Biennale

Métiers d’art

Révélations franchit un cap

Par Éléonore Thery · Le Journal des Arts

Le 15 septembre 2015 - 758 mots

Pour sa deuxième édition, la biennale des métiers d’art et de la création monte en gamme et s’internationalise.

PARIS - Organiser une biennale consacrée aux artisans d’art sous la verrière qui accueille habituellement la Biennale des antiquaires, la Fiac (Foire internationale d’art contemporain) ou Paris Photo était un vrai pari. La première édition de « Révélations », organisée en 2013 dans des délais très restreints, avait valeur de manifeste. Cette première pierre fut posée avec succès au regard de l’engouement public, mais nombre de points restaient à ajuster, du positionnement (encore flou) à la qualité (très inégale). L’équipe menée par Serge Nicole, président d’Ateliers d’Art de France, a fait passer lors de sa deuxième édition, du 10 au 13 septembre, une nouvelle étape au salon. « Il était important d’en assurer la pérennité. Il nous fallait franchir une marche importante, et cela passe par une meilleure sélection et l’internationalisation », explique Henri Jobbé-Duval, commissaire général de Révélations.

Près de 70 pays étaient représentés parmi les quelque 300 exposants présents. « Le Banquet », grande exposition centrale, était à l’image de cette ouverture. S’étirant sur toute la largeur du Grand Palais, il accueillait 17 nationalités disséminées sur une dizaine d’îlots géographiques, chacun placé sous la responsabilité  d’un commissaire. On y croisait une chaise en ébène pleine de fantaisie signée Babacar et Balla Niang aux côtés d’autres assises du Sénégal, les tissages en volume de la Néerlandaise Dienke Dekker en papier coloré à la gouache et au marqueur, les céramiques épurées du Japonais Eiji Uematsu ou une chaise aux savants entrelacs de bambou, collaboration du designer français Samuel Misslen et de l’artisan taïwanais Lin Jiang-Cheng. Au-delà de l’intérêt des pièces, inviter des créateurs internationaux au sein d’un espace non marchand permet d’accéder à tout un écosystème. « Ces ambassadeurs des pays, entraînent avec eux, non seulement un secteur mais aussi toute l’économie et la dynamique économique qui va derrière », relèvent Henri Jobbé-Duval. L’une des autres avancées du salon est précisément le renforcement du public professionnel, jusque-là fondu dans le grand public, et dont l’accueil est cette année plus structuré.

Vocabulaire contemporain
Mais la première réussite de cette édition est d’avoir accentué sa sélectivité pour obtenir un salon plus homogène, sous la houlette d’un nouveau comité accueillant Alice Morgaine (conseillère pour Hermès), Antoine de Galbert (La Maison rouge) ou Julien Lombrail (Carpenters Workshop Gallery). Si la diversité des métiers est toujours recherchée, des céramistes aux verriers en passant par les ferronniers ou les ébénistes, la dimension patrimoniale, encore très présente en 2013, a perdu du terrain au profit de la création. Il s’agit certes de mettre en avant des techniques de production anciennes, mais au vocabulaire formel contemporain. Nombre de créateurs également ont migré du salon Maison & Objet (aussi organisé par Ateliers d’Art de France). C’est le cas d’Alexandre Poulaillon, qui a remis au goût du jour la technique des papiers dominotés, ancêtre du papier peint, abandonnée depuis plus de deux siècles. Dévoilant un savant travail de composition, de gravure et de couleur, il précise : « Ici, le lieu est clair : il n’y a que les artisans d’art, il n’y a pas de mélange avec des industriels ».

Autre signe intéressant, la présence de galeries telles que Bernard Chauveau ou S. Bensimon, nouvel arrivant. Parmi les stands remarqués, celui, commun, des pays nordiques proposait avec finesse et humour un cheminement à travers 25 créations (de quelques centaines d’euros à 20 000 euros). Le salon était encore l’occasion de découvrir les céramiques de Karen Swami (de 500 à 6 000 euros) dont les accidents – ici une clarté de l’émail, là une fissure – sont rehaussées d’or ; les fruits imaginaires de Kaori Kurihara, dont une grande partie ont été vendus (de 400 à 700 euros) ; ou les tissages en coton et rafia d’Aissa Dione.

Les retombées commerciales restent encore incertaines, mais des jalons sont posés. « Cartier était intéressé par une collaboration avec un de nos créateurs », indiquait-on ainsi sur le stand de l’association Hand in Hand, qui favorise les échanges entre créateurs taïwanais et français. Si certains stands ne sont pas encore au niveau, la sélectivité sera encore accrue lors des prochaines éditions, promettent les organisateurs. « Ce rendez-vous va devenir le point de repère international pour promouvoir l’excellence des savoir-faire sur le plan international », veut croire Henri Jobbé-Duval. En attendant une bouture à l’étranger en 2018, la prochaine édition aura lieu du 3 au 8 mai 2017, annualisation de la Biennale des antiquaires oblige. Le PAD pourrait bien y perdre quelques noms.

Légende photo

Vue du salon Révélations, au Grand Palais. © Photoproevent.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°441 du 18 septembre 2015, avec le titre suivant : Révélations franchit un cap

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