L’année 2016 conforte les tendances des années précédentes, mais fait aussi apparaître quelques belles progressions et suggère un « effet galerie ».
Les palmarès sont devenus des acteurs à part entière du monde de l’art, tout particulièrement contemporain. Dans ce milieu marqué par une certaine incertitude sur les valeurs esthétiques et financières, les classements apparaissent souvent comme rassurants et constituent une source d’information qui peut aider les acteurs, tant collectionneurs que galeristes ou institutionnels, dans leurs prises de décisions, pouvant conforter leurs choix ou les faire hésiter, si ce n’est renoncer. Censés révéler les positions, les palmarès possèdent également une dimension performative. Il est généralement de bon ton de critiquer les classements, mais cela n’empêche en rien de les consulter et même les plus sceptiques ne manquent généralement pas de les parcourir quand l’occasion s’en présente.
Les palmarès en art ont ceci de décevant qu’ils se renouvellent assez peu d’une année à l’autre. En 2016, l’Artindex monde accueille ainsi dans son palmarès des artistes contemporains vivants les plus en vue dans le monde, pas moins de 93 artistes qui étaient référencés dans l’édition précédente du classement. Selon « l’effet Matthieu » bien connu des sciences sociales, le succès appelle généralement le succès. Le meilleur moyen de prévoir la réusite future d’un artiste reste encore de considérer son succès présent. Certes, des évolutions peuvent avoir lieu d’une année à l’autre, mais dans l’immense majorité des cas, elles restent modérées et on remarque d’autant plus les brusques accélérations ou les chutes qu’elles sont, en réalité, beaucoup plus rares que les évolutions progressives.
Les vétérans du marché de l’art en tête
Les positions en tête de classement sont remarquablement stables : on a clairement affaire à des artistes dont la consécration n’est plus contestable. Bruce Nauman et Gerhard Richter, inéluctablement 1er et 2e de l’Artindex, en offrent l’éclatante illustration. En 2016, aucun nouvel entrant dans le palmarès ne parvient à se hisser plus haut que la 91e position qui échoit à Glenn Ligon. À part ce dernier et Danh Vo (94e), aucun des « nouveaux entrants » ne peut être considéré comme un (relativement) jeune artiste : Joseph Kosuth (92e), Robert Morris (93e), Santiago Sierra (98e), Anish Kapoor (99e), enfin Christo et Jeanne-Claude (100e), décédée en 2009, sont tous des artistes au parcours accompli, si ce n’est des vétérans. C’est que la consécration se mérite et, de plus en plus, prend du temps.
Les autres tendances qui relèvent également de la sociologie du monde de l’art traduisent aussi cette même permanence. En particulier, les femmes continuent d’être nettement minoritaires (lire article page 24). Année après année, ce sont également les mêmes pays qui dominent fortement le monde de l’art. 2016 n’y fait pas exception : 31 artistes possèdent la nationalité des États-Unis, 18 de l’Allemagne, 8 de la Grande-Bretagne, 6,5 de la France, 5,5 de la Suisse, 4 de l’Autriche, 3,5 de l’Italie. Ces six pays arrivent traditionnellement en tête et concentrent à eux seuls plus des trois-quart des artistes stars et ce, dans un monde qui croit généralement vivre à l’ère de la globalisation, entendue au sens d’une abolition de l’influence des pays d’appartenance. Et encore, la prise en compte du pays de résidence viendrait encore renforcer le poids des nations de tête, surtout des États-Unis, dont les artistes raflent déjà pas moins de cinq des dix premières positions !
Une scène française très discrète
Concernant les artistes français, il faut reconnaître que le début des années 2000 est loin, lorsque les plus optimistes voulaient croire que les créateurs hexagonaux étaient en passe de triompher internationalement et de s’emparer du monde ! La réalité est plus humble. Non seulement les artistes français ne sont guère plus nombreux que les Suisses (pays qui compte huit fois moins d’habitants et qui ne possède ni la même histoire de l’art ni le même réseau institutionnel…), mais ils sont assez bas dans le classement. De surcroît, la plupart se maintiennent juste ou reculent. François Morellet arrive en première position dans le classement (mais est seulement 45e) ; pas sûr, pourtant, qu’il soit le plus soutenu en France. Puis viennent Christian Boltanski (52e), Daniel Buren (68e), Claire Fontaine (74e), Sophie Calle (78e) et Pierre Huyghes (81e). Signalons toutefois que le duo Claire Fontaine progresse de neuf places et Pierre Huyghe de dix-neuf places (il est seulement battu par Heimo Zobernig qui gagne 43 places et explose littéralement en un an). La présence de Pierre Huyghes aux États-Unis a été forte en 2015 et l’effet territorial a joué à plein. Le duo Claire Fontaine a naguère été défendu par la galerie française Chantal Crousel, Pierre Huyghe l’est encore aujourd’hui (Danh Vo et Heimo Zobernig aussi). Sans doute serait-il utile de creuser ce qui peut, dans ces beaux succès, relever de l’« effet galerie ».
Artindex est un classement de visibilité qui repose sur les expositions auxquelles participent les artistes. Les données sont fournies par notre partenaire Artfacts.net, dirigé par son fondateur Marek Claassen qui administre une base d’artistes, de lieux et d’expositions. Chaque exposition des artistes est créditée d’un certain nombre de points qui dépendent de l’importance des lieux qui peuvent être des musées, biennales ou galeries, du format de l’exposition (collective ou individuelle) et de son ancienneté. Les expositions récentes ont plus de points que les expositions passées. Il se peut que des expositions ne soient pas enregistrées par Artfacts.net. Il est conseillé aux artistes et à leur galerie de les communiquer directement sur internet à www.artfacts.net. Afin de faciliter la lecture des évolutions dans les tableaux, nous avons changé les signes : 15 signifie qu’un artiste gagne 15 places et -15 qu’il perd 15 places.
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Artindex monde 2016
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°454 du 1 avril 2016, avec le titre suivant : Artindex monde 2016