Le nombre des collectionneurs d’archéologie méditerranéenne s’est nettement accru depuis une dizaine d’années. Cette croissante s’explique en partie par la multiplication des grandes expositions et des grandes foires. Mais il n’y aurait à l’échelle mondiale pas plus d’une centaine de marchands dont une poignée à Paris avec lesquels nous vous proposons de faire plus ample connaissance.
L’archéologie ? Ils en sont tous tombés amoureux alors qu’ils étaient encore adolescents. La plupart ont fait leurs premiers pas de collectionneurs à moins de quinze ans. Jean-Loup Despras est le doyen de ce petit groupe. Il est venu à l’archéologie par l’étude des hiéroglyphes après avoir entrepris des études d’égyptologie à la Sorbonne et à l’École du Louvre. Il a ensuite ouvert une galerie boulevard Raspail puis rue des Beaux-Arts, la galerie Orient, Occident. Jean-Philippe Mariaud de Serres a, lui, découvert la spécialité au contact de son père qui ne cessa de collectionner – une partie de ses pièces a été dispersée les 1er et 2 octobre à Drouot Montaigne.
Diplomate puis conseiller de la Compagnie française des pétroles, ce dernier a été successivement en poste en Irak et au Liban. “Mon père a commencé à acheter à Beyrouth, en 1943. Au début, il s’intéressait surtout à de petits objets romains”, précise l’expert. Très vite, le fils songe à faire de sa passion un métier, abandonnant ses études de médecine pour rejoindre l’Institut d’histoire de l’art et d’archéologie de la rue Michelet. Au sortir de l’université, il devient stagiaire auprès de Jean Vinchon, numismate réputé, installé rue de Richelieu. Avec lui, il découvre le métier d’expert et se spécialise dans le domaine des cylindres, et cachets orientaux. “J’ai appris la rigueur à son contact mais aussi l’humilité. Quand l’expert hésite entre deux options pour authentifier un objet, il se doit de signaler ces deux cas de figure.” Il découvre aussi les arcanes des ventes publiques à l’anglo-saxonne dont Vinchon fut un des précurseurs. Celui-ci soignait particulièrement ses catalogues en présentant des notices détaillées et la photographie de tous les objets consignés. Parallèlement à son activité d’expert, il fait ses premiers pas en tant que marchand. Au Palais-Royal d’abord, dans une petite boutique de 6 mètres carrés, rue Sainte-Anne en 1971, puis rue Bonaparte à partir de 1984. Depuis six ans, il organise avec le commissaire-priseur François de Ricqlès une vente annuelle d’archéologie.
Une collection d’amulettes
Didier Wormser fut aussi un collectionneur précoce. “J’ai débuté une collection d’amulettes à l’âge de huit ans, se souvient-il. C’était très stimulant de partir à la recherche de l’origine et de la signification de l’objet en me plongeant dans les livres.” Ce n’est que vers trente ans qu’il décide de vivre de sa passion et d’entrer à l’École du Louvre abandonnant ainsi son métier d’organisateur de concerts. “J’ai eu la chance d’être formé par des professeurs de très haut niveau comme Olivier Perdu, enseignant au Collège de France, l’un des meilleurs spécialistes au monde d’écriture épigraphique et Christiane Zigler, devenue chef du département des antiquités égyptiennes au Louvre.” Pendant une dizaine d’années, il apprend le métier de marchand en organisant des expositions-ventes d’archéologie. Sa préférence le porte vers l’Égypte et l’Orient ancien.
En 1995, il reprend, rue des Beaux-Arts, la galerie du Sycomore, qui était déjà spécialisée en archéologie. “Il a fallu s’accrocher. Les deux premières années, je n’ai pas vendu grand chose. J’achète avant tout les objets qui me plaisent”, conclut-il.
Joseph Uzan est, lui, plus tourné vers la civilisation romaine. “Ma mère aimait beaucoup l’art romain, sa puissance et sa beauté. Dans son sillon, j’ai commencé à collectionner des petits objets dès l’âge de quatorze ans.” Par la suite, il élargit son champ d’intérêt à l’Iran et l’Afghanistan, puis à l’art islamique. Pour rassurer ses parents, il entreprend des études d’économie et de sciences politiques, puis ouvre en 1973, la galerie Samarcande, installée rue des Saints-Pères. “Un des grands avantages de ce métier est de nous permettre de voir passer entre nos mains une grande quantité d’objets”, explique-t-il.
Le parcours de Jean-Pierre Montésino (galerie Cybèle) est plus atypique. Ancien chef de cabine à Air France, il ouvre sa galerie, rue Galande, alors qu’il est encore en poste dans la compagnie aérienne. Mais sa passion est beaucoup plus ancienne. Il achète ses premières pièces à l’âge de quatorze ans. “Mon coup de foudre pour l’Égypte remonte au collège et au cours d’histoire de l’Antiquité. J’ai dépensé l’équivalent de trois mois de salaire – j’effectuais de petits boulots dans un hôtel – pour acquérir ma première amulette.” Au-dessus de sa galerie où il expose des objets grecs, romains et égyptiens, se trouve une librairie qui recense quelque 5 000 titres traitant tous d’égyptologie. Jean-Pierre Montésino édite aussi quelques ouvrages dans cette spécialité.
L’École pratique des hautes études
C’est le plus jeune de la petite équipe des marchands d’archéologie parisiens. Daniel Lebeurrier (galerie Gilgamesh) a conservé quelques pièces égyptiennes collectées par un de ses aïeux, qui fut conseiller militaire de Napoléon III. Ce voisinage prestigieux l’a amené, de fil en aiguille, à collectionner tôt lui aussi, dès l’âge de neuf ans. Après des études à l’École du Louvre, à l’université puis à l’École pratique des hautes études, où il s’est spécialisé en archéologie orientale, il a ouvert une galerie, rue de Verneuil, en 1998, tout en poursuivant sa thèse sur les rituels funéraires en Iran à l’âge du fer.
C’est la seule foire au monde qui regroupe un contingent aussi important de marchands spécialisés en archéologie méditerranéenne. Pour la deuxième édition de Cultura, organisée à Bâle du 14 au 22 octobre, ils seront vingt dont deux Français sur un total de soixante-dix marchands d’art internationaux. La section la plus étoffée est celle de l’archéologie (20 exposants) suivie par les antiquités et objets d’art européens (15) et l’art d’Extrême-Orient (11). La section haute joaillerie et bijouterie rassemblera 8 marchands, celle des livres anciens et manuscrits 5 libraires. Une exposition non commerciale consacrée aux Bouddhas, dieux et saints tibétains présentera un ensemble d’œuvres empruntées à la collection du théologien Gerd-Wolfgang Essen dont une sculpture du Bouddha Sakyamuni et un reliquaire d’autel dédié au Dieu Tara.
- CULTURA, 14-22 octobre, Messe Basel, bâtiment 3, lundi-vendredi 11h-20h, samedi et dimanche, 11h-18h.
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L’archéologie en culottes courtes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°112 du 6 octobre 2000, avec le titre suivant : L’archéologie en culottes courtes