La Conciergerie accueille des œuvres de la collection Pinault autour du thème de l’enfermement. Une exposition qui, dans son financement et sa promotion, fait débat.
PARIS - Voilà un propos qui sied on ne peut mieux au lieu qui s’en fait l’hôte. La Conciergerie, qui dans l’enceinte du premier palais royal parisien devint lieu de détention de la justice révolutionnaire, accueille une cinquantaine d’œuvres de la collection Pinault réunies par Caroline Bourgeois autour du thème de l’enfermement.
Dans « À triple tour », la commissaire opère un jeu de bascule entre plusieurs types de claustrations : physique ou mentale, subie ou consentie, relevant du domaine commun ou de l’ordre intime, avec quelques œuvres très fortes. Parmi les plus beaux moments sont ceux ayant trait à la résistance, comme dans ce film de Bertille Bak où des habitants d’un quartier pauvre de Bangkok défient l’annonce d’une démolition de leur immeuble avec l’usage de la lumière, mais aussi à la définition du chaos urbain et/ou humain avec les tableaux de Julie Mehretu et Ahmed Alsoudani.
Mais la plus grande intensité sourd bien entendu des travaux évoquant l’intime. Ainsi du rapprochement d’une tumeur en résine d’Alina Szapocznikow engluée sur une feuille de journal à proximité de « portraits » de Tetsumi Kudo, des visages pour certains enfermés dans des cages. Bouleversant est encore le film de Javier Téllez, La Passion de Jeanne d’Arc (2004), qui filmant des patients d’un institut de soins psychiatriques parvient à presque rendre palpable la folie.
Une emphase inutile
La manifestation a été entourée d’un début de polémique au moment de son ouverture, un article du journal en ligne Médiapart ayant révélé que l’opération avait été intégralement financée par les Monuments nationaux, ce qui ne fut pas démenti. S’il est évident que de tels événements publics participent à la valorisation d’une collection, il n’est pas nouveau que ce sont les structures d’accueil qui en payent la facture, comme par exemple l’invitation de la collection Saatchi au Tri Postal de Lille en 2010. Cela ne signifie pas qu’il faille s’en accommoder, même si élus et programmateurs culturels s’accommodent eux parfaitement du « buzz » et de la billetterie générés par ce type de programmation.
Il serait en revanche judicieux de conseiller aux structures culturelles – et ici aux Monuments nationaux – qui très souvent ont la prétention d’être les premiers à présenter tel ou tel, d’éviter les emphases risibles. Ainsi relève-t-on dans le dossier de presse que l’exposition est « l’une des premières présentations en France d’œuvres souvent inédites d’une exceptionnelle collection ». Au-delà du fait que cette perle dialectique ne veut pas dire grand-chose, elle est qui plus est erronée. Des œuvres de la collection Pinault ont été présentées en France à Lille, Dinard, ou Dunkerque. Lorsqu’on n’a pas assez d’imagination pour être le premier mieux vaut éviter le ridicule, toujours visible, de faire comme si.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Des œuvres sous clé
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €jusqu’au 6 janvier, La Conciergerie, 2, bvd du Palais, 75001 Paris, tél. 01 53 40 60 80, www.conciergerie.monuments-nationaux.fr, tlj 9h30-18h. Catalogue éditions du Patrimoine, 242 p., 35 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°402 du 29 novembre 2013, avec le titre suivant : Des œuvres sous clé