bondi lorsque j’ai découvert l’installation vidéo. Il a quitté le territoire du film pour celui de l’art », nous a confié Marina Abramovic.
Un jugement qui pourrait faire date
De leur côté, Coulibeuf et Regards Productions, qui avaient gagné en 1999 un premier procès intenté par l’artiste à Amsterdam, ont considéré l’action d’Abramovic irrecevable, un délai important s’étant écoulé entre le déroulement des faits et le lancement de la seconde procédure en 2008. Pour leurs défendeurs, Abramovic n’aurait fait qu’interpréter un rôle sous la direction de Coulibeuf et ne pourrait en aucun cas être considérée comme coscénariste de The Star. La justice parisienne ne l’a cependant pas entendu de cette oreille. Le tribunal de grande instance a reconnu Abramovic coauteur de The Star et condamné Pierre Coulibeuf et Regards Productions à lui payer 50 000 euros de dommages et intérêts en réparation à l’atteinte portée à ses droits patrimoniaux. Ils doivent aussi s’acquitter de 25 000 euros supplémentaires pour atteinte portée au respect et à l’intégrité de l’œuvre d’Abramovic. « Cette décision avec exécution provisoire valide la performeuse comme une auteure à part entière. La ramener à une simple comédienne, comme l’a prétendu Pierre Coulibeuf, revenait à nier ce que représente la performance », indique Agnès Tricoire, avocate de Marina Abramovic. L’avocat de Pierre Coulibeuf, Emmanuel Pierrat, n’a pas souhaité faire de commentaire. Le jugement en faveur de Marina Abramovic pourrait faire date. Pour la seconde fois, un auteur de performance monte au créneau pour défendre son statut. En 2004, la cour d’appel de Paris avait ainsi conclu que le performeur Alberto Sorbelli était coauteur des photographies réalisées par Kimiko Yoshida lors de sa performance intitulée Tentative de rapport avec un chef-d’œuvre et effectuée en 1997 au Musée du Louvre, à Paris. Signe que la performance est un art à part entière, y compris sur le plan juridique.
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La performance, un art à part entière
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°339 du 21 janvier 2011, avec le titre suivant : La performance, un art à part entière