Cinéma

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Georges Méliès, l’homme-orchestre

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 6 mai 2008 - 683 mots

La Cinémathèque rend hommage au génie créatif de Georges Méliès, précurseur du 7e art et père spirituel du film de science-fiction.

PARIS - Réalisateur, illusionniste, machiniste, régisseur, décorateur, acteur, mime, prestidigitateur, directeur de théâtre, mais aussi caricaturiste, peintre et sculpteur : Georges Méliès (1861-1938) fut tout cela à la fois. Assumant à lui seul la production de ses nombreux films – plus de cinq cents réalisés de 1896 à 1912 dans ses ateliers de Montreuil –, Méliès a bouleversé les débuts de la cinématographie en apportant une part de rêve et de magie à cette industrie naissante alors essentiellement consacrée au documentaire. La Cinémathèque française, à Paris, lui rend aujourd’hui hommage à travers ses propres collections et l’ensemble acquis en 2004 par le Centre national de la cinématographie (CNC) et le Fonds du Patrimoine (ministère de la Culture) auprès de Madeleine Malthête-Méliès, la petite fille du créateur. Manuscrits autographes, peintures et dessins, tirages originaux de photographies de plateaux, costumes, accessoires et appareils de magie – parmi lesquels la fameuse armoire du Décapité récalcitrant –, catalogues, affiches et programmes d’époque, appareils cinématographiques, et, bien sûr, des films projetés tout au long du parcours restituent le monde extraordinaire de Méliès dans une ambiance feutrée. Homme orchestre, à l’image du film de 1900 dans lequel il apparaît simultanément sept fois sur la toile, « cet artisan de génie a le mérite de concevoir le cinéma comme un spectacle original », soulignent Laurent Mannoni et Jacques Malthête, auteurs du catalogue raisonné des fonds Méliès de la Cinémathèque et du CNC édité à l’occasion. Chronologique, le parcours s’attarde d’abord dans les coulisses du théâtre de Robert-Houdin, illusionniste et collectionneur d’automates, dont Méliès rachète le fonds en 1888 pour y présenter ses numéros de magie. Jusqu’en 1910, le public vient nombreux pour découvrir les saynètes magiques concoctées par ses soins, de La Stroubaïka persane à L’Enchanteur Alcofrisbas. En 1896, Méliès acquiert ses premiers appareils cinématographiques : une caméra et un projecteur, ici exposés. L’année suivante, il fait édifier à Montreuil un studio vitré, l’atelier A (dont sont présentées une maquette et une reconstitution 3D interactive) pour se consacrer à sa nouvelle passion : le 7e art. Un deuxième studio, l’atelier B, est ensuite construit à Montreuil à la fin de l’année 1907. Avec ses divers trucages, Méliès invente un nouveau genre, celui du cinéma fantastique ou de science-fiction. Chef-d’œuvre d’inventivité devenu culte, son Voyage dans la lune (1902), adaptation du roman de Jules Verne De la Terre à la lune, projeté dans le monde entier, marque une nouvelle étape dans la création cinématographique six ans après le premier film des frères Lumière. Auparavant, Méliès avait réalisé les loufoques Infortunes d’un explorateur appelées encore les Momies récalcitrantes (1900), L’Homme à la tête en caoutchouc (1901) ou les délires d’un chimiste dans son laboratoire, ainsi que différentes bandes publicitaires pour les apéritifs Picon ou le biberon Robert. Et ce, tout en s’intéressant à l’actualité, comme en témoigne sa reconstitution en studio de l’affaire Dreyfus (1899). En 1912, il réalise La Conquête du pôle, pour lequel il fait construire un géant des neiges articulé dont le visiteur peut découvrir les images drolatiques. Il s’agit de l’un de ses derniers films avant que n’éclate la Première Guerre mondiale et que ses studios ne soient transformés en salles de théâtre pour finalement fermer leurs portes. Méliès les vend en 1923 pour sortir de l’impasse financière dans laquelle il se trouve à l’heure où les grosses maisons de production dominent le marché. Ses films sont alors détruits (par ses soins) ou vendus pour une bouchée de pain. La Cinémathèque française, à travers la figure de son créateur Henri Langlois, est heureusement parvenu à sauvegarder une partie de son œuvre pour en restituer au public, à travers cette exposition, toute la magie et le génie précurseur

MÉLIÈS, MAGICIEN DU CINEMA

La Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, 75012 Paris, tél. 01 71 19 33 33, www.cinematheque.fr, tlj sauf mardi, 12h-19h, jeudi 12h-22h, dimanche 10h-20h. Catalogue éditions de La Martinière/La Cinémathèque française, 360 p., 49 euros, ISBN 978-2-7324-3732-3. DVD Méliès, le cinémagicien, éditions Prestige/arte video, 25 euros.

MÉLIÈS

- Commissaires : Laurent Mannoni, directeur scientifique du patrimoine à la Cinémathèque française et directeur du Conservatoire des techniques cinématographiques de l’institution
- Scénographie : Massimo Quendolo
- Superficie : 300 m2

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°281 du 9 mai 2008, avec le titre suivant : Georges Méliès, l’homme-orchestre

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