NÎMES
Comment canaliser les flots de touristes qui chaque année visitent le pont du Gard et faire de ce monument un levier de développement économique ? Telle a été la réflexion qui a inspiré l’aménagement du site dont les deux bâtiments de Jean-Paul Viguier constituent la partie la plus visible. Un projet auquel s’ajoute la discutable mise en lumière de James Turrell.
NÎMES - Quinze ans. Il aura fallu quinze ans pour qu’aboutisse l’aménagement culturel et touristique des environs du pont du Gard décidé par le conseil général, dans la foulée du classement au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco. Après l’heureux abandon de plusieurs projets plus ou moins discutables, les élus ont préféré confier à la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Nîmes la conception d’un projet et sa mise en œuvre, ainsi que l’exploitation du site. De l’aveu même des promoteurs de l’opération, il s’agit de faire du pont un produit d’appel pour le tourisme dans la région, et de tirer le meilleur profit du million de visiteurs annuel. En prévoyant des espaces à caractère pédagogique et en débarrassant le site des automobiles, l’objectif économique s’est naturellement paré des atours culturels et de la bonne conscience écologique. Mais, avec un investissement de 208 millions de francs (dont 64,5 de l’Union européenne et 62,5 de la CCI de Nîmes), l’exigence de retombées économiques non seulement pour la concession mais surtout pour l’industrie touristique locale est forte.
En ce qui concerne l’aménagement lui-même, la bonne idée a été de supprimer les parkings situés dans l’environnement immédiat du monument et de les reporter hors de sa vue, tout en transformant la route départementale en chemin de promenade paysager. D’autre part, deux bâtiments, un sur chaque rive, ont été construits pour l’accueil du public, l’installation de boutiques et restaurants et d’espaces muséographiques et pédagogiques. À l’issue d’un concours, l’agence de Jean-Paul Viguier (auteur notamment du siège de France Télévision) s’en était vu confier la réalisation, avec pour maîtres mots discrétion et insertion harmonieuse dans le paysage. Démesurément étiré en longueur, l’édifice principal, baptisé le Portal, se présente comme une longue barre mal proportionnée et ennuyeuse, qu’aucun accent ne vient rythmer. Les différentes fonctions étant distribuées de part et d’autre de l’allée centrale, le Portal évoque irrésistiblement une sorte de centre commercial en plein air. Outre un auditorium dans lequel est diffusée une fiction gentillette sur le pont, le bâtiment comprend un immense espace de 2 500 m2 où prendra place à la fin de l’année une exposition consacrée à l’aqueduc. Sur l’autre rive, la Baume accueille notamment un spectacle multimédia. Pour agrémenter le chemin reliant les deux lieux, une commande de mobilier a été confiée à Maarten van Severen.
Pour les visiteurs du soir, plutôt qu’un simple son et lumière, la concession a souhaité faire intervenir un artiste. Sollicité sur les conseils de la Mission an 2000, James Turrell a cherché dans son installation à “retrouver l’expérience de la lumière vécue les yeux fermés”. Difficile en revanche de fermer les yeux sur la mise en place de ce dispositif qui s’est faite au mépris du monument et de son intégrité (lire le JdA n°102, 31 mars 2000). Comment en effet qualifier de bénigne l’installation de 1 200 sources lumineuses et de 90 km de câbles ? La “mise en valeur” du pont était sans doute à ce prix…
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Le pont du Gard, un produit d’appel
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°109 du 25 août 2000, avec le titre suivant : Le pont du Gard, un produit d’appel